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L'aide médicale à la procréation : pour qui, pourquoi ?

4.1. Accompagner l’infertilité

4.1.1. L'aide médicale à la procréation : pour qui, pourquoi ?

4.1. Accompagner l’infertilité

4.1.1. L'aide médicale à la procréation : pour qui, pourquoi ?

Dans les sociétés occidentales où l’on remarque une baisse significative de la fertilité due entre autres à l’âge plus avancé des femmes qui envisagent de concevoir un enfant et à l’exposition à des agents toxiques influençant la qualité des gamètes masculins et féminins, près de 15 à 20% des couples sont amenés un jour à consulter un gynécologue pour une difficulté à procréer.

4.1.1.1. Médicalisation du contrôle des naissances

La médicalisation du contrôle de la procréation, que ce soit pour limiter (contraception) ou favoriser les naissances, a considérablement évolué au cours du XXe siècle dont elle a été un événement majeur. « En effet, l'efficacité de la contraception a laissé croire aux hommes et aux femmes qu'ils avaient une parfaite maîtrise de leur fertilité. La réalité est évidemment plus complexe et l'arrêt de la contraception n'est pas toujours synonyme de grossesse. (…) Il est fréquent d'entendre des femmes exprimer un sentiment de culpabilité vis-à-vis de la pilule. Elles regrettent souvent de l'avoir démarrée trop tôt et utilisée trop longtemps. Elles se reprochent d'avoir eu recours à cette contraception hormonale qui les empêche aujourd'hui de devenir mères. Il s'agit d'une perception déformée de la réalité : la pilule oestroprogestative a simplement mis entre parenthèses la fertilité de la femme, elle ne l'a pas pénalisée. Autrement dit, quelle que soit la durée de la contraception, la fertilité après la pilule a toutes ses chances d'être comme celle d'avant : ni moins bonne ni meilleure ! »402

                                                                                                               

402 Miguel Jean et Line Petit, Le couple face à l'infertilité, Paris, Albin Michel, 2013, p. 53-54.

Teresa, qui lutte depuis plusieurs années contre une infertilité augmentée d'un problème génétique découvert lors d'investigations médicales plus poussées, a souligné ceci lors de notre entretien: « J'aimerais dénoncer le mythe de la pilule ! » Pour les femmes hypofertiles en effet, la contraception semble être une vaste tromperie. Mais quand une jeune fille va voir timidement un gynécologue pour se la faire prescrire, elle demande rarement en parallèle un bilan de fertilité ! Dès lors, comment savoir qu'elle aura tel ou tel problème une dizaine ou une quinzaine d'années plus tard, quand elle arrêtera son contraceptif en vue d'une grossesse bien désirée et inscrite dans un projet parental ? Avec la maturité, la femme qu'elle sera devenue se demandera si cela n'a pas amoindri ses chances de devenir enceinte, événement dont elle ne voulait pas entendre parler à telle période de sa vie, sans stabilité amoureuse, financière, professionnelle... Puis elle regrettera et culpabilisera, se demandant si son infertilité ne découlerait pas de ces années de refus de maternité...

« La révolution sexuelle et l'avènement de la contraception dans les années 1960 avait mis en avant le slogan "Un bébé quand je veux !". Malheureusement, les choses sont plus compliquées et il serait plus juste de dire aujourd'hui : "Un bébé quand je peux...

quand je peux encore !" C'est injuste, cruel, inacceptable... mais c'est la réalité : la baisse de la fertilité féminine avec l'âge est rapide et l'importance de ce déclin est trop souvent sous-estimée dans le projet parental. »403 Il suffit aussi que les deux conjoints se soient rencontrés sur le tard ou aient d'abord mené à bien un projet professionnel avant de se décider à fonder une famille. Tous ces facteurs souvent mis ensemble contribuent à la difficulté de faire démarrer une grossesse chez des femmes aux abords de la quarantaine.

Partant de l'hypothèse que nos enfants proviennent bien sûr de deux gamètes, mais aussi premièrement de l'impulsion d'amour de Dieu pour nous, comment accompagner ces couples qui, au-delà de la souffrance ressentie face à ces difficultés pour devenir parents, peuvent se sentir rejetés par Dieu, punis pour des « fautes du passé » (la contraception peut être ressentie comme telle, de même une jeunesse débridée ou encore un avortement antérieur) ?

4.1.1.2. Stérilité, infertilité : choix de la terminologie

La stérilité totale d'un couple est extrêmement rare. L'histoire offre de larges perspectives de l'évolution de ces femmes et de ces hommes touchés par une incapacité à                                                                                                                

403 Id., p. 57.

procréer. Aujourd'hui, avec les techniques médicales disponibles et la recherche scientifique en cours, l'on connaît mieux les entraves à la survenue d'une grossesse.

Toujours est-il que le choix des termes peut souvent résonner de manière négative, et avec Jean Reboul, j'aimerais souligner et insister sur le fait que « féconde ou inféconde, une femme n'est jamais stérile »404, c’est pourquoi il est préférable de parler d’infertilité ou d’hypofertilité. Je reviendrai sur la nécessité, pour un couple rencontrant des difficultés à devenir parents, de chercher et de trouver d’autres manières d'être féconds ensemble.

4.1.1.3. Les causes de l’infertilité

Les causes d'infertilité sont multiples : après investigations médicales, elles se trouvent à 30% uniquement du côté de l’homme405, à 30% du côté de la femme406, à 30%

chez les deux partenaires. Les 10% restants relèvent d’une cause « inexpliquée », c’est-à-dire qu’aucune anomalie biologique n’est relevée ni chez l’homme ni chez la femme. Dans la plupart des cas un traitement médical adapté aboutit finalement à la naissance d’un ou de plusieurs enfants dans les années qui suivent le diagnostic. Demeurent cependant des cas où aucune aide médicale à la procréation ne fonctionne et les couples concernés se tournent en général vers l’adoption ou font le deuil de la parentalité.

4.1.1.4. Techniques médicales

La première insémination artificielle407 eut lieu au XVIIIe siècle. Depuis, la technique s'est améliorée et favorise la survenue d'une grossesse dans 15 à 20% des cas. Il est à noter que cette possibilité laisse la nature suivre son cours puisque la fécondation a lieu dans le corps de la femme. Seuls les spermatozoïdes sont triés et préparés en                                                                                                                

404 Jean Reboul, L'impossible enfant, l'infertilité est-elle une maladie d'amour?, Coll. Psychologie, Paris, Desclée de Brouwer, 2001, p. 29.

405 Les spermatozoïdes peuvent être soit trop peu nombreux (oligospermie), pas assez mobiles (asthénospermie) ou encore mal formés (tératospermie). Parfois, un homme peut cumuler ces problèmes et on parle alors d'oligoasthénotératospermie. Dans des cas plus rares, le sperme ne contient aucun spermatozoïde (azoospermie).

406 Des raisons hormonales (absence d'ovulation ou ovulation de mauvaise qualité, glaire cervicale trop acide empêchant les spermatozoïdes de progresser) ou fonctionnelles (trompes bouchées ou endommagées, malformation utérine, maladie de l'appareil génital telle que l'endométriose) peuvent être autant de causes d'infertilité féminine.

407 L'insémination artificielle consiste de nos jours à déposer les spermatozoïdes (du conjoint ou d'un donneur) préalablement préparés dans la cavité utérine juste avant l'ovulation (au besoin légèrement stimulée et contrôlée par prises de sang et échographies), dans la perspective que la fécondation ait lieu naturellement.

Elle est indiquée en cas d'infertilité masculine modérée ou d'acidité de la glaire cervicale (cette barrière étant franchie à l'aide du cathéter).

laboratoire pour augmenter les chances de fécondation. Ne sont inséminés en effet que les spermatozoïdes normaux les plus mobiles.

Dans les cas d'infertilité plus sévères (oligoasthénotératospermie, trompes obstruées, échecs répétés de l'insémination artificielle), le couple peut être amené à se tourner vers la fécondation in vitro (FIV)408. Le traitement hormonal de la femme est assez conséquent et peut entraîner des complications telles que prise de poids, rétention d'eau, hyperstimulation nécessitant une hospitalisation, troubles de l'humeur, etc. et demande une grande disponibilité pour la surveillance accrue de la survenue de l'ovulation et l'hospitalisation ambulatoire pour le prélèvement des ovocytes sous anesthésie générale.

Sans parler du coût très élevé (environ CHF 10'000.- par tentative) non remboursé par l’assurance maladie…

Toutes ces possibilités induisent différentes questions qui ne sont pas les mêmes suivant les motivations invoquées pour se tourner vers une aide de la médecine en vue d'avoir des enfants. En effet, quand le recours à l'AMP s'inscrit dans le cadre social traditionnel de la famille ou quand il le transgresse (par exemple pour empêcher la naissance d'un enfant porteur d'une pathologie ou d'un handicap suite à un diagnostic préimplantatoire ou pour permettre à un couple de même sexe de devenir parents grâce à un don de gamète), ce ne sont pas les mêmes questionnements éthiques et sociaux qui surviennent. C'est pour cette raison, notamment, que l'accompagnement spirituel de ces couples face à leur désir d'enfant qui ne vient pas comme ils l'avaient souhaité est délicat à envisager.