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Ruptures et transitions : Présentation des résultats

Chapitre 4 : PRÉSENTATION ET DISCUSSION DES RÉSULTATS

4.1. Ruptures et transitions : Présentation des résultats

Dans cette première partie, le tableau 3 met en exergue les divers passages critiques dans le parcours des jeunes adultes interviewés au niveau de la santé, des relations sociales et du contexte familial et du contexte scolaire. Ces passages critiques correspondent aux possibles ruptures et transitions rencontrées dans chaque récit de vie par les jeunes interviewés.

Tableau 3 : Ruptures et transitions mises en évidence dans les histoires de vie des sujets4

Su-jets Santé Relations

sociales Contexte familial Contexte scolaire

Reconstitution

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Au total, six jeunes interviewés rapportent avoir connu des problèmes de santé critiques s’accompagnant de rupture dans la vie quotidienne. Quatre jeunes relatent avoir vécu une rupture dans leur santé relevant du domaine des affects. Les jeunes 5 et 7 disent avoir rencontré des angoisses vis-à-vis de l’école et les jeunes 2, 7 et 16 ont été hospitalisés à cause d’une dépression. Deux jeunes (8 et 15) ont été diagnostiqués comme présentant un trouble de l’attention et de l’hyperactivité.

En ce qui concerne le domaine des relations sociales, quatre jeunes (1, 8, 11 et 13) ont souffert de ruptures à ce niveau. Pour les interviewés 1 et 8, elles sont intervenues au niveau des amitiés, tandis que pour les jeunes 11 et 13, il s’agit plutôt d’une difficulté d’intégration dans le nouveau groupe classe.

Dans le contexte familial, nous constatons que la moitié des jeunes interviewés a vécu une forme de rupture dans la structure et les relations familiales. Ces huit personnes ont toutes connu une reconstitution familiale, sous forme de famille recomposée ou de réunion familiale.

Par exemple, les jeunes 1, 6 et 10 ont quitté un membre de leur famille dans leur pays natal pour rejoindre la famille (jeune 1) ou la mère déjà installée en Suisse (jeune 6 et 10). Ces déménagements ont eu lieu tardivement dans leur vie, respectivement 8, 16 et 15 ans. Le jeune 8 a également quitté son lieu de naissance pour venir en Suisse à 2 ans et demi. La trajectoire de vie du jeune 2 a été caractérisée par quatre déménagements. Le premier coïncide avec la décision de la mère d’emménager en France avec le beau-père, le deuxième avec leur retour sur Genève et les deux derniers avec un changement de foyer familial (mère-père-mère) au courant de la même année. Dans certains cas, nous savons qu’il y a eu un divorce (jeune 7) ou une séparation des parents à la naissance (jeunes 2, 5 et 12) ou plus tardivement (jeune 13) ou encore une séparation avec la famille lors de placement en foyer/établissement de détention pour mineurs (jeunes 1, 2, 7, 9, 10 et 14). Certains jeunes n’ont pas ou plus eu de contact avec l’un des deux parents pendant une longue période. Dans la majorité des cas (jeunes 2, 5, 7, 8, 10 et 14) cela concerne le père, sauf pour le jeune 12 où la séparation est maternelle. Deux histoires de vie (jeunes 10 et 14) sont caractérisées par une absence de la figure paternelle, mais nous n’avons pas pu récolter des informations ultérieures à ce propos.

Pour conclure, nous relevons également des décès. Pour les interviewés 2 et 15 il s’agit d’un frère, pour le jeune 3 du père, pour le jeune 13 de la mère et pour le jeune 16 de la grand-mère, considérée comme « une deuxième maman ».

Pour le contexte scolaire, les résultats montrent que seulement trois jeunes (3, 12 et 16) parmi ceux pris en considération dans notre recherche n’ont pas vécu des ruptures au niveau scolaire : ils n’ont ni changé de contexte scolaire ni redoublé. A l’inverse, la grande majorité des jeunes adultes interviewés relatent avoir vécu des ruptures dans le contexte scolaire sous forme de changement de classe, d’école, de redoublement, de réorientation, d’abandon. Plus précisément, les changements scolaires que nous avons catalogués correspondent à des changements d’école lors de déménagements (jeunes 1, 2, 6 et 10) ou à des renvois définitif (jeunes 1, 9, 12 et 14) ou encore à des passages de l’école publique à l’école privée, comme pour le jeune 7. Nous avons répertorié chaque redoublement également comme un changement de classe. Cela est le cas pour les jeunes 1, 5, 7, 8, 11, 13 et 14. En tout, sept jeunes (pratiquement la moitié de l’échantillon) ont redoublé au moins une fois au cours de leur trajectoire scolaire, et les jeunes 13 et 14 deux fois. Parmi ces redoublements, trois jeunes (5, 11 et 14) ont eu lieu au primaire, les autres au cycle. Trois jeunes (12, 13 et 14) ont changé de voie lors du cycle et le jeune 9 à la suite de son renvoi général a intégré la filière d’enseignement spécialisé.

En ce qui concerne le décrochage à proprement parler, nous remarquons qu’un peu plus de la moitié des jeunes interviewés (jeunes 1, 3, 7, 8, 9, 12, 13, 14 et 15) a arrêté les études au cours du cycle : les jeunes 7 et 13 en 9e année, les jeunes 1 et 8 en 10e et les autres (9, 12 et 14) en 11e. Nous soulignons que les jeunes 1, 9, 12 et 14 ont été exclus du cycle suite à un renvoi général et définitif en 10e année pour le jeune 1, et en 11e pour les autres. Les jeunes 3 et 11 ont pu terminer le cycle sans obtenir les résultats suffisants. Le restant de la population (jeunes 2, 5, 6, 10, 11 et 16) a abandonné la scolarité durant la première année de l’enseignement post-obligatoire.

Tous nos jeunes ont entre 14 et 16 ans, l’âge moyen auquel survient le décrochage scolaire est de 15, 4 ans.

Ruptures et transitions : discussion des résultats

A partir de nos résultats, nous constatons tout d’abord que dans le cas des jeunes interviewés, le décrochage effectif de l’école survient en moyenne à 15,4 ans et au courant principalement de la dernière année du cycle ou la première de l’école post-obligatoire.

Comme nous venons de l’exposer, six jeunes (2, 5, 7, 8, 15 et 16) ont vécu des « ruptures » au niveau de la santé : elles consistent en des angoisses scolaires, des dépressions et des troubles de l’attention et de l’hyperactivité. Blaya (2010) compte ces composantes parmi les causes possibles d’abandon scolaire. Pour cette raison, nous estimons que ces composantes psycho-affectives peuvent être considérées comme des indices de ruptures, la vie quotidienne et le sentiment d’être en « bonne santé » étant passablement altérés. Elles correspondent à des événements de vie fragilisants pour les individus, surtout lorsqu’ils surviennent pendant l’enfance et l’adolescence. Ces périodes de problèmes de santé peuvent être à l’origine d’un non investissement de l’école. En effet, n’importe quelle angoisse motive tout individu à éviter le facteur déclenchant de celle-ci. Dans notre cas, les interviewés 5 et 7 situe la source d’angoisse dans l’école. Nous pouvons donc faire l’hypothèse que les jeunes éprouvant des angoisses scolaires mettent en œuvre des stratégies d’évitement et de contournement face à l’école, comme nous le retrouvons dans ces deux récits de vie. Noémie (jeune 5) faisait des

« crises pas possible » et Delphine (jeune 7) « vomissait ». Trois jeunes (2, 7, 16) ont souffert de phénomènes dépressifs nécessitant une hospitalisation. Ceci a porté les trois jeunes à changer leur rapport avec l’école. Dans l’histoire de Katrine (jeune 2), nous pouvons mettre en évidence deux temps : un premier temps où l’école était un « échappatoire » aux difficultés familiales et un deuxième temps où cette même école est devenue un lieu de malaise et de souffrance. Pour Delphine, l’hospitalisation est survenue à la suite de ses angoisses scolaires et à la dépression de sa mère. Pour Tania (jeune 16) la dépression est arrivée plus tardivement dans son parcours, à la suite du décès de sa grand-mère.

Cela nous laisse supposer que pour les jeunes interviewés, les phénomènes dépressifs rencontrés sont à considérer comme des éléments concourants dans l’installation du phénomène du décrochage scolaire, en raison surtout des difficultés cognitives engendrées, de la perte d’intérêt et d’envie vis-à-vis de l’école. Certains de ces aspects sont d’ailleurs relatés par nos trois jeunes. Tania nous dit que la mémoire et la concentration n’allaient pas du tout ; Katrine et Delphine avouent qu’elles n’avaient plus envie de rien faire et tout avait perdu son intérêt. En ce qui concerne les jeunes portant un diagnostic des troubles de l’attention et de l’hyperactivité, nous avons constaté que Némo (jeune 15) a vécu cela comme une stigmatisation œuvrée par l’école et les professionnels, surtout que pour lui ce trouble n’existe pas. Par ailleurs, dans notre cadre théorique, nous avons vu comment les processus de stigmatisation peuvent dans certains cas amener au décrochage scolaire (Bourdieu &

Champagne, 1992). Nils, de son côté (jeune 8), considère son trouble comme une difficulté rencontrée parmi d’autres, sans lui attribuer trop d’importance.

Les parcours de vie que nous avons pu récolter nous ont permis de mettre en évidence trois séparations au niveau des relations sociales qui, selon nous, s’apparentent à des ruptures.

C’est le cas pour les jeunes 1, 8 et 13. Ces trois jeunes insistent sur comment la séparation d’avec leurs camarades a été douloureuse et source d’incompréhension et de révolte. Dans l’histoire de Fanny (jeune 1), la séparation est survenue comme une tentative de cassure d’une triade dysfonctionnelle. Nous postulons que malgré le fait qu’elle a pu comprendre le pourquoi d’une telle séparation, celle-ci a nourri sa colère envers l’école. Nils (jeune 8) et Quintilla (jeune 13) expliquent bien qu’une fois arrivés dans leurs nouvelles classes respectives, ils ont commencé d’un côté à se confronter avec le cadre institutionnel pour manifester leur mécontentement et de l’autre à désinvestir les apprentissages. Deborah (jeune 11) insiste sur le sentiment de perte de repères lors de chaque changement et sur la difficulté d’intégrer le nouveau groupe de pairs.

En relevant les ruptures vécues dans le contexte familial, nous essayons d’identifier des événements qui peuvent avoir contribué à générer des difficultés d’apprentissage dans un premier temps, puis le décrochage scolaire. Nous regarderons également à quel moment ces changements interviennent par rapport à l’année du décrochage.

Certains jeunes ont vécu des événements tragiques durant l’enfance, comme la perte d’un proche. Katrine (jeune 2) a perdu son demi-frère lorsqu’elle est en 9e. A cette époque, elle vivait chez son père qu’elle connaissait peu, après avoir quitté sa mère étant donné qu’elle ne s’entendait pas avec son beau-père. Suite au décès, elle retourne pourtant vivre chez sa mère.

Nous supposons que le décès et les conséquences dans le contexte familial a été un des éléments déclencheurs de son décrochage scolaire. En effet, à cause de sa dyslexie, Katrine rencontrait, depuis le début de sa scolarité, des légères difficultés d’apprentissage. Mais à partir du moment du décès, celles-ci sont fortement exacerbées : elle commence à ne plus aller à l’école et elle dit très bien que sa seule envie est de pouvoir mourir et que l’année en question a été la pire de toute sa vie. Deux autres jeunes ont aussi décroché après la perte d’une personne proche. Quintilla (jeune 13) a perdu sa mère quand elle était en 6e primaire et suite à ça, elle est partie vivre chez son père. Ses premières difficultés scolaires sont arrivées peu après. Tania (jeune 16) a été marquée par le décès de sa grand-mère survenu durant sa première année du cycle. Un autre jeune, Nathalie (jeune 3) a perdu son papa une année après

la fin de son cycle. Bien qu’il s’agisse d’un événement traumatisant pour elle, nous estimons qu’il n’a pas contribué au processus du décrochage scolaire, car elle avait déjà terminé son cycle avec 2,9 de moyenne générale. Par contre, dans les récits de vie de Katrine, Tania et Quintilla nous voyons un lien direct entre le décès d’un proche, leurs difficultés scolaires et le décrochage scolaire. Comme nous l’avons mentionné dans le cadre théorique, Coslin et Bourdase (2006) expliquent qu’une perte, qu’une séparation ou qu’un changement au niveau du foyer perturbent l’équilibre familial. L’enfant doit essayer de retrouver une situation stable au sein de la famille en réorganisant ses repères. Ces changements de situations de vie peuvent avoir des répercussions sur le comportement de l’enfant à son domicile ou dans sa classe.

Les interviewés 2, 5, 6, 8 et 12 vivent dans des familles recomposées, tandis que les jeunes 7, 10, 11, 14 et 15 vivent dans des familles monoparentales. Pour la majorité d’entre eux, les parents ont divorcé ou se sont séparés lorsque l’enfant était encore en bas âge. Dans ces cas, la séparation n’est donc pas directement l’origine du phénomène du décrochage scolaire.

Cependant, le divorce des parents de Delphine (jeune 7) est survenu en 4e primaire. Ce changement au niveau du foyer familial a perturbé son développement personnel et a été la cause d’une importante souffrance : « j’en ai souffert du divorce de mes parents parce que j’étais très proche de mon père (…) ». Selon elle, cette étape très difficile a entravé ses apprentissages.

Plusieurs jeunes (1, 2, 7, 9, 10, 13) ont vécu des passages en foyer ou dans des établissements de détention pour mineurs, suite à des relations familiales conflictuelles et compliquées et/ou à des comportements déviants et délinquants. Leurs difficultés scolaires étaient déjà bien présentes avant, c’est pourquoi nous ne considérons pas ces transitions comme un facteur contribuant au décrochage dans sa phase d’émergence, mais dans l’amplification du processus.

Claude (jeune 10) et Katia (jeune 6) ont grandi en Afrique jusqu’à leurs 15 et respectivement 16 ans. Ils ont laissé derrière eux, dans leur pays d’origine, une partie de leur famille et de leur vie. L’enracinement dans un nouveau pays, une nouvelle culture et surtout un nouveau foyer ne sont pas faciles à affronter. L’adaptation est influencée par de nombreux changements. A leur arrivée sur Genève, les deux adolescents ont intégré le SCAI. Claude a été renvoyé quelques mois après, suite à une violente dispute avec la directrice de l’école. A ce moment-là, il avait déjà 16 ans. Quant à Katia, elle n’a pas accroché aux études car son

niveau scolaire était trop élevé et donc elle s’est beaucoup ennuyée. Fanny (jeune 1) a aussi vécu un déracinement culturel et familial à l’âge de 8 ans ; elle a quitté le Portugal et sa grand-mère pour rejoindre sa famille déjà résidente en Suisse. Bien que ses difficultés scolaires interviennent plus tard dans son parcours, ce changement semble avoir eu un grand impact sur son décrochage. Effectivement, elle estime que ce moment est la principale cause de sa souffrance. Si elle avait la possibilité de retourner en arrière, elle ne serait jamais venue ici.

En ce qui concerne les ruptures et les transitions aux niveaux scolaires, les résultats révèlent que presque tous les jeunes interviewés, sauf les jeunes 3, 12 et 16, ont vécu un moment de rupture scolaire. Comme nous avons répertorié avant, ceux-ci correspondent surtout à des changements d’école (jeunes 1, 2, 6, 9, 10, 12 et 14) ou à des redoublements (jeunes 1, 5, 7, 8, 11, 13 et 14), mais aussi à des changements de filière (publique-privée pour le jeune 7 ; ordinaire-spécialisé pour le jeune 9) ou de voie au cycle (jeunes 12, 13 et 14). Tout moment de transition scolaire, comme les changements d’école et/ou de classe correspondent à une perte de repères pour les jeunes. Curchod (2010) ainsi que Pelgrims (2010) nous sensibilisent au fait que chaque transition peut se relever être synonyme d’une rupture pour les enfants et qu’il faut une période d’adaptation, dans laquelle l’élève peut se développer positivement ou au contraire continuer à ressentir de la peur et rester en retrait. En effet, certains jeunes relatent avoir rencontré des difficultés plus ou moins importantes au moment du changement.

Nils (jeune 8) et Quintilla (jeune 13) parlent de difficultés à accepter le changement en tant que tel ; Claude (jeune 10) avoue avoir eu de la peine avec les nouvelles normes scolaires et sociales en vigueur au SCAI, alors que Déborah (jeune 11) nous dit qu’à chaque changement de classe, en raison de sa timidité, elle avait de la peine à aller vers les autres et qu’elle éprouvait une sensation d’isolement. Enfin Fanny (jeune 1) nous dit que le nouveau cycle l’a détruite. Nous pouvons également faire l’hypothèse que certains élèves investissent cette possibilité de changement de nouvelles attentes et espoirs, mais qu’une fois le changement advenu, ces attentes se transforment en désillusions. Nous avons effectivement retrouvé cet aspect dans les parcours scolaires de Katrine (jeune 2) et de Steve (jeune 9). Pour Katrine, cible des moqueries de ses camarades, les changements d’école correspondaient bien sûr à des ruptures, mais également à des nouveaux départs. Pourtant, elle se retrouvait systématiquement face aux comportements de ses camarades de classe dévalorisants et stigmatisants à son égard. Steve, vivant une situation très délicate dans son cycle d’orientation, avait accepté de changer d’établissement en exprimant par contre sa perplexité

et ses doutes quant au choix du cycle. Se retrouvant face à une décision institutionnelle ne correspondant pas à ses désirs, il subit après deux semaines dans le nouveau cycle un renvoi général en raison de ses comportements inacceptables.

A la lecture des récits de vie, nous pouvons constater que ces différents indices de ruptures ne sont pas reliés entre eux de manière séquentielle et causale. Effectivement, un changement de classe ou d’école n’est pas forcement précurseur d’un redoublement, ni un redoublement d’un passage de filière ou d’un changement d’école. Bien que nous discuterons de manière plus approfondie des enjeux du redoublement dans la partie consacrée aux dimensions scolaire du décrochage, nous voulons d’ores et déjà attirer l’attention sur le poids que ceci a dans l’apparition et l’installation du phénomène du décrochage scolaire. Tous les jeunes redoublants ont partagé avec nous, en premier lieu un manque de compréhension et acceptation face à cette décision, et en deuxième lieu, ils ont identifié le redoublement comme un des facteurs déclenchant leur perte d’intérêt et le désinvestissement vis-à-vis des apprentissages.

Selon nous, un autre aspect important et positif à souligner est la transition dans des lieux particuliers : deux ans de scolarisation dans le privé (jeune 7) et les séjours dans des établissements de détention pour mineurs (jeunes 1, 2, 7 et 9) et le passage en filière spécialisée (jeune 9). Ces trois lieux ont été pour eux un moment clé au niveau de leur parcours scolaire. En effet, il leur a permis de se poser et de reprendre confiance en eux et dans l’école (jeunes 7 et 9). Delphine (jeune 7) partage son impression qu’à l’école privée, les enseignants étaient toujours là pour elle et que c’est là qu’elle a « justement réappris à faire tout ça et avoir confiance en moi ». Steve (jeune 9) a pu terminer sa scolarité grâce à un lien privilégié avec son professeur, « il m’avait un petit peu pris à part et puis il me boostait…je faisais beaucoup de maths, d’un niveau plus élevé que le mien à cette période là.

Franchement, j’avais croché ». Fanny (jeune 1) parle de son séjour dans un établissement comme un moment utile pour comprendre sa colère et se réconcilier avec elle même. Cela a été rendu possible surtout par un processus de reconnaissance et identification aux récits des autres jeunes rencontrés ici.

Avant de conclure cette partie, il nous semble important de revenir sur une de nos questions de recherche, à savoir quels sont les points de ruptures susceptibles d’intervenir dans le décrochage scolaire ? (Question 4). Tout d’abord, l’analyse des parcours sous l’angle de ruptures et de transitions dans les divers contextes étudiés (santé, relations sociales, scolaire et

familial) nous permet d’aborder le phénomène du décrochage scolaire dans toute sa dimension chronologique en appréciant dans certains cas le caractère processuel du phénomène du décrochage. Guigue et Tillard (2010) insistent sur l’importance d’ancrer les parcours scolaires atypiques dans l’histoire et la chronologie familiale. Pour elles, les moments de ruptures ou les périodes transitoires ont une influence sur le processus d’affiliation scolaire. Les « fragilisations personnelles », les reconstitutions familiales, les décès, les séparations, les déménagements, les changements de classe/d’école et le redoublement sont tous des événements donnant au parcours un caractère haché. Les enfants, pris entre un changement et l’autre, n’arrivent pas à construire une perception de stabilité, leur permettant d’appréhender la signification et l’utilité d’une scolarité réussie. Cela est d’autant plus difficile, lorsque le cadre familial est dysfonctionnel et/ou absent. Cette première partie

familial) nous permet d’aborder le phénomène du décrochage scolaire dans toute sa dimension chronologique en appréciant dans certains cas le caractère processuel du phénomène du décrochage. Guigue et Tillard (2010) insistent sur l’importance d’ancrer les parcours scolaires atypiques dans l’histoire et la chronologie familiale. Pour elles, les moments de ruptures ou les périodes transitoires ont une influence sur le processus d’affiliation scolaire. Les « fragilisations personnelles », les reconstitutions familiales, les décès, les séparations, les déménagements, les changements de classe/d’école et le redoublement sont tous des événements donnant au parcours un caractère haché. Les enfants, pris entre un changement et l’autre, n’arrivent pas à construire une perception de stabilité, leur permettant d’appréhender la signification et l’utilité d’une scolarité réussie. Cela est d’autant plus difficile, lorsque le cadre familial est dysfonctionnel et/ou absent. Cette première partie