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2.3 La compréhension à l’épreuve des textes narratifs narratifs

2.3.4 S’autoréguler et questionner le processus mis en œuvre

Après avoir fait l’état de ces différents processus, nous pouvons nous demander comment le lecteur organise, contrôle, régule toutes ces opérations entre elles. La compréhension étant un processus dynamique et non linéaire, comment procède-t-il pour parvenir à sa construction ?

Il doit recourir à la métacompréhension, c’est-à-dire à la métacognition appliquée à la compréhension. Il traite l’information, la planifie, la restitue en fonction d’objectifs qu’il s’est fixés. Ainsi, selon M. Rémond, « les processus métacognitifs ne peuvent être dissociés de

l’activité de compréhension : ils en constituent une composante à part entière. En effet, si les

processus de traitement des mots s’automatisent progressivement, ceux qui concernent le traitement des textes sont sous le contrôle potentiel et stratégique du lecteur216. »

De nombreuses études concernent les composantes métacognitives de la lecture et permettent d’accroître les connaissances sur les activités, processus, procédures et stratégies employés par le lecteur pour construire sa compréhension. La métacognition qui est un terme couramment employé désormais, n’est cependant pas encore définie de façon consensuelle bien que ce concept, dont la paternité est attribuée à J. Flavell217, ne soit pas nouveau. Ce terme désigne à la fois les connaissances métacognitives et le contrôle métacognitif.

Les connaissances métacognitives se réfèrent aux personnes, considérées comme des agents cognitifs, aux caractéristiques des tâches incluant leurs objectifs, et enfin, aux stratégies pertinentes pour atteindre le but cognitif.

215 VAN DEN BROEK, P., WHITE, M.J., KENDEOU, P., et CARLSON, S. (2009). Op. Cit.

216 RÉMOND M., Enseigner la compréhension : les entraînements métacognitifs in FAYOL M. et GOANAC’H D., Aider les élèves à comprendre, du texte au multimédia. Hachette Education. 2008. p205.

217 FLAVELL J. « Metacognitive aspects of problem-solving ». In Resnick and all : The nature of intelligence : Lawrence Erlbaum Associates. 1976.

97 Nous pouvons à la synthèse des travaux de Flavell, Paris, Lipson et Wixson et Garner, effectuée par Martine Rémond218 pour définir le concept de « stratégie : « La stratégie est un

enchaînement d’actions sélectionnées pour atteindre un but, un programme d’actions sous le

contrôle du lecteur : une stratégie peut être appliquée sans évaluation de son efficacité. Il

s’agit d’une séquence intégrée, plus ou moins longue et complexe, choisie pour rendre la performance optimale, ou pour résoudre les problèmes rencontrés dans la construction de la

signification du texte. Son degré de complexité varie. (…) Les stratégies sont flexibles et

adaptables à une grande variété de textes. On distingue des stratégies « spécifiques » de la lecture de stratégies plus « générales » qui sont transférables à d’autres domaines. » La

stratégie repose sur des connaissances qui la fondent : « le lecteur « stratégique » sait quoi faire, pourquoi il agit ainsi et comment opérer. En outre, il fait appel à ses connaissances

préalables. Chaque sujet dispose d’une gamme de stratégies plus ou moins étendue, dans

laquelle il peut sélectionner au moment où il planifie sa tâche, celle qui lui paraît la plus adaptée. » Il fait appel ainsi à ses capacités d’anticipation, de coordination entre stratégies, de vérification du but, et de révision de sa stratégie en fonction des effets obtenus ; la stratégie contribue à la réalisation d’un processus.

Pour définir les connaissances métacognitives, nous pouvons nous référer à la classification de Paris, Lipson et Wixson219 qui a largement été adoptée. On peut résumer ces connaissances par « wh », répondant à « what, how, when, why. » Elles sont au nombre de trois :

- les connaissances déclaratives (« what ») : c'est-à-dire verbaliser le savoir « quoi faire » ; elles correspondent aux connaissances générales et peuvent se référer aux personnes (la connaissance de son propre système cognitif, la motivation, les connaissances préalables…)

- les connaissances procédurales (« how ») : verbaliser le « comment faire » ; elles correspondent aux connaissances sur la manière de réaliser une activité.

- les connaissances conditionnelles (« why, when ») : verbaliser le savoir « quand et pourquoi » ; elles concernent l’opportunité des stratégies et leurs condition d’application en fonction des buts à atteindre.

218RÉMOND Martine, Les composantes métacognitives de la compréhension de l’écrit chez l’enfant. Thèse de

doctorat de psychologie. Université Paris V- René Descartes. 1999a, manuscrit non publié. Chapitre II, p 5-6.

219 PARIS S.G, LIPSON M.Y, WIXSON K.K. (1993). Becoming a strategic reader In Contemporary Educacional Psychology, 8, pp 293-316.

98 Ainsi les connaissances qui concernent la tâche et les stratégies sont également à mettre en lien avec les connaissances sur la personne elle-même : le lecteur a-t-il connaissance de ses ressources, ses limites cognitives, ses intérêts, sa motivation et en a-t-il conscience ? Il est fréquent selon J. Giasson, que le lecteur sous-estime ou sur-estime ses ressources dans la mesure où la perception de soi comme lecteur est la résultante des attentes des parents, des attitudes des pairs et des résultats scolaires passés.

La connaissance des processus s’accompagne du contrôle métacognitif, c'est-à-dire des capacités d’auto-régulation du lecteur :

- « évaluation » est entendue ici comme l’auto-évaluation ou la vérification. Elle tient compte à la fois de la tâche et des capacités du lecteur. Celui-ci peut non seulement évaluer sa compréhension en cours ou en fin de lecture mais aussi l’efficacité des stratégies qu’il a employées. Plus qu’une simple vérification, « il s’agit d’un jugement sur la qualité des résultats temporaires des traitements220 ». - « planning » : la planification consiste à déterminer, en fonction de l’objectif de la

lecture, le temps, l’effort et les moyens à accorder pour parvenir à une meilleure performance possible.

- « regulation » : régulation, ajustement, voire révision sur le contrôle métacognitif. Il s’agit du pilotage, de la vérification et de l’évaluation de son activité par le lecteur. Il est éventuellement amené à réviser, modifier ses plans et ses stratégies. Il s’adapte en fonction de la tâche et contrôle ses réussites et échecs.

Ainsi, il s’agit pour le lecteur non seulement de connaître les processus d’auto-régulation, mais de pouvoir aussi les utiliser. Grâce à ses processus, il vérifie si la compréhension est réussie et peut identifier et remédier aux problèmes qu’il rencontre en utilisant les stratégies appropriées. La classification de A. Brown221 permet de façon claire de dégager quatre composantes des processus de gestion de la compréhension. Il s’agit pour le lecteur de :

- savoir quand il comprend (et quand il ne comprend pas)

220 RÉMOND M., « Enseigner la compréhension : les entraînements métacognitifs » in FAYOL M. et GOANAC’H D., Aider les élèves à comprendre, du texte au multimédia. Hachette Education. 2008. p205.

221 BROWN, A. (1980). Metcagnitive development and reading, in SPIRO, R., BRUCE, B., BREWER, W., (Eds). Theorical issues in reading comprehension. Hillsdale, New Jersey, Lawrence Erlbaum.

99 - savoir ce qu’il comprend (et ce qu’il ne comprend pas)

- savoir ce dont il a besoin pour comprendre

- savoir qu’il peut faire quelque chose quand il ne comprend pas.

Le développement des processus métacognitifs accompagne l’acquisition des habiletés en lecture et y contribue. Ils peuvent se développer avec le temps, mais ils peuvent être améliorés par l’enseignement. Un entraînement à ces différents processus peut être bénéfique aux élèves, quel que soit leur âge et leur niveau comme le montrent les recherches de Grabe et Mann222 et Paris et al.223 cités par J. Giasson224

La compréhension de textes, comme nous venons de l’exposer, relève d’habiletés différentes et complémentaires que le lecteur doit solliciter au cours de sa lecture pour en comprendre le sens. Conscient qu’il ne s’agit pas d’attendre un produit fini chez l’élève, mais bien de lui permettre de s’approprier le savoir, l’enseignant a pour tâche de créer et proposer des situations pédagogiques permettant à l’élève cette construction de la compréhension du savoir, ici, la construction de la compréhension des textes narratifs. Comment cette compréhension est-elle enseignée à l’école, et notamment dans les dispositifs spécialisés ? Comment les élèves, et plus spécifiquement ceux qui présentent des troubles cognitifs s’approprient-ils effectivement ce savoir.

222 GRABE, M., MANN, S. (1984). A technique for the assessment and training of comprehension monitoring skills. In Journal of reading behavior. Vol.16, n°2, p262-277.

223 PARIS, S., CROSS, D., et LIPSON, M (1984). Informed strategies for learning : a program to improve children’s reading awareness and comprehension. In Journal of educational psychology, vol. 76, n°6, p 1239-1252.

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3. … À la nécessité d’une pédagogie

de la compréhension des textes

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