de la compréhension des textes narratifs
3.1 Les compétences visées
3.2.2. En termes de pratiques
La compréhension de textes apparaît comme une compétence peu enseignée et mal maîtrisée au sein des classes. La lecture des différents rapports234 de l’Inspection générale de l’Education Nationale (IGEN) permet en effet d’affirmer que la compréhension est très peu enseignée au sein de l’école primaire, malgré le ressenti des enseignants, que ce soit en cycle
231 OCDE. Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA). Résultats 2012. Note par pays. France. p 2-3. https://www.oecd.org/france/PISA-2012-results-france.pdf [consulté le 23/10/16].
232 Programme international de recherche en lecture scolaire en CM1 (Pirls). Evaluation des acquis des élèves.
Note d’information. N°12.21. Décembre 2012. p 1.
233 Ibid. p 7.
234IGEN. Note n°2010-092.Note de synthèse sur la mise en œuvre de la réforme de l’enseignement primaire, juillet 2010 : la mise en œuvre des programmes dans les classes et les évaluations nationales des élèves comme outil de pilotage du premier degré.
106 2 ou en cycle 3, que ce soit au niveau du volume horaire qui lui est consacré qu’au niveau de l’enseignement en lui-même au sein de séances dites de compréhension. Le bilan235 de la mise en œuvre des programmes issus de la réforme de l’école primaire de 2008 note pour le cycle 2 que « ce que doit être l’enseignement de la compréhension est encore mal assimilé. La
découverte des textes, quand la maîtrise du code commence à s’installer, n’est pas enseignée
avec méthode. La compréhension est traitée, en collectif, de manière superficielle et globale, sans distinction entre les composantes cognitives de niveaux différents qui la constituent. Pour les maîtres eux-mêmes les stratégies que les élèves doivent mettre en œuvre pour apprendre à
comprendre ne sont pas explicites. En travail individuel, les élèves sont soumis à des interrogations sur les textes. Elles se réduisent très souvent au prélèvement d’informations et à l’élaboration d’inférences simples selon les logiques de questionnaires empruntés aux
manuels ou fichiers et repris sans distance critique. ». De même, en ce qui concerne le cycle 3, « les maîtres considèrent qu’ils travaillent de manière convenable la compréhension. 92 % d’entre eux répondent en ce sens (…). L’observation conduit à relativiser les discours sur la compréhension : elle n’est guère enseignée, même si les élèves sont soumis fréquemment, parfois quotidiennement, à des questionnaires sur des textes. »
Comme nous l’avons vu précédemment, les programmes de 2008 encourageaient peu l’enseignement de la compréhension, ils ne détaillaient pas les « composantes cognitives de niveaux différents qui la constituent », et la percevaient essentiellement sous la forme de questionnaires puisqu’il s’agissait pour l’élève d’apprendre «à comprendre le sens d’un texte en en reformulant l’essentiel et en répondant à des questions le concernant236. » On peut dès lors être surpris de cet étonnement des inspecteurs généraux quant aux pratiques au sein des classes : cette situation n’est-elle pas la résultante des instructions officielles ?
Cependant l’étonnement se comprend davantage lorsque le regard glisse sur les enseignants, leurs pratiques et leurs formations : « ce qui frappe dans ce domaine de la lecture, c’est que la
majorité des maîtres ne dispose pas des cadres théoriques minimaux, ce qui ne leur permet pas
d’être lucides quant à leurs pratiques. Ils ne différencient pas les composantes des compétences
de compréhension et ne peuvent donc pas les faire travailler explicitement. Ils n’ont guère de repères pour juger de la complexité des textes qu’ils proposent et n’ont souvent de critères de
choix que la longueur ou le thème : sur cette base, ils ne peuvent pas penser des « progressions
235IGEN.Rapport – n°2013-066. Bilan de la mise en œuvre des programmes issus de la réforme de l’école primaire. Juin 2013. p 11.
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» mais seulement des « programmations ». Ils cloisonnent les situations : la lecture à haute
voix n’est que très rarement mise en relation avec la problématique de la compréhension237. » Les enseignants ne semblent donc pas connaître le savoir à enseigner : qu’est-ce que comprendre ? Quels processus ont-ils mis en œuvre pour comprendre ? Cette méconnaissance ne leur permet pas ensuite de savoir comment enseigner la compréhension puisqu’elle n’est pas perçue comme un apprentissage à construire. Dans leurs pratiques, et peut-être leurs conceptions de la compréhension, celle-ci apparaît comme un produit fini, et non comme un processus à mettre en œuvre et donc à enseigner. Les difficultés en compréhension et les résultats obtenus ne sont donc pas imputables aux élèves eux-mêmes, mais bien aux conceptions de cet apprentissage au sein du système éducatif.
Les inspecteurs généraux soulignent à la fois les lacunes de l’institution mais aussi la difficulté de concerner des enseignants persuadés du bien-fondé de leurs pratiques : « Une fois encore,
nous ne pouvons manquer d’évoquer le déficit de formation autour des programmes ; s’il y eut des séances d’animation pédagogique dans la première année de mise en œuvre ou la deuxième, le dispositif n’a pas été assez durable et important pour permettre de déconstruire des habitudes et d’en faire acquérir de nouvelles. Mais bien des inspecteurs notent que lorsque
des formations sont proposées, les professeurs des écoles ne les demandent pas car ils ont «
l’impression de savoir enseigner le français238 ». » Là encore, cette dernière affirmation peut être acceptée telle qu’elle est, mais on peut aussi l’interpréter de façon différente en questionnant la qualité des formations dispensées ainsi que leur adéquation aux besoins des professionnels concernés, qui, dans le cas où elles ne seraient pas effectives, pourrait provoquer une absence de motivation chez les enseignants pour en faire la demande.
Cette « panne didactique en français à l’école primaire » interroge ainsi à tous les niveaux,
celui des enseignants, celui de la formation, celui de l’institution ainsi que celui de la recherche puisque « la didactique en archipel qui a fini par s’imposer en fonction des spécialités de la recherche ne donne pas en classe de résultats probants. 239 » Cette question qui appelait déjà des réponses en 2003 lors de la conférence240 de consensus du Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO) consacrée au développement des compétences en lecture ne
237 Ibid. p 21.
238 Ibid. p 25-26.
239 Ibid. p 26.
240 PIREF. Conférence de consensus : L’enseignement de la lecture à l’école primaire. Des premiers
apprentissages au lecteur compétent. Paris. 4 et 5 décembre 2003. Recommandations du jury. En ligne : www.cndp.fr/bienlire/01-actualite/document/recommandations.rtf [Consulté le 17 mars 2016] .
108 cesse d’être posée puisqu’elle revient de façon récurrente à chaque observation du système éducatif et de pratiques de classe, que ce soit par l’institution elle-même ou par les chercheurs241. Elle est d’ailleurs encore d’actualité en 2016 lors de la dernière conférence242 de consensus du CNESCO sur ce sujet.
À l’heure où est mise en avant la nécessité pour l’enseignant de proposer un enseignement explicite de la compréhension pour permettre son apprentissage par les élèves, on peut légitimement se questionner sur celui-ci quand les inspecteurs généraux soulignent chez les enseignants la méconnaissance des compétences composant la compréhension.
Outre la compréhension elle-même, c’est bien le processus enseigner/apprendre qui est interrogé au niveau des classes ainsi qu’au niveau de la formation des enseignants et de la recherche.
Après avoir analysé ce qu’il en est de l’enseignement de la compréhension en lecture au sein des classes ordinaires les classes ordinaires, dirigeons désormais notre regard vers les dispositifs spécialisés : qu’en est-il de la compréhension des élèves en situation de handicap, de son enseignement et des obstacles éventuellement rencontrés ? Cet enseignement est-il plus développé auprès des élèves qui présentent des troubles cognitifs ?