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Une sociabilité et une transmission inter-jeunes pour des chercheurs en herbe

IV.3. b) Séances d’observation hors les murs

Ce plan me permet de m’évader et de sortir des murs de l’Ecole Y pour suivre les situations de communication que le laboratoire junior LJHL met en œuvre dans d’autres contextes. En effet, si l’on pousse l’analyse des séances in situ que je viens de décrire en termes observationnel et comportemental, il convient de s’interroger sur la communication « interpersonnelle » et « groupale47 » en elle-même et d’examiner à nouveaux frais le modèle de la communication orchestrale. Si l’école de Palo Alto et ses chercheurs ont désigné comme communication toute utilisation des codes de comportement dans un contexte social, cette conception entraîne à prendre en compte de façon indissociable, dans toute communication, le verbal, le paraverbal et le non-verbal (Ghiglione et Chabrol, 2000, p. 10). Or précisément, le modèle orchestral est dans nos deux séances d’observation possiblement renouvelable sur fond de « transmission »

47 Communication « interpersonnelle » et « groupale » : distinction conceptuelle héritée de Bateson et Ruesch et selon la position référentielle de l’observateur qui fait partie intégrante du dispositif communicationnel (Bateson & Ruesch, 1988, pp. 309-326).

inter-orchestres. Dans le cas d’une séance classique, les individus placés en cercle autour d’une même table pour discuter sont tous « membres d’un même orchestre », l’orchestre LJHL avec ses spectateurs. Dans ce cas, la communication emprunte de multiples canaux sans pour autant qu’il y ait forcément de véritable chef. Certains instruments peuvent prendre pour un temps la voie principale, puis la laisser à d’autres ensuite. De plus, comme le signale Yves Winkin, s’il y avait un chef, ceci serait un véritable danger car « dans une recherche conceptuelle sur la communication, l’image

de l’orchestre peut devenir un obstacle épistémologique aussi sérieux que celui présenté par le schéma du télégraphe. La communication devient communion, partage, effusion – toutes valeurs positives qui font glisser la réflexion de l’analyse à la morale. En outre, plus dangereusement encore, l’orchestre appelle au chef… De là à parler de théorie fasciste de la communication il n’y a qu’un pas. » (Winkin, 2001, p. 54).

Cependant, dans le cas de la séance en collaboration avec LJBS, nous avons un contexte48 différent (Bateson, 1981/2000, p. 128), nous sommes en présence non pas, d’un seul orchestre, mais bien de deux orchestres. De plus, s’ils jouent ensemble, ces deux groupes orchestraux n’ont ni le même chef, ni les mêmes partitions et encore moins le même registre musical. Du coup, si communication « groupale » il y a bel et bien, on peut s’interroger sur les modifications ou glissements de cadrages identifiés ci-dessus et les interpréter comme des dissonances pour continuer à filer la métaphore orchestrale. Ces dissonances sont dues, selon toute vraisemblance, aux frottements disciplinaires et aux incompréhensions méthodologiques, lexicales que cela génère.

Un autre type de frottement peut-être examiné pour compléter l’analyse, celui des séances à l’extérieur de l’Ecole Y, au contact de la société civile.

(i) Description du cadre de la séance en bibliothèque

Tout d’abord, pour décrire le positionnement de la salle et les postures globales des participants avant, puis pendant le déroulement de l’atelier, on peut se référer à la photographie de la scène (photo ci-dessous).

Photo du « lieu de la séance en bibliothèque »

48 Le « contexte » (Bateson, 1981/2000, p. 128) est défini comme l’ensemble des informations permettant de clarifier les significations possibles d’un mot, d’un acte, d’un événement ainsi que leur nombre. Le « contexte » est rattaché à la notion de « hiérarchie de niveaux » (Bateson, 1977, pp. 263-264). Ainsi, il est toujours déjà imbriqué dans un contexte plus large à la façon des poupées russes.

Sur cette photo, on peut facilement deviner l’ambiance sympathique qui régnait à cette séance. Les attitudes de conversations informelles par petits groupes de deux ou trois personnes (se connaissant ou non) en sont la marque la plus fragrante. Un autre fait notable est que cette séance « hors les murs » ne se joue pas dans n’importe quels murs, mais précisément dans ceux d’un lieu dédié au savoir et à la sociabilité intellectuelle par excellence : une bibliothèque. Comme le rappelle Bruno Latour : « Usager souvent frustré des bibliothèques françaises, j’ai choisi d’encadrer ces lieux de mémoire par d’autres lieux moins fréquentés, comme les laboratoires et les collections, que l’histoire et la sociologie des sciences nous ont récemment appris à mieux connaître. Par cette médiation trop brève sur les rapports des inscriptions et des phénomènes, j’espère montrer que la circulation de ces intermédiaires trop souvent méprisés fabrique non seulement le corps mais aussi l’âme de la connaissance. » (Latour, 1996, p. 23).

LJHL se place dans la zone des « espaces intermédiaires » en se transportant dans ce lieu de savoir qui sert de « plaque tournante » pour faire se rencontrer différents courants d’inscription49 et courants cognitifs50.

Ainsi, investir cet espace de dialogues qui devient une extension du terrain cognitif occupé par LJHL à l’Ecole Y, c’est décentrer les situations de communication pour expérimenter et faire expérimenter le modèle « atelier de discussion » à des citoyens. Cependant, s’il s’agit bien de « faire vivre une expérience » particulière à des personnes qui n’y sont pas ou peu confrontées dans leur quotidien, il ne s’agit pas de faire « du hors cadre » puisque les réflexes ritualisés sont toujours présents. Ceci est visible à un double niveau : 1) au niveau de la disposition physique du dispositif communicationnel et de ses acteurs ; 2) au niveau du contenu discursif où l’on justifie publiquement ce choix de dispositif.

Pour le moment, portons notre regard sur la disposition des êtres et des choses, puis, j’aborderai dans le point suivant la question du contenu.

La séance devait commencer à 18h et durer, comme à l’accoutumée, deux heures. Comme toujours, on se retrouvait en petit groupe puisque la séance se faisait sur inscription et qu’elle était limitée à douze places. Le premier réflexe de Justine en attendant l’arrivée des inscrits fut de demander à Bertrand et à la bibliothécaire en charge de l’atelier, de l’aider à aller chercher les douze chaises (pas une de plus) et de les placer en cercle à grand rayon de manière à obtenir un espace assez vaste au centre. Ce dispositif doit, selon Justine, faire que chacun et chacune puissent se voir en discutant et donc se sente bien dans l’interaction. Elle ajoutera dès les vingt premières minutes de séance la raison de cette disposition : « Vous voyez, on est tous en cercle

pour pouvoir discuter ensemble. Un des rituels (sourire) est de se présenter pour faire un premier contact. » (Justine).

Si cette annonce laisse présager une mise en relation effective des personnes en présence51, en réalité on l’a vu au fil des observations, celle-ci ne donne que très rarement des suites concrètes. L’effet rhétorique de ce discours appuyé de sourires suffit néanmoins à créer une atmosphère de « petit comité d’intimes étrangers » qui le resteront probablement, une fois cette rencontre passée.

49 Comme, par exemple, en exposant des œuvres artistiques (ou inscriptions picturales) ainsi qu’on peut le voir sur la photo ci-dessus. Par « inscriptions » on fait référence aux inscriptions picturales que symbolisent les œuvres d’art exposés sur les murs des bibliothèques (cf. la photo du « lieu de la séance en bibliothèque »).

50 Par « courants cognitifs », je fais référence au contenu du débat lors de l’atelier de LJHL. 51 Le contact qui se fait au présent serait pensé comme étant le premier d’une série d’autres potentiels dans l’avenir.

La configuration standard de base sert de socle immuable à ce détail près : sans le support de la table qui est inutile ici, puisque cet atelier n’a pas qu’une visée scientifique, mais se présente aussi comme ludique. On peut rappeler que la thématique sur le « corps malade » (en l’occurrence cancéreux) se veut « grand public », attractif, donc bon pour l’image publicitaire de LJHL. Une fois tous les inscrits arrivés, les discussions préalables furent interrompues par un appel de Justine : « il est 18h10, nous

allons peut-être commencer ? ». Alors, chacun et chacune regagna sa place sur laquelle

il ou elle avait posé ses affaires (sac, manteau, etc.) pour marquer son choix. Les derniers arrivants occupèrent naturellement les chaises restantes. Les premiers intervenants ont ouvert la séance en prenant la parole.

(ii) Description de la séance en partenariat avec un centre de cancérologie

C’est tout logiquement la bibliothécaire qui a pris la parole en premier, souhaitant la bienvenue aux participants. Elle a détendu l’atmosphère en valorisant d’un geste de la main la « magnifique exposition aux murs ». Elle ajoute qu’il y a une personne absente, parce que malade (une chaise vide) : « Pour la première année, la bibliothèque organise

des ateliers thématiques. »

LJHL participe donc à cette phase de lancement. La bibliothécaire cède alors la parole à Justine pour une présentation traditionnelle. Celle-ci est cependant plus poussée que d’ordinaire et cadrée dans l’optique de l’atelier centré sur la maladie. Cet allongement de la présentation de LJHL s’explique par le fait qu’elle est réalisée devant des personnes qui ne sont pas ou peu familières de ce genre d’exercice :

« Le laboratoire junior est une structure de recherche temporaire, souvent

interdisciplinaire. Nous (à LJHL) il y a quatre ans, on a proposé un projet qui voulait tenir ensemble les aspects du vivant et les aspects de l’organe. Est-ce que ça change quelque chose pour moi qui suis malade, de connaître la biologie ? Et à l’inverse, on aime bien les allers-retours entre différents points de vue. (C’est de là que vient l’idée

de cet atelier) pour expérimenter avec vous ce type de liens, d’en discuter ensemble.

D’où l’invitation du Docteur Jean-Patrick Petit52, cancérologue du centre de cancérologie. Il sera à la retraite fin décembre. » Un échange de regards entre Justine et

le docteur s’effectue furtivement. Ils avaient discuté ensemble avant le début de l’atelier.

Justine entame le tour de table puis invite chacun à décliner son identité professionnelle et/ou estudiantine. Elle fit à nouveau le lien avec sa pratique de recherche actuelle. Les autres personnes incitées à faire de même via l’impulsion donnée par Justine se décrivent plus ou moins rapidement selon leur envie ou surtout selon leur aisance à s’exprimer à l’oral, quelques voix tremblotent, des tics de langage ponctuent les présentations parfois extrêmement courtes, car réduites au prénom et aux types d’études. Ces portraits seront livrés en première personne dans le paragraphe suivant.

Bertrand, comme il le fait presque toujours, prend le relais de Justine.En tant que codirecteur, il s’emploie à lancer la discussion. Pour ce faire, il choisit comme à son

52 Ce médecin nous déclarera traiter dans sa pratique, des cancers « féminins », principalement des cancers du sein et des cancers ovariens.

habitude, un exemple quelque peu incongru pour attirer l’attention de son public. Dans ce cas, il proposa non pas un, mais deux exemples très « courants » pour renforcer son effet « d’accroche ». L’un est prélevé dans son expérience personnelle de manière, on peut le penser, à ce que tout un chacun se retrouve dans cette approche familière du sujet du jour : « Lorsque je pense à l’un de mes petits cousins, je me dis qu’on dit

souvent d’un enfant qu’il est vivant. Or, au niveau biologique, ce petit bonhomme ‘vivant’ dans un labo est différent, du fait d’être ‘vivant’ au dehors et badaboum lorsqu’il tombe. » (sourire, visage tourné vers le sol, comme si Bertrand était absorbé

dans sa réflexion) Bertrand poursuit en souhaitant éclairer son exemple journalier. Pour cela, il adopte une position surplombante en replaçant son exemple dans le contexte de discussion de l’atelier : « Il y a des cas où le cellulaire s’impose : dans la maladie ou au

contraire la guérison. Il y a parfois un décalage entre le niveau de l’individu qui est « le vivant » et le niveau cellulaire. Un médecin vous demande toujours : comment vous allez ? Et non comment vont vos cellules ? »

Bertrand fait ce parallèle avec beaucoup d’humour et de finesse, puisque son mime du type d’interactions verbales typiques dans le colloque singulier entre un médecin et son patient, est accueilli par un rire collectif et des hochements de têtes. Fort de cet enthousiasme manifeste, il poursuit avec son deuxième exemple. Celui-ci est, contrairement au précédent, non pas issu de l’expérience familière, mais est le fruit d’un exercice typiquement philosophique. Bertrand nous livre alors une expérience de pensée qu’il intitule, gardant son style humoristique, « L’avenir de la prévention ». « Par

exemple, imaginez tel portable qui soit capable de détecter mon taux de sucre sanguin etc. Si le taux est élevé, alors c’est qu’il faut que j’aille faire du sport (…). En fait, je suis dubitatif. Car si j’avais mes statistiques en permanence, cela me stresserait. »

(Bertrand) Ces manifestations corporelles (rires, acquiescements, regards expressifs, tantôt complices, tantôt interrogateurs ou autres) comme en traitera les exemples de débat qui suivent sont d’autres marqueurs de la présence d’un convivialisme. Ce convivialisme ambiant est donc bien un climat particulier aux échanges en lien avec la recherche, que celle-ci soit scientifique de SHS (comme à LJHL ou SP3/SL4), à visée de connaissance « vulgarisatrice » (comme à la bibliothèque) ou encore, comme cela sera montré en partie D dans un contexte scientifique interdisciplinaire (en lien avec les sciences dures).

Alors que l’exemple restait en suspens dans l’air autant que dans la réflexion des participants, le cancérologue entreprit de rebondir dessus. A ses yeux de praticien, l’exemple donné par Bertrand est intéressant au regard de son vécu professionnel : « tous les jours des patients me demandent, pourquoi je fais ce cancer ? (…) On sait

qu’une cellule se détraque, se multiplie, qui potentiellement va détruire l’individu complètement en l’absence de traitement. Mais, je vous rassure (dit-il avec un sourire

malicieux), il y en a beaucoup (de traitements)…(Rire du médecin qui en ouvrant grand les bras poursuit) On sait que les ondes de l’infiniment petit viennent impacter nos

cellules… De plus, si le petit est vivant, nous sommes vivants. Mais, peut-on définir le vivant ? Je vous pose la question. » Le cancérologue s’adresse, ici, directement à

Bertrand qui se trouve sur sa droite, le haut du corps tourné dans sa direction.

On se trouve là dans une situation de « provocation courtoise » de la part du cancérologue. Cette démarche, parce que réalisée dans ce dans ce climat courtois, va

engendrer des réactions diverses et variées chez les autres participants qui vont se désinhiber. Le philosophe qu’est Bertrand se voit alors contredit de toutes parts, comme si la brèche ouverte par le médecin (beaucoup plus âgé) dans ce contexte convivial, leur donnait à tous l’autorisation de donner leurs avis et leurs visions des choses.

Une brèche dans l’interaction

La place d’une éthique de la communication

La « provocation courtoise » a été permise par divers aspects de la situation de communication en cours : d’abord, par la disposition spatiale des participants qui, en étant placés en vis-à-vis, se trouvent dans une position libre et démocratique d’expression ; ensuite, par le respect de l’autre dans son identité (avec le tour de table systématique), dans sa différence culturelle sociale et disciplinaire (citoyen, philosophe, médecin, etc.) sur laquelle je reviendrai.

Pour prendre un peu de hauteur sur cette scène dialogique à voix multiples (puisque chacun pourra s’exprimer), on peut dire que c’est une forme d’éthique de la communication au sens de Dominique Wolton dans un parcours réflexif commencé dans Penser la communication (Wolton, 1997), poursuivi dans L’Autre Mondialisation (Wolton, 2003) et parachevé dans Il faut sauver la communication. (Wolton, 2005) Dans ce dernier ouvrage à visée politique, Wolton défend la position selon laquelle la communication est une construction permanente et un travail identitaire sans cesse renouvelé entre soi, les autres et l’environnement qui nous entoure. L’ « incommunication » (Wolton, 2005, p. 143) est le risque majeur lorsque le respect de la parole et de la culture d’autrui ne sont pas maintenus. Le laboratoire junior LJHL dans cette séance en bibliothèque s’ouvre aux autres et en cela lutte contre « l’incommunication » en désamorçant les conflits latents dus aux différences diverses (culture, discipline, âge, etc.). Ce « désamorçage » se fait en provoquant les « frottements » susceptibles de générer du conflit tout en jouant la carte de la convivialité ambiante. En effet, en faisant apparaître « le conflit », le débat devient un outil pour « sauver la communication » par elle-même et pour la pacifier. En effet, « la

mondialisation est un accélérateur de contradiction. On pensait qu’elle allait rapprocher les points de vue, elle rend au contraire, plus perceptibles les différences et les besoins d’être respecté. » (Wolton, 2005, p. 19).

(iii) La vision des participants

La vision des participants est, quant à elle, assez délicate à obtenir en entretien puisque les gens se sont très vite dispersés à la fin de la séance et qu’aucun moyen n’a été proposé pour que les personnes présentes gardent contact. Les personnes s’intégrant dans un dispositif temporaire comme la « fête de la science » ne sont donc pas facilement appréhendables et restent pour le moins évanescentes. Il est néanmoins possible d’avoir un certain aperçu de leur positionnement quant à cette expérience vécue en groupe, en tenant compte des éléments identitaires fournis volontairement par tout un chacun lors du moment bien particulier, celui du « tour de chaises », avec cette fois, une injonction particulière à expliquer, par quels moyens ils avaient eu connaissance de ce cycle d’atelier et quels étaient leurs intérêts à participer.

Justine, Bertrand, le cancérologue et la bibliothécaire, se trouvaient également une autre médecin Béatrice53, une dame se présentant comme une patiente, plusieurs jeunes étudiants54, un ingénieur spécialisé en management de transition et coaching des cadres et enfin, deux habitantes du quartier qui avaient vu l’affiche et étaient venues par simple curiosité. L’une des habitantes exprime ouvertement son étonnement par rapport au contenu de la séance et au titre annoncé : « Je ne pensais pas du tout à un atelier, mais à

quelque chose de plus axé sur la science et moins sur les SHS. » Face à cette

contestation de la part de cette habitante qui se dit « trompée », Bertrand lui répond, en tentant de la rassurer tout en formulant des excuses à demi-mots : « c’est plutôt la

science dans nos vies (…) J’espère que vous ne serez pas déçue. »

Dans le débat engagé entre Bertrand et le cancérologue suite aux exemples précédemment décrits, Bertrand se trouve en position délicate puisqu’ayant, d’une certaine façon, commis un impair. Comment se joue alors l’interaction dans le groupe face à ce cas d’impair manifeste ?

Après l’interpellation du médecin, c’est l’un des étudiants55 qui commente : « je

viens de la philosophie, mais je prends de la distance par rapport au langage (...) Par exemple, un japonais a deux mots différents pour dire l’enfant : « vivant » et le fait

« d’être » ». Pour Bertrand, c’est le même mécanisme qui se joue à ce niveau. Un autre étudiant56 rebondit : « moi, j’ai fait de la psychologie. Si les cellules sont vivantes alors

le corps est vivant ». « Cela se défend ! » dit Bertrand qui s’est trouvé un allié

temporaire. Bien que mis en déroute par le cancérologue, Bertrand revient dans la joute verbale, tout de suite imité par le cancérologue qui déclare : « Sauf, qu’on n’est pas

qu’un tas de cellules. Elles ont une organisation, un rapport (entre elles). C’est cette échelle qui fera qu’il y aura ou non maladie ! » Bertrand essaye de contrer. Béatrice,

l’autre médecin du groupe, met en avant l’exemple du diabétique. Le cancérologue, qui en tant que confrère de Béatrice, se range automatiquement de son côté : « c’est un bon