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de la compréhension des textes narratifs

3.3 Ce qu’il en est pour les élèves présentant des troubles cognitifs troubles cognitifs

3.3.1 Comment construisent-ils leur compréhension de textes ?

Si dans une réflexion un peu rapide, on pourrait être amené à penser que les élèves présentant des troubles cognitifs sont forcément plus en difficulté que les autres élèves en ce qui concerne la compréhension de textes et la mobilisation des processus nécessaires pour la construire, les travaux de L.S Vygotski nous rappellent que penser en termes de déficit est réducteur et qu’il est nécessaire de penser également en termes de compensation. Après une

241 Nous pensons ici notamment aux travaux sous la direction de Roland Goigoux concernant le lire-écrire en cycle 2. (Goigoux, R. Lire et écrire. Rapport de recherche. Etude de l’influence des pratiques d’enseignement de la lecture et de l’écriture sur la qualité des premiers apprentissages. Septembre 2015. En ligne : http://ife.ens-lyon.fr/ife/recherche/lire-ecrire [consulté le 20 avril 2016].)

242 CNESCO. Conférence de consensus. Lire, comprendre, apprendre : comment soutenir le développement des compétences en lecture ? Lyon. 16 et 17 mars 2016.

109 importante « chasse aux déficits243 » selon les termes de Borkowski et Cavanaugh (« deficits hunting »), les chercheurs ont adopté une posture plus nuancée, en lien avec les protocoles et résultats de recherche comme le soulignent F-P Büchel et J- L Paour244 citant Bray, Huffman et Gruppe245. Selon eux, « les personnes avec un retard mental n’ont pas que des déficiences

en matière de mémorisation, elles ont aussi des compétences ». Ainsi, selon Y. Courbois et J-L Paour, « Les personnes retardées mentales ont un fonctionnement et un développement complexes. Si elles ne semblent pas sortir des chemins typiques, elles les parcourent selon des rythmes propres qui conduisent à des organisations et à des adaptations singulières. Pour

partie, ces organisations sont le reflet de déficits, pour l’autre, elles relèvent de modes

d’adaptation compensatoires adoptés dans la quête d’une adaptation souvent difficile. Dans le domaine du retard mental, l’hétérogénéité n’est pas l’exception, elle est la règle. Elle se

manifeste y compris dans les profils cognitifs individuels dans lesquels des secteurs de réelle compétence coexistent avec des déficits prononcés.246» Ceci était déjà démontré par les travaux de R. Zazzo247dès les années 1960 qui avançait le terme d’hétérochronie développementale. Ainsi, en ce qui concerne le développement langagier, on a longtemps vu une corrélation entre handicap cognitif et retard de langage, mais cette théorie est désormais contestée. Il est difficile d’établir des règles générales tant les situations sont variées en fonction des enfants rencontrés. Si chez tous les enfants concernés le niveau du langage en réception est supérieur à celui en production, on constate, en effet, une grande variabilité intra-individuelle dans la maîtrise des différentes composantes du langage qui se développent plus ou moins rapidement que ce que le niveau intellectuel de l’enfant pourrait laisser prédire comme le montrent les travaux de Van Herwegen et al. et ceux de Van der Schuit et al. cités par S. Cèbe et F. Lévite248. De la même manière, pour ce qui est du vocabulaire, on observe249 une forte variabilité inter-individuelle

243BORKOWSKI, J.G., CAVANAUGH, J.C (1979). « Maintenance and genralization of skills and strategies by retarded.» In ELLIS, N.R. (Ed.), Handbook of mental deficiency (pp 569-671). Hillsdale. NJ : Erlbaum.p 575.

244 BÜCHEL, F. PAOUR, J-L. « Déficience intellectuelle : déficits et remédiation cognitive », Enfance 2005/3, Volume 57, PUF, p 227-240. p 230.

245 BRAY, N.W., HUFFMAN, L., GRUPE, L. (1998). Un cadre conceptuel pour l’étude des déficiences et des compétences de mémorisation chez les enfants présentant un retard mental. In BÜCHEL F.P., PAOUR, J-L, COURBOIS, Y, et SCHARNHORST. U. (Eds), Attention, mémoire, apprentissage. Etudes sur le retard mental. Lucerne. Eds. SPC. P65-75.

246 COURBOIS, Y., PAOUR, J-L. (2007). « Le retard mental ». In IONESCU, S., BLANCHET, A. (Eds),

Psychologie du développement et de l’éducation, p 377-406. Paris. PUF. p 38-39.

247 ZAZZO, R. (1960). Une recherche d’équipe sur la débilité mentale. Bilan 1960. Enfance, 4-5, 335-364.

248 CEBE, S., LEVITE, F. (2015). Les progrès en compréhension de récits chez des élèves présentant des troubles du développement intellectuel. Recherches en éducation n°23. Octobre 2015. p 65-81. p 66.

110 avec un niveau qui peut parfois être supérieur à celui d’enfants de même âge mental. Si l’hétérogénéité des profils est importante, on peut cependant dégager trois traits communs :

-en ce qui concerne la compréhension elle-même, les enfants ayant des troubles cognitifs ont toujours un retard plus important en compréhension qu’en décodage selon J-E Rynders250 cité par S. Cèbe et F. Lévite. Cependant, l’étude menée par K.O. Ockjean et al251

montre que les enfants avec une déficience intellectuelle peuvent présenter des compétences de compréhension qui peuvent être plus sophistiquées que ce qu’on pensait précédemment. Cette étude concerne des enfants en situation de handicap de 6 à 7 ans qui, après avoir entendu une histoire, se souviennent d’éléments importants concernant la structure du récit. Ces derniers sont certes, moins nombreux que ceux dont se souviennent les enfants ordinaires, cependant ils indiquent qu’ils sont capables d’effectuer des liens en cours d’écoute et de s’en souvenir pour les restituer, et cela indépendamment de leurs niveaux de langage et de décodage.

- en ce qui concerne la compréhension inférentielle, nous savons que comprendre un texte, c’est aussi en comprendre l’implicite, mais celui-ci, dans la plupart des textes narratifs repose sur la compréhension des personnages, de leur identité psychologique et sociale, de leurs motivations, de leurs affects, de leurs connaissances. Il s’agit pour le lecteur de pouvoir identifier et nommer les sentiments, les émotions, les valeurs et les buts des personnages, ce qui permet la compréhension de leurs actions et de leur cohérence. La théorie de l’esprit correspond à la capacité d’une personne à attribuer des états mentaux (pensée, croyance, sentiments…) aux autres et à soi-même et celle-ci peut être déficitaire chez les enfants présentant des troubles cognitifs. Ainsi la compréhension littérale est peu affectée, alors que la compréhension inférentielle l’est particulièrement chez ces enfants selon L. Abbeduto252 et al. - en ce qui concerne la métacognition et l’auto-régulation : la construction de la compréhension nécessite de nombreuses compétences, connaissances et stratégies et leur mise en œuvre peut effectivement être un obstacle pour ces enfants. D.M Meador et N.R Ellis253

250 RYNDERS, J-E. (1997). Promoting the educational competence of students with down syndrome. Paper presented at the 6th world congress of down syndrome. Madrid. (october).

251 OCKJEAN, K.O., KENDEOU, P., VAN DEN BROEK, P., WHITE, M-J., KREMER, K. (2008). Cat, rat, and rugrats : narrative comprehension in young children with Down syndrome. Journal of developmental and physical disabilities, 20. pp 337-351.

252 ABBEDUTO, L., WARREN, S.F., CONNORS, F.A. (2007). Language development in Down syndrome: From the prelinguistic period to the acquisition of literacy. Mental Retardation and Developmental Disabilities Research Reviews, 13, 247-261.

253 MEADOR, D. M., & ELLIS, N. R. (1987). Automatic and effortful processing by mentally retarded and non-retarded persons. American Journal of Mental Deficiency, 91, 613-619.

111 cités par F. Büchel et J-L Paour254 montrent qu’elle sollicite des compétences qui requièrent un haut niveau de contrôle et la mise en œuvre consciente de stratégies. Dans ce cas, leurs performances sont très en-deçà alors qu’elles peuvent être de bon niveau lorsque la tâche ne demande pas l’application d’une stratégie.

La faiblesse du contrôle de l’activité a pour origine les déficits des capacités de traitement, l’hétérogénéité des acquisitions ainsi que les déterminants affectivo-motivationnels de l’efficience cognitive. Elle engendre alors un sous-fonctionnement cognitif qui renforce alors les causes structurales de la déficience intellectuelle selon J-L Paour255. Cependant, le terme « sous-fonctionnement » est important car il sous-entend qu’il peut être entraîné : « il n’y a

sous-fonctionnement que dans la mesure où nous savons qu’il est effectivement possible d’aider les personnes avec déficience intellectuelle à fonctionner et à performer de manière

plus efficace256. » Les déficits stratégiques ne sont effectivement pas inéluctables et peuvent être compensés par des apprentissages adaptés tout comme le fonctionnement métacognitif peut être amélioré par des entraînements.

Ainsi, il n’est ni illusoire ni vain de chercher à développer cette construction de la compréhension chez les élèves présentant des troubles cognitifs. Y. Courbois et J-L Paour affirment qu’« on ne doit pas interpréter un constat de différence à même âge mental comme

l’indicateur d’un déficit spécifique avant d’évaluer sa robustesse en faisant varier la tâche

(consignes, modalités de réponse, par exemple) et en présentant des aides ou même un véritable apprentissage257 ». Il s’agit dès lors de s’intéresser à l’apprentissage de cette compréhension de texte est de savoir comment procéder

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