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Le décrochage scolaire : dimensions familiales, dimensions scolaires et parcours atypiques

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Academic year: 2022

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Master

Reference

Le décrochage scolaire : dimensions familiales, dimensions scolaires et parcours atypiques

PAGANI, Jessica, TANNER, Perrine

Abstract

Le but principal de notre travail de mémoire est de pouvoir étudier les dimensions susceptibles au décrochage scolaire toute au long de l'histoire de vie. Pour cela, nous avons mené des entretiens avec 16 jeunes adultes sur leur récit de vie personnel, familial et scolaire. Ainsi, lors des entretiens, nous avons commencé par demander aux jeunes de nous raconter leurs expériences scolaires. L'analyse qualitative, les protocoles d'entretien révèlent différents résultats. Premièrement, tous les jeunes adultes ont évoqué des souffrances psycho-affectives, des déménagements et des reconstitutions familiales et certaines problématiques scolaires. Nous avons donc pu répertorier par le biais de notre analyse, des dimensions communes entre les différents parcours. Nous avons constaté une importante relation entre ces dimensions, que nous considérons comme des facteurs de risque au phénomène complexe et longitudinale du décrochage scolaire.

PAGANI, Jessica, TANNER, Perrine. Le décrochage scolaire : dimensions familiales, dimensions scolaires et parcours atypiques. Master : Univ. Genève, 2014

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:41113

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LE DÉCROCHAGE SCOLAIRE : DIMENSIONS FAMILIALES, DIMENSIONS SCOLAIRES ET

PARCOURS ATYPIQUES

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DE LA MAITRISE UNIVERSITAIRE EN ENSEIGNEMENT SPECIALISE

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Présenté par : Jessica Pagani Perrine Tanner!

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DIRECTION DU MEMOIRE Greta Pelgrims

JURY

Roland Emery Karin Sollberger

GENÈVE, AOÛT 2014

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! UNIVERSITÉ DE GENÈVE

INSTITUT UNIVERSITAIRE DE FORMATION DES ENSEIGNANTS

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Résumé

Le but principal de notre travail de mémoire est de pouvoir étudier les dimensions susceptibles au décrochage scolaire toute au long de l’histoire de vie. Pour cela, nous avons mené des entretiens avec 16 jeunes adultes sur leur récit de vie personnel, familial et scolaire.

Ainsi, lors des entretiens, nous avons commencé par demander aux jeunes de nous raconter leurs expériences scolaires. L’analyse qualitative, les protocoles d’entretien révèlent différents résultats. Premièrement, tous les jeunes adultes ont évoqué des souffrances psycho-affectives, des déménagements et des reconstitutions familiales et certaines problématiques scolaires.

Nous avons donc pu répertorier par le biais de notre analyse, des dimensions communes entre les différents parcours. Nous avons constaté une importante relation entre ces dimensions, que nous considérons comme des facteurs de risque au phénomène complexe et longitudinale du décrochage scolaire.

Mots clés : Décrochage scolaire, déscolarisation, parcours scolaires atypiques, souffrance psycho-affectives et familiales et problématiques scolaires.

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Remerciements

Ce mémoire n’aurait pas été possible sans l’intervention, d’un grand nombre de personnes.

Nous souhaitons ici les remercier.

Nous tenons à remercier sincèrement tous les jeunes qui ont accepté de participer à notre travail de fin d’études. Ils ont partagé avec nous une partie de leur propre histoire de vie et nous leur sommes très reconnaissantes de leur générosité.

Nos remerciements vont également à notre directrice de mémoire, Mme Pelgrims, pour ses conseils et son orientation.

Nous remercions également les membres du jury pour l’intérêt qu’ils ont porté à notre travail.

Enfin nous n’oublions pas nos proches pour leurs contributions, leur soutien et leur patience.

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TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION) 8!

Justification+de+notre+choix+ 10!

CHAPITRE)1):)LE)DÉCROCHAGE)SCOLAIRE):)APPORTS)THÉORIQUES) 12!

1.1+Qu’est6ce+que+le+phénomène+du+décrochage+scolaire+?+ 12!

1.1.1!Émergence!sociale!du!phénomène! 12!

1.1.2.!Une!définition!difficile! 15!

1.2+Le+décrochage+scolaire+ 18!

1.2.1.!Acte!ou!processus!?! 18!

1.2.2!Les!étapes!du!processus!du!décrochage!scolaire! 20!

1.3.+Qui+sont+les+décrocheurs+?+ 21!

1.4.+Un+modèle+de+décrochage+scolaire+:+le+modèle+factoriel+ 23!

1.4.1.!Les!facteurs!personnels! 25!

1.4.2.!Les!facteurs!familiaux! 26!

Contexte!socioEéconomique!familial! 27!

Culture!familiale! 28!

Les!pratiques!langagières!et!sociolinguistiques! 29!

Relations!familleEécole! 29!

Ruptures!familiales! 30!

1.4.3.!Les!facteurs!scolaires! 32!

Difficultés!scolaires! 32!

Climat!de!classe! 35!

Le!groupe!de!pairs! 37!

Aspects!relationnels!entre!élèves!et!enseignants! 38!

Parcours!scolaires! 39!

Chapitre)2):)PROBLÉMATIQUE)ET)QUESTIONS)DE)RECHERCHE) 41! Chapitre)3):)DÉMARCHE)MÉTHODOLOGIQUE)DE)LA)RECHERCHE) 43!

3.1.Échantillon+d’étude+ 43!

3.1.1.!Le!choix!de!l’échantillon! 43!

3.1.2.!La!description!de!l’échantillon! 43!

3.2.+La+méthode+de+recueil+des+données+ 44!

3.2.1.!Le!choix!de!la!méthode! 44!

3.2.2.!L’entretien!semiEdirectif!et!le!récit!de!vie! 45!

3.3.+Le+canevas+d’entretien+ 46!

3.3.1.!Construction!du!canevas!d’entretien! 46!

3.3.2.!Table!de!spécification!du!canevas!d’entretien! 47!

3.4.+Procédure+de+recueil+de+données+ 50!

3.4.1.!Organisation!et!déroulement!des!entretiens! 50!

3.4.2.!Difficultés!rencontrées!et!critiques! 52!

3.5.+Démarche+d’analyse+ 52!

3.5.1.!Première!étape!:!Retranscription!des!entretiens! 52!

3.5.2.!Deuxième!étape!:!identification!des!parcours!de!vie,!des!ruptures!et!de!transitions! 52!

3.5.3.!Troisième!étape!:!identification!des!dimensions! 54!

3.5.3.!Quatrième!étape!:!repérage!systématique!des!extraits!sémantiques!en!lien!avec!

chaque!dimension!répertoriée! 56!

3.5.4.!Cinquième!étape!:!résumé!des!extraits!à!l’aide!de!mots!clés! 57! Chapitre)4):)PRÉSENTATION)ET)DISCUSSION)DES)RÉSULTATS) 57!

4.1.+Ruptures+et+transitions+:+ 58!

Présentation!des!résultats! 58!

Ruptures!et!transitions!:!discussion!des!résultats! 64!

4.2.+Dimensions+familiales+et+scolaires+intervenants+dans+le+décrochage+scolaire+ 70!

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4.2.1.!Les!dimensions!scolaires!du!décrochage!:!présentation!des!résultats! 70! 4.2.2.!Les!dimensions!scolaires!du!décrochage!:!discussion!des!résultats! 77! 4.2.3.!Les!dimensions!familiales!du!décrochage!:!présentation!des!résultats! 84! 4.2.4.!Les!dimensions!familiales!du!décrochage!scolaire!:!discussion!des!résultats! 88! 4.3.+!Raccrochage!,+aides,+perspectives+futures+et+!baguette+magique!+ 93!

4.4.+Discussion+générale+ 95!

CONCLUSION) 100!

Apports+et+connaissances+produits+ 100!

Limites+et+critiques+ 101!

Perspectives+et+pistes+d’intervention+ 102!

RÉFÉRENCES)BIBLIOGRAPHIQUES) 105!

ANNEXES) 110!

Annexe+I+:+Grille+d’entretien+ 110!

Annexe+II+:+Bref+résumé+du+parcours+des+jeunes+interrogés+ 114! Annexe+III+:+transcription+intégrale+de+l’entretien+avec+Fanny+(+Jeune+1)+ 118! Annexe+IV+:+mots+clés+et+extraits+répertoriés+à+partir+des+entretiens+selon+les+dimensions+scolaires+

et+familiales+ 133!

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Index des abréviations

Écoles et institutions :

AFP : Attestion Fédérale de Formation Professionnelle

Atelier ABC : Atelier proposée par ASTURAL, action éducatives et pédago- thérapeutiques

ASSC : Assistant en Soins et Santé Communautaire ASE : Assistant Socio-Educatif

CFC : Certificat Fédéral de Capacité ECG : Ecole de Culture Générale

EMS : Etablissement Médico-Sociaux pour personnes agées

SCAI : Service des Classes d’Accueil et d’Insertion (15-19 ans), devenu le CTP : Centre de Transition Professionnelle

CIPA : Classe d’Insertion Professionnelle Ateliers (plein-temps)

CEFP : Classe d’Encouragement à la Formation Professionnelle (duale) SEMO : Semestre de Motivation (Croix-Rouge)

UCA : Unité de Crise pour Adolescent, HUG UOG : Université Ouvrière de Genève

VIA : Vers l’Intégration et l’Autonomie

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Correspondances de systèmes scolaires

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Système scolaire Genevois (jusqu’à juin 2009)

Système scolaire Suisse HarmoS

(le 1 août 2009) Système scolaire français

École maternelle (3-5 ans)

petite

Degré Préscolaire

Dès l’âge de 3 ans 1E

Cycle élémentaire (4-8 ans)

1P moyenne

2E 2P grande

Degré primaire (6-12 ans)

1P 3P

École élémentaire (6-10 ans)

CP

2P 4P CE1

3P

Cycle moyen (8-12 ans)

5P CE2

4P 6P CM1

5P 7P CM2

6P 8P

Collège

6e Degré secondaire

I

(12-15 ans)

7P Cycle d’orientation (12-15 ans)

9CO 5e

8P 10CO 4e

9P 11CO 3e

!

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INTRODUCTION

Dans les systèmes éducatifs, la problématique du décrochage scolaire est très discutée et controversée surtout lorsqu’elle concerne l’école secondaire obligatoire comme le cycle d’orientation à Genève. Depuis toujours, des élèves sortent de la scolarité obligatoire sans avoir obtenu un diplôme, sans qualification. Avec les changements politiques et sociaux mis en œuvre durant les dernières décennies dans la société et à l’intérieur de l’école même, les échecs scolaires, les désaffiliations, les déscolarisations, les décrochages scolaires ont laissé émerger tout un nouveau champ d’étude et d’intervention. Ce nouveau terrain de recherche est en partie dû à la massification du système scolaire, à l’école pour tous, et à une difficulté toujours plus importante d’insertion socioprofessionnelle des jeunes décrocheurs dans notre société. Les problématiques sociales de déviance et de délinquance juvénile, un taux de chômage croissant et une prise en charge précoce au niveau des assurances sociales ont poussé les sociologues dans un premier temps, puis les spécialistes en éducation dans un deuxième temps à s’intéresser au décrochage scolaire. Les chercheurs estiment nécessaire d’analyser ces interruptions afin de comprendre les raisons et les enjeux qui régissent ce phénomène, dans le but de le réduire en proposant des interventions alternatives à l’école.

Aujourd’hui, un des objectifs primordiaux de l’école est la réussite scolaire afin de préparer les jeunes à un avenir professionnel. Pour y parvenir les élèves doivent se conformer à un ensemble de normes institutionnelles qui prévoient entre autre la présence à l’école et en classe, le respect des normes et des règles, le consentement aux attentes et aux objectifs, ou encore l’implication dans les tâches scolaires. Ces dimensions se vident de leur sens pour des jeunes en échec scolaire et bâtissent les fondements de l’abandon scolaire. Le cheminement vers la sortie passe par des absences, un désinvestissement général et finalement une sortie précoce et sans qualification de l’école. Le décrochage scolaire est un phénomène complexe caractérisé par des ruptures et des échecs tant scolaires que sociaux (Glasman & Oeuvrard, 2004) symptôme d’une école qui ne va pas bien (Tanon, 2000) ou, du moins, qui ne correspond pas aux besoins éducatifs de tous les élèves. La problématique de la déscolarisation, du décrochage scolaire masque donc la réalité d’un problème fondamental de l’école. Le système scolaire et institutionnel actuel exige en effet des compétences d’adaptation de la part des élèves dont la mobilisation se révèle difficile voire impossible pour certains.

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Au niveau Suisse, la proportion des adolescents qui quittent l’école prématurément, sans formation post-obligatoire ni diplôme professionnel, varie depuis 2000, entre 6% et 10%

(OFS, 2012). Afin de diminuer les risques de chômage et de marginalisation, des recommandations sont formulées aux cantons (CDIP, 2011) pour améliorer les conditions de transition entre l’école obligatoire et post-obligatoire, ainsi que l’accès à la formation professionnelle et son achèvement. Selon l’article, Une Accroche pour les décrocheurs, paru le 3 octobre 2013 dans le journal Le Courrier, à Genève, chaque année, plusieurs centaines de jeunes abandonnent leur formation en cours d’études post-obligatoires. Dans le canton de Genève, des mesures ont été mises en place. Le peuple genevois a notamment accepté, en octobre 2012, la nouvelle Constitution cantonale dont l’article 194 rend la « formation obligatoire jusqu’à l’âge de la majorité au moins ». Cette obligation de formation, et non pas de l’école, responsabilise les familles et l’état dans l’objectif d’amener chaque jeune à l’obtention d’un diplôme reconnu sur le marché du travail. Dans cette perspective, le Département de l’Instruction publique va instaurer de nouvelles mesures pour lutter contre le décrochage dans l’enseignement post-obligatoire. Parmi elles, l’interdiction pour le jeune mineur d’abandonner sa formation sans avoir un projet, la possibilité de changer d’orientation sans avoir à redoubler ou encore le dispositif « Espace Lullin » qui accueille des jeunes fragilisés, qui offre un accompagnement personnalisé, scolaire et professionnel, jusqu’à ce que le jeune trouve sa voie.

Toujours à Genève, plusieurs institutions tentent d’aider les jeunes n’ayant pas terminé l’enseignement secondaire I. Il existe par exemple le dispositif d’encadrement et d’orientation SEMO (Semestre de motivation) qui accueille des jeunes en rupture âgés de 15 à 25 ans, ou bien le Centre de transition professionnelle (CTP) qui fait office de « 12e » année du cycle d’orientation.

On remarque qu’il existe une véritable volonté politique d’aider ces jeunes adultes. L’objectif étant de réussir une formation, de nombreux moyens sont mis en œuvre par les principaux acteurs du réseau cantonal : l’Office pour l’orientation, la formation professionnelles et continue (OFPC), l’Office cantonal de l’emploi (OCE), l’Hospice général, l’Office cantonal d’assurance invalidité (OCAI), la Fondation genevoise pour l’animation socioculturelle (FASe), ainsi que la ville et les communes genevoises.

Dans le cadre de notre travail de recherche, réalisé pour l’obtention de la Maîtrise universitaire en enseignement spécialisé, nous nous pencherons sur le décrochage scolaire.

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Nous considérons le décrochage scolaire, non pas tant comme acte, mais comme processus intervenant progressivement au fil de la scolarité, en interaction avec différents évènements indicatifs de ruptures dans leurs parcours de vie extrascolaire et scolaire, et différents facteurs à la fois familiaux et scolaires. En mettant l’histoire de vie et les parcours scolaires atypiques au cœur de notre problématique, nous chercherons donc à investiguer le phénomène du décrochage scolaire. Pour ce faire, nous avons interviewé 16 jeunes « décrocheurs » actuellement en réinsertion socioprofessionnelle. Grâce à leurs récits de vie nous voulons mettre en évidence, dans leurs discours et dans le sens qu’ils reconstruisent de leur parcours, les possibles évènements et facteurs familiaux et scolaires qui les ont progressivement conduit vers leur décrochage scolaire.

Justification de notre choix

Nous avons décidé de nous intéresser à cette thématique car en tant que futures enseignantes spécialisées, nous sommes très sensibles aux parcours atypiques des élèves. Bien souvent, les élèves que nous avons rencontrés lors des stages et des remplacements ont un passé riche en ruptures qui peuvent être personnelles, familiales ou scolaires. Au niveau de l’école, nous croyons qu’une rupture scolaire, tel qu’un redoublement, un changement de filière ou une sortie précoce de la scolarité sont des moments fragilisants qui se répercutent sur la vie quotidienne des élèves. Lors du cours « Structures, parcours et transitions scolaires en enseignement spécialisé » (Pelgrims, 2013), nous avons eu des apports sur les répercussions, sur le rôle d’élève, des ruptures affectives, culturelles, sociales et scolaires ; en outre, les transitions comme la réorientation vers l’enseignement spécialisé, comportent un ensemble de ruptures et de non-dits qui peuvent affecter le sentiment d’appartenance des élèves à l’école, leur sentiment de compétence, leur consentement au projet scolaire, leur intérêt et engagement dans les apprentissages (Pelgrims, 2010). Par ailleurs, nos expériences professionnelles nous ont permis d’apprécier le rôle du contexte familial et des caractéristiques de l’environnement dans lequel l’enfant se développe dans les apprentissages et l’acquisition des savoirs et savoir- faire. Nous estimons que chaque élève avant d’être élève est un enfant, un individu unique qui se construit au travers de ses propres expériences de vie. L’école avec ses pratiques didactiques et pédagogiques, comme nous avons pu constater à plusieurs reprises, n’est pas adéquate pour tous les enfants. Dès les premières années de la scolarité, l’enfant peut se retrouver face à des difficultés scolaires, d’apprentissages et/ou sociales, qui peuvent entraver

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le devenir élève et sa trajectoire scolaire au cours de la scolarité primaire ou secondaire. Ces difficultés, dans certains cas, amènent à des échecs. Le décrochage scolaire est une forme d’échec apparaissant très souvent au secondaire ; c’est probablement un des échecs les plus visibles et tangibles au niveau de la souffrance observée chez les adolescents.

Par ailleurs, très sensibles également aux problématiques liées à l’adolescence, nous avions envie de nous intéresser de plus près à cette tranche d’âge. De plus, l’une d’entre nous travaille dans une structure de type café-restaurant qui a comme mission d’offrir des stages visant à la réinsertion socioprofessionnelle. Lors de cette expérience, les échanges informels avec les stagiaires ont toujours dévoilé une part atypique de leur parcours scolaire.

Pour ces diverses raisons, ce travail de mémoire de maitrise en enseignement spécialisé nous a paru une occasion à saisir pour nous pencher sur le phénomène du décrochage scolaire.

Effectivement, ce phénomène aboutit à son paroxysme au moment de l’adolescence au niveau du cycle d’orientation ; pourtant, comme nous le verrons, il commence à s’instaurer déjà au courant de la scolarité primaire.

Dans le premier chapitre, nous développerons les apports théoriques concernant le décrochage scolaire. Nous commencerons par situer ce phénomène dans son contexte social d’émergence et par des éléments de définition. Ensuite nous nous interrogerons sur le décrochage scolaire en tant que processus en relevant les différentes étapes d’installation. Puis, nous nous intéresserons aux profils des élèves décrocheurs pour terminer sur les facteurs personnels, familiaux et scolaires contribuant à l’abandon précoce de l’école. Dans le deuxième chapitre nous exposerons notre problématique et nos questions de recherche avant de développer, dans le chapitre suivant, la démarche méthodologique adoptée pour cette recherche. Le quatrième chapitre concernera la présentation et la discussion de nos résultats qui seront l’objet, dans le dernier chapitre, d’une discussion générale tout en revenant sur nos questions de recherche.

Pour conclure, nous mettrons en évidence les connaissances produites, les limites et les possibles perspectives de recherches futures et quelques pistes d’intervention.

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Chapitre 1 : LE DÉCROCHAGE SCOLAIRE : APPORTS THÉORIQUES Dans ce chapitre, nous tenterons d’investiguer les principales notions se déployant autour de la thématique du décrochage scolaire ainsi que les connaissances à propos de ce phénomène.

Il s’agit d’aborder les multiples définitions du décrochage. Ces définitions changent en fonction des aspects étudiés, elles évoluent au fil du temps et au sein des diverses équipes de recherche. Nous commencerons par développer la notion du décrochage en proposant un bref détour sur l’échec scolaire, la démobilisation scolaire et la déscolarisation, afin de montrer les changements terminologiques et socio-historiques mis en œuvre au sein de l’école. Par la suite, nous nous concentrerons sur les décrocheurs : qui sont-ils ? Pour répondre à cette question, et ceci en nous référant à la littérature, nous axerons notre exposé sur les facteurs individuels, scolaires et familiaux, susceptibles de jouer un rôle dans ce processus. Nous distinguerons ces facteurs pour mieux les saisir, bien que ceux-ci concourent de façon très imbriquée dans le processus de déscolarisation. Vu la difficulté à définir et à isoler un terme précis, pour notre travail de mémoire, nous emploierons les termes de déscolarisation et de décrochage scolaire comme des termes interchangeables. Effectivement, en ce qui nous concerne, il ne s’agit pas de mettre en exergue toutes les nuances quant à la définition, mais plutôt de comprendre les possibles variables expliquant ce type d’échec et de rupture scolaire présents tout au long du parcours scolaire.

1.1 Qu’est-ce que le phénomène du décrochage scolaire ? 1.1.1 Émergence sociale du phénomène

La thématique du décrochage scolaire n'a suscité qu'un grand intérêt, et de ce fait réellement investie, qu’à partir des années 2000 par les autorités sociales et politiques de plusieurs pays.

Les jeunes décrocheurs et les problématiques du décrochage scolaire ont pris de l’ampleur pour plusieurs raisons que nous tenterons d’investiguer dans cette partie de notre introduction théorique. Notamment, les travaux de Oeuvrard et Glasman (2004, 2011) montrent que le décrochage scolaire est devenu un problème d’ordre public pour trois raisons au moins : l’insertion sociale et professionnelle des jeunes sans diplôme, le rôle de l’école comme facteur de décrochage scolaire, un état d’insécurité et la prévention de la délinquance juvénile.

Premièrement, il existe un problème récurrent lié aux politiques d’insertion sociale et professionnelle des jeunes qui sortent de l’école (obligatoire et post-obligatoire) sans

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qualification. Toujours selon Oeuvrard et Glasman (2004, 2011) ces jeunes rencontrent en effet d’importantes difficultés d’insertion professionnelle à cause de l’évolution pressante de notre société et des exigences d’engagement de plus en plus spécifiques. Dans la société actuelle, pour espérer obtenir un travail fixe, il faut avoir suivi des formations, des stages et des apprentissages dans un domaine spécifique et avoir les compétences requises. Cela n’est pas le cas pour les jeunes décrocheurs, qui ayant abandonné les études avant l’obtention d’un diplôme, ne présentent pas assez de qualifications. Pour eux, l’obtention d’un travail devient presque utopique et ils doivent donc être pris en charge par les assurances sociales des différents pays. Ainsi, pour tenter de limiter ce phénomène d’assistance sociale, les autorités ont commencé à s’intéresser aux jeunes sans diplôme en désignant et en nommant ce phénomène social de décrochage scolaire (Blaya, 2003 cité par Blaya 2010a). A ce propos, la littérature révèle une nette opposition quant au décrochage scolaire, compris comme un réel problème ou comme une construction sociale. Pour la majorité des chercheurs, le décrochage serait bien un problème réel, existant également hors du cadre scolaire, et ayant un fort ancrage dans la société. En effet, les situations vécues sont dommageables pour les personnes et constituent en elles-mêmes un problème social. Par ailleurs, le décrochage peut aussi être perçu comme une construction sociale et politique qui cache certains enjeux. La désignation et la définition du phénomène permettraient de délimiter la sphère d’action des professionnels et de désigner les catégories à risque. En effet, bien souvent la problématique du décrochage sort du mandat, à proprement parler, de l’école et des enseignants. Dans cette conception, l’attention est focalisée sur la désignation des publics en difficulté et sur les opérations de catégorisation, soit à partir des interactions entre le public et les professionnels (processus d’étiquetage), soit à partir de la construction de dispositifs pédagogiques et/ou des professionnels (Bernard, 2013b).

La deuxième raison sous-jacente à l’émergence du problème public est, qu’à partir des années

‘60, la démocratisation et l’école pour tous entamées au cours des années ‘90 ont amené des réformes institutionnelles très importantes (Bernard, 2013b). Effectivement, jusqu’à lors, deux systèmes d’enseignement bien distincts existaient : celui conduisant rapidement à l’insertion professionnelle, majoritairement fréquenté par les élèves de milieux populaires, et celui menant aux études gymnasiales, majoritairement suivi par les élèves de milieux aisés.

C’est seulement à partir des années ‘70, qu’en Europe et en Amérique du Nord, apparaît la question de la lutte pour l’égalité des chances avec la massification de l’enseignement. La période de la scolarité obligatoire s’est donc allongée et les élèves des deux milieux se sont

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mis à fréquenter les mêmes bancs d’école. À ce moment, le concept de « l’échec scolaire » a fait ses premières apparitions et la non réussite scolaire est devenue au fur et à mesure un problème d’ordre social. Cependant, les échecs scolaires de l’époque n’étaient pas encore pris au sérieux, comme ceux d’aujourd’hui, car l’école n’était pas un pré-requis indispensable pour l’insertion professionnelle (Bernard, 2013b).

Pourtant cette école pour tous, comme le soulignent Bourdieu et Champagne (1992) n’a fait qu’engendrer des fortes disparités et reproduire des inégalités sociales. La création des diverses filières, avec ses niveaux et orientations, contribue à accroître le décalage entre les

« bons élèves », les élèves de milieux aisés, les « élèves en difficulté » et les élèves de milieux populaires. Ces changements organisationnels ont amené un véritable processus de catégorisation et de stigmatisation. Cette évolution a renforcé les tensions et a accentué certains modes de régulation des conflits comme celui de l’ «exclusion depuis l’intérieur » (Bourdieu & Champagne 1992) : les jeunes élèves en difficulté sont donc exclus de l’école par l’école même. Par ailleurs, ces deux sociologues accusent le système scolaire actuel d’obliger les élèves à effectuer des choix quant à leur avenir de plus en plus tôt en signant précocement leur destin. Ces phénomènes participeraient au processus de déscolarisation, justement parce que l’institution scolaire, en mettant en place cette forme de stigmatisation, prédestinerait certains élèves à l’échec scolaire et donc à une sortie précoce de la scolarité.

La troisième raison de l’intérêt public pour le décrochage scolaire est l’enjeu de la déscolarisation, surtout dans ses dimensions liées à l’augmentation de l’insécurité sociale, au rajeunissement et recrudescence de la délinquance juvénile (Esterle-Hedibel, 2006). En effet ce phénomène concerne un nombre toujours plus important de jeunes en formation. Par ailleurs, certaines équipes (Walgrave, 1992 ; Roché, 2001 ; Lagrange, 2001, cités par Esterle- Hedibel, 2006) ont mis en évidence un lien entre décrochage scolaire et délinquance. Ce lien aux rapports causaux pas bien définis fait peur aux autorités sociales. Ces dernières ont donc commencé à s’intéresser à la déscolarisation afin de lutter contre la délinquance et l’absentéisme. Plusieurs recherches sur ce sujet (Roché, 2001 ; Lagrange, 2000 ; Janosz &

Leblanc, 2005 cités par Blaya, 2010a) ont donc vu le jour dans différents pays en ayant comme but de définir les liens entre le décrochage, l’absentéisme, les conduites à risque et la délinquance. Effectivement, l’absentéisme scolaire, symptôme le plus manifeste dans la problématique du décrochage scolaire, semblerait être lié aux conduites déviantes et délinquantes. La délinquance juvénile est définie comme « toute transgression perpétrée par

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un mineur et qui serait punissable si elle était commise par un adulte » (ISRD, International Self Reported Study ; cité par Blaya, 2010a, p. 60), les conduites à risque s'identifient alors comme des comportements perturbateurs, agressifs, la consommation massive d’alcool, de drogues et de tabac. Dans les travaux de Blaya et ses collaborateurs (2004, cité par Blaya, 2010a) la variable délinquance explique le 30% de la variance du décrochage scolaire.

Pourtant, comme souligne l’auteur, il est impossible de savoir si le décrochage scolaire est la source des conduites délinquantes ou vice-versa. De plus, parmi les absentéistes, on retrouve des élèves qui n’ont jamais commis des actes de délinquance. Les conduites à risque peuvent tout autant être interprétées comme acte de rébellion envers des parents que comme signe manifeste d’une inadéquation scolaire. Lorsqu’on parle de délinquance on ne peut pas faire l’impasse sur l’influence du groupe de pairs (Esterle-Hedibel, 1997, cité par Esterle-Hedibel, 2006). Les jeunes absentéistes, ne se sentant pas appartenir à un groupe classe, cherchent à s’identifier socialement au groupe de pairs externes. A ce titre, Glasman (2000) soulève une question intéressante : décrocher de l’école c’est accrocher à quelque chose d’autre, dans ce cas spécifique, un groupe de pairs afin de restaurer l’image de soi. Nous reviendrons sur ce point lorsque nous développerons les facteurs de risque liés au décrochage scolaire.

1.1.2. Une définition difficile

Ce bref historique concernant l’émergence du décrochage scolaire, à considérer non pas comme « un phénomène culturel mais un fait social construit dans l’école et la société » (Blaya, 2010a, p.23), nous a permis de nous sensibiliser à la complexité de ce phénomène.

Une première difficulté consiste à cerner les diverses nuances entre les termes échec scolaire, déscolarisation et décrochage scolaire et la deuxième difficulté est de choisir une définition du décrochage. En effet, dans une problématique très vaste tel qu’est le décrochage scolaire, trouver une définition qui puisse convenir à toutes les équipes de chercheurs du domaine est une mission presque impossible. Selon l’objet d’étude visé, la définition du décrochage change sensiblement. Au lieu de proposer une revue de la littérature énumérant toutes les possibles définitions du décrochage rencontrées au sein des différentes équipes, nous avons décidé de chercher à identifier des points communs. Trois points principaux sont ressortis : il faut le considérer comme un processus s’inscrivant dans une dynamique longitudinale (Guigue, 2010) ; il coïncide avec l’abandon précoce de la scolarité et une sortie

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sans qualification (Bernard, 2013); et il peut se manifester déjà à partir des premières années de la scolarité (Bonnery, 2003).

Il est primordial d’attirer l’attention sur la multitude de termes existants pour désigner les possibles échecs et ruptures scolaires : la désaffiliation, la déscolarisation, la démobilisation scolaire et le décrochage scolaire. La délimitation de ces termes n’est pas évidente dans la littérature et elle n’est pas figée. De façon très générale, nous avons constaté que ces termes correspondent tous à des moments très délicats et difficiles propres à des transitions et/ou ruptures lors de la trajectoire scolaire, certains se culminant par une sortie précoce et définitive du système.

Si nous examinons les termes employés désignant ces moments délicats, nous pouvons constater que certains font référence à la période qui précède la sortie définitive du système scolaire et impliquent tous l’idée d’installation progressive du phénomène. Bernard (2013b) relève une distinction entre le terme « déscolarisation » et « décrochage ». Le premier terme signifie un manquement à la norme légale qui est l’obligation scolaire, tandis que le deuxième est plutôt en lien avec la norme sociale qui prévoit l’achèvement de la scolarité. La déscolarisation selon lui s’opère avant la fin de la scolarité obligatoire (15 ans pour la Suisse1) et le décrochage dans la suite du parcours, lors du post-obligatoire. Toujours en se référant à l’obligation scolaire, Guigue (2010) insiste sur la possibilité d’une fréquentation scolaire non régulière dans le cas de la déscolarisation, et sur l’idée d’abandon, voire du rejet de l’école dans les cas de décrochage scolaire. Dans les deux cas, l’élève sort de l’école, soit en démissionnant, soit parce qu’il en est exclu à cause de ses résultats ou comportements perturbateurs. Selon elle, cette rupture avec l’école peut être interprétée à travers plusieurs points de vue : une décision, un passage à l’acte, une séparation, une révolte, un désinvestissement, un désengagement, ou encore une désaffiliation. Ballion (1995, cité par Blaya, 2010a) parle de démobilisation scolaire faisant référence aux jeunes qui ont perdu le sens dans leur scolarité en se mettant en modalité d'attente : une attente que l’école sera à nouveau intéressante. Rayou (2000), toujours en s’intéressant à la démobilisation scolaire, postule que celle-ci correspond à un moment de recherche de soi pour des élèves-adolescents.

En effet, il se peut que l’école ait perdu du sens pour l’adolescent-élève engendrant une perte de confiance et de sens vis-à-vis du contrat pédagogique. En ces termes, une démobilisation temporaire se veut une stratégie pour « faire face », afin de rebondir ou de se raccrocher avant

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1!Loi!sur!l’instruction!publique,!LIP!:!Art.!11A!

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ou après une rupture définitive. En ce qui concerne les équipes Québécoises, Connel et Wellborn, (1991, cité par Blaya 2010a) utilisent, de préférence, le terme de désengagement.

Ils se réfèrent, par là, à une attitude passive adoptée par les élèves, symptôme d’inquiétude, de frustration et d'impuissance. Ces attitudes sont interprétées comme un processus de dés- adhésion au système ou à un accrochage manqué. Cette dernière expression laisse paraître l’hypothèse que dans certains cas, ceux qu’on appelle les décrocheurs, ne sont que des élèves qui n’ont en réalité jamais accroché au système scolaire. Par ailleurs, Fortin et ses collaborateurs (2004, 2006) abordent la thématique du décrochage sous l’angle des difficultés d’adaptation à l’école et à ses attentes. Ces difficultés seront donc à l’origine d’un sentiment négatif, quant à la réussite scolaire, qui ira jusqu’à l’abandon. Mais alors est-ce que dans cette perspective nous pouvons parler de décrochage scolaire ? Ou s’agirait-il plutôt ici d’un accrochage jamais advenu ?

En Belgique, le décrochage scolaire est vu comme un dysfonctionnement dans la triade jeune, école et société (Gilles, Plunus & Polson, 2008). Il sera donc le résultat d’un lien détérioré entre ces trois partenaires et il se manifestera de préférence à l’adolescence. En effet, les jeunes adolescents, à ce moment de leur vie, sont plus vulnérables et fragiles en raison de leur quête identitaire. Le décrochage scolaire rentrerait donc dans ces moments difficiles de l’existence de chaque adolescent, qui justement cherche à tester les limites de la société et de l’école. Bien sûr, certains jeunes, de par leur parcours de vie, seront plus à risque de décrocher.

Un autre aspect à soulever est le lien entre l’échec scolaire et le décrochage. Comme nous avons pu le constater dans nos lectures, le concept d’« échec scolaire » a été substitué par celui de « déscolarisation » et « décrochage scolaire ». En faisant apparaître l’usage du mot décrochage, la problématique scolaire semble déplacée. Lorsque l’on utilise le terme d’échec scolaire, le problème se situe au niveau du système éducatif et des exigences propres à l’institution. Par contre, le terme décrochage ne se restreint pas au niveau scolaire mais vient aussi d’un défaut d’intégration : « (…) parler de « décrochage », de « déscolarisation », cela permet d’articuler plus directement, dans les représentations, le dedans et le dehors de l’école ; c’est une manière de dire les difficultés d’un élève en les rapportant sans intermédiaire à leur origine et à leurs conséquences sociales » (Oeuvrard & Glasman, 2011, p.

19). Il concerne une intrication très serrée entre le scolaire et le social et cela dès le début de l’apparition du problème, qui peut se situer dès l’entrée au primaire.

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Bernard (2013b) de son côté, avance trois critiques principales sur l’utilisation de termes de décrochage et de déscolarisation. En premier, l’auteur dénonce la stigmatisation des élèves en difficultés. En effet, le processus du décrochage scolaire implique un repérage des élèves les plus vulnérables parmi tous les élèves, en créant à l’intérieur de l’école la catégorie de jeunes décrocheurs. Au travers cela, le système social et scolaire exerce un contrôle sur ces écoliers stigmatisés, de façon à ce qu’ils ne viennent pas menacer l’ordre social, avec des conduites déviantes ou délinquantes. De cette première critique découle la seconde : la simplification.

Elle consiste à vouloir rassembler en une seule dénomination la question de la sortie du système. Cela n’est absolument pas pertinent car chacun a une histoire de vie qui lui appartient, définie par des expériences et réalités diverses. En voulant mettre toutes ces différentes histoires de vie dans une même problématique afin d’essayer de comprendre le phénomène du décrochage, on risque en réalité d’ignorer les causes réelles d’un parcours scolaire atypique se concluant par un décrochage scolaire. Ce dernier point consiste en ce que Bernard (2013b) appelle l’ignorance des causes. Les deux premières critiques mettent à mal la nécessite de circonscrire et catégoriser l'apprenant en difficulté et la troisième insiste sur l’inutilité de vouloir se focaliser sur la mise en évidence de facteurs communs entre les jeunes décrocheurs.

En tous les cas, le décrochage scolaire consiste en une rupture avec le cadre éducatif. Comme nous l’avons vu, cette rupture découle d’un problème entre ce dernier et l’élève. Les raisons sont multiples : une inadaptation aux normes imposées par l’école, une tension croissante entre l’élève et ses enseignants, une abdication du contrat pédagogique, et d’autres encore.

Une chose paraît certaine, l’abandon précoce des études est une occasion permettant de réduire un mal-être et de redonner du sens à sa situation.

1.2 Le décrochage scolaire 1.2.1. Acte ou processus ?

Lorsqu’on parle du décrochage scolaire, nous sommes confrontés à plusieurs oppositions théoriques selon le point de vue qu’on adopte. En premier lieu, en tant que phénomène social, il peut être étudié comme un acte ou un processus. Dans l’idée de l’acte, le décrochage interviendrait indépendamment des personnes et à un moment précis du parcours scolaire. Il est défini comme une réalité objective et non par l’interaction de plusieurs facteurs ou

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motivations individuelles (Bernard, 2013b). Il est quantifiable et constitue un fait social, inséré dans une collectivité étant donné sa régularité. C’est l’approche qui domine dans les institutions et le système éducatif, lorsque l’on entend des propos tel que « cet élève est en décrochage scolaire », comme s’il s’agirait d’une posture statique.

Dans la conception opposée, celle de processus, le décrochage scolaire résulte d’un processus s’instaurant tout au long de la trajectoire scolaire en raison d’interactions entre une multiplicité de facteurs que nous détaillerons par la suite. Ce phénomène ne peut donc pas être étudié sans prendre en considération les perceptions, les attitudes et les comportements des acteurs en situation d’apprentissage, toujours en ayant en filigrane l’aspect individuel de la trajectoire scolaire. Effectivement, l’installation du processus de décrochage est lente, progressive et cumulative (Caro, 2013). Pour cet auteur, le décrochage est la résultante d’une multitude de difficultés, notamment dans le milieu scolaire, culturel, familial et sociale de l’élève. Toujours selon cet auteur, les premiers signes précurseurs peuvent être visibles déjà à partir de l’école primaire. Ils sont visibles, par exemple, lors de changements inexpliqués du comportement, une attitude effacée, des mauvais résultats difficilement identifiables, un manque d’intégration et de socialisation à l’intérieur de la classe, un refus à être aidé, un manque et ou une perte d’investissement personnel (devoirs, matériel), et lors de l’apparition de conduites à risque, déviantes et délinquantes. Pour pouvoir analyser et comprendre au mieux ces manifestations, il faut prêter une attention particulière à la trajectoire scolaire de chaque élève en difficulté, car ces facteurs retrouvent leur signification la plus complète dans une perspective de continuité. La connaissance de l’histoire familiale et scolaire devient alors primordiale. Guigue et Tillard (2010) mettent en évidence la nécessite d’insérer les problèmes scolaires dans l’histoire familiale. Pour ces auteurs, toute dimension problématique qui se manifeste à l’intérieur de l’école doit être étudiée dans un cadre plus large en lien avec l’histoire chronologique et culturelle de la famille. Un élève à problèmes est unique justement en raison de son histoire de vie. Les ruptures, les périodes de transitions influencent l’adhésion à l’école, surtout lorsque ces changements s’opèrent à l’intérieur même de la trajectoire scolaire, en lui attribuant un caractère discontinu. Un changement de classe et/ou d’école est donc un facteur clé dans l’affiliation à un nouveau contexte scolaire. Notamment pour certains élèves, ce changement est vécu comme un échec scolaire qui les pousse à désinvestir le métier d’élève, en générant de la discontinuité dans le parcours (Guigue, 2013).

Cela sera un obstacle à l’affiliation au nouveau contexte scolaire. Pourtant d’autres élèves peuvent très bien vivre ce changement comme un nouveau départ et donc recommencer à

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investir ce nouveau contexte et retrouver l’envie et le goût pour l’école. Nous retenons ici l’importance de considérer le décrochage scolaire comme une suite d’événements significatifs et un cumul de facteurs individuels, scolaires et familiaux.

1.2.2 Les étapes du processus du décrochage scolaire

« (…) Les recherches antérieures semblent indiquer que l’expérience scolaire de ces élèves suit une progression qui commence par les difficultés à l’école élémentaire, conduisant à des problèmes de comportements et attitudes au début du lycée2, et de l’absentéisme, avec finalement comme résultat l’acte de décrochage » (Bryk & Thum, 1989, cité par Bernard, 2013b, p. 72). Ces propos permettent de constater encore une fois que l’acte de décrocher ne consiste pas uniquement dans un fait accompli à un moment particulier, mais il relève d’un processus. Dans cette partie, nous exposerons les étapes clés de ce processus.

Certains auteurs (Bautier, 2003 ; Bonnery, 2003) mettent en évidence des étapes et des indices en postulant l’existence d’un modèle « chronologique et processuel » du décrochage scolaire.

Les premières difficultés apparaissent déjà à l’école primaire. Elles sont suivies par l’installation de comportements inadéquats qui culminent avec l’absentéisme en premier lieu puis par la rupture définitive correspondant à l’abandon de la scolarité. Dès l’apparition des premières difficultés, se crée un écart entre l’école et les élèves en difficulté, et se répercutent également dans les pratiques d’enseignement. Certains enseignants modifient, en effet, implicitement les termes du contrat pédagogique. Des attentes divergentes s’instaurent petit à petit et amènent à la rupture de ce contrat empiétant la relation entre les enseignants et les élèves (Bonnery, 2003a). Cette incompréhension toujours plus évidente et manifeste, comme nous l’avons déjà soulevé précédemment, peut être à la base du début des phénomènes d’étiquetage, jusqu’à arriver à la catégorisation et à la stigmatisation des élèves « en difficultés » scolaires. Les élèves se sentent exclus et réagissent en commençant à décrocher : ils participent moins attentivement aux leçons, ils répondent au hasard, ils ne s’impliquent plus, ils cherchent à s’effacer. Ce sont des représentations possibles du décrochage depuis l’intérieur (Bonnery, 2003a) ou du désinvestissement scolaire (Lahire, 1993, cité par Blaya 2010b). Lors de l'entrée au secondaire inférieur (cycle d’orientation), les pratiques d’enseignement changent considérablement: l’évaluation scolaire porte davantage sur

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2!Le!lycée!français!correspond!au!collège!en!Suisse.!!

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l’appropriation des savoirs, le contenu du savoir se complexifie, les enseignants ne sont plus dans des conduites de maternage comme au primaire. Or, les difficultés, les sentiments d’exclusion flambent, et on assiste à des conduites oppositionnelles, à des conflits ouverts avec les professeurs et l’école. Comme le soulignent Millet et Thin (2005), les difficultés scolaires se transforment en comportements a-scolaires. Les élèves commencent alors à ne plus venir à l’école, l’absentéisme, voire certaines conduites délinquantes, prennent le dessus.

L’absentéisme est considéré comme l’un des symptômes les plus visibles du phénomène du décrochage scolaire. Effectivement, dès son apparition le décrochage devient un phénomène d’intérêt social et non plus seulement scolaire, car l’absentéisme, comme nous l’avons vu plus haut, est souvent mis en relation avec la délinquance. Par ailleurs, avec l’expérience de l’absentéisme, le rejet réciproque de l’établissement scolaire et de l’élève prend une ampleur considérable (Bernard, 2013b).

1.3. Qui sont les décrocheurs ?

Un jeune décrocheur est avant tout, selon nous, un enfant, un adolescent qui témoigne d’un malaise, de difficultés vis-à-vis de l’école et qui exprime cela en adoptant des comportements et des attitudes particuliers. Ce malaise, cette inadaptation à l’école se manifestent par toute sorte de comportements inattendus. Il y aura des manifestations plus discrètes comme des difficultés d’apprentissages, des stratégies d’évitement face aux activités scolaires, des conduites d’effacement et des comportements externalisés, comme des conduites d’opposition, de recherche de limites, de l’indiscipline et de l’absentéisme, comme on l’a vu précédemment. Il n’y a pas un comportement qui soit plus indicateur qu’un autre pour un possible décrochage ultérieur. Néanmoins, les différentes recherches ont soulevé que les élèves les plus à risque de décrocher sont ceux qui manifestent des troubles du comportement externalisés (Blaya, 2010b). Le groupe des élèves décrocheurs est un groupe très hétérogène, non seulement dans la manière de montrer leur non adhésion, leur refus à l’école, mais également en ce qui concerne leur sensibilité aux facteurs déclencheurs de ce phénomène. A partir de trois grandes catégories délimitant des facteurs de risque de décrochage, à savoir le contexte personnel, le contexte scolaire et le contexte familial, plusieurs chercheurs ont tenté de mettre en évidence une typologie d’élèves décrocheurs. Par exemple, Kronick et Hargis, (1990, cité par Janosz, 2000) exposent une typologie où le critère d’appartenance catégorielle est la réussite scolaire. Les élèves sont partagés entre ceux qui réussissent bien et ceux qui

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sont en échec scolaire : la catégorie des élèves performants et celle des élèves non performants. Dans les deux catégories, on retrouve ceux que les auteurs appellent les expulsés (« pushouts »). Ce type de décrocheurs affiche des problèmes de comportement, ils manifestent notamment leur frustration en adoptant des comportements agressifs, violents, perturbateurs envers le cadre scolaire. Par contre, dans la catégorie des élèves peu performants, on retrouve d’un côté, les décrocheurs discrets (« quiet dropouts ») qui restent discrets et presque en retrait jusqu’à l’obtention de l’âge légal de fin de la scolarité obligatoire. De l’autre côté, il y a les décrocheurs qui finissent la scolarité obligatoire (« in- school dropouts ») sans jamais obtenir un diplôme en raison d’un retard dans les apprentissages qui leur empêche de réussir les examens finaux.

Janosz (2000), en se basant en partie sur ces derniers travaux et sur d’autres recherches longitudinales (1974 et 1985) isole quatre groupes de décrocheurs en croisant l’inadaptation scolaire comportementale, l’engagement face à la scolarisation et le rendement scolaire: les discrets, les désengagés, les sous-performants et les inadaptés. Les décrocheurs discrets sont notamment tous ces élèves qui, bien qu’appliqués dans les apprentissages sans forcement obtenir de bons résultats, passent inaperçus car ne présentent pas des problèmes comportementaux. Les désengagés correspondent aux adolescents qui n’aiment pas l’école.

Ils manifestent un faible engagement scolaire et moyennement d’adaptation et de rendement scolaires. Ils ont toutes les compétences pour réussir mais ils ne les mobilisent pas à l’intérieur de la structure scolaire et se laissent influencer par les comportements inadéquats des pairs. Les sous-performants affichent un rendement scolaire insuffisant et un niveau d’engagement faible. Leur souci principal se retrouve dans la difficulté à répondre aux exigences scolaires. Les inadaptés se caractérisent surtout par une inadaptation scolaire comportementale élevée, tout en montrant également un engagement et un rendement scolaire faibles. Ce sont ces élèves qui font l’expérience scolaire la plus négative, avec beaucoup de comportements externalisés et d’absences. Pour Janosz (2000), les décrocheurs se distinguent des camarades de classe par « la nature et l’intensité des difficultés scolaires, mais également par leur qualité générale d’adaptation psychosociale » (p. 120).

L’équipe québécoise de Fortin, Potvin, Marcotte et Royer (2006) a également mené une étude longitudinale tout au long de la scolarité (sur 11 ans) avec 801 élèves, afin d’identifier une typologie d’élèves à risque de décrochage. Quatre motifs sont mis en évidence : le type peu intéressé (40% des élèves à risque de décrocher), le type troubles du comportement et difficultés d’apprentissage (30%), le type conduites antisociales cachées (19%) et enfin le

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type dépressif (11%). Le profil peu intéressé regroupe des élèves qui s’ennuient à l’école et sont peu engagés. Le profil troubles du comportement et difficultés d’apprentissage concerne ceux qui manifestent toutes sortes de comportements extériorisés inadéquats, comme des conduites antisociales, agressives et en opposition avec l’école, de plus ils ont des performances scolaires de très bas niveau. Le profil conduites antisociales cachées regroupe des élèves qui n’affichent pas de réels troubles de comportements, mais adoptent des actes délinquants et des conduites inadéquates mineures, comme par exemple des mensonges et des petits délits (vols, abus de substance, etc.). Le dernier profil dépressif, comprend tous les élèves qui ont un niveau élevé de dépression et qui se montrent souvent découragés, tristes et peu investis.

Blaya (2010b) a également publié le résultat d’une recherche sur la typologie d’élèves, cette fois-ci, effectuée en France. Les typologies et les pourcentages retrouvés sont similaires à ceux de Fortin et collaborateurs (2006).

Caro (2013) adoptant le discours d’un psychologue, a participé à une recherche sur les décrocheurs et propose la définition de ces derniers: « quelqu’un qui quitte le cursus scolaire en milieu de la scolarité, sans avoir validé un diplôme ou sans avoir été jusqu’au bout de la formation. » (p. 81). Mais quelles sont alors les véritables raisons qui poussent un enfant à quitter l’école ? Glasman (2000) s’interroge sur ce qu’un élève décrocheur abandonne ? Il s’agit d’une question clé pour comprendre d’un côté les raisons et les modalités du décrochage et de l’autre, pour saisir les enjeux pour un éventuel raccrochement à l’école. Pour elle, il est important d’investiguer quatre dimensions telles que : le sens attribué à l’école et aux apprentissages, le regard de l’institution scolaire, l’abandon de pairs et d’un cadre socialisant, et finalement un projet parental ne correspondant pas forcément à celui de l’élève.

En s’écartant de l’école, les élèves en voie de décrochage quittent tout cela afin de restaurer une image de soi, très fragilisée par cette expérience d’échec.

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1.4. Un modèle de décrochage scolaire : le modèle factoriel

En fonction de nos lectures, nous pouvons constater que l’approche dominante pour l’étude du processus du décrochage scolaire est un modèle qui prend en cause plusieurs facteurs.

Différents chercheurs ont identifié une panoplie de facteurs qui rentrent en jeu dans son installation et apparition. Ces variables, telles que les facteurs individuels, institutionnels,

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psychologiques, sociologiques, sociaux et scolaires sont considérées comme des facteurs de prédiction (de risque ou de protection). Les études les plus anciennes portaient essentiellement sur les caractéristiques personnelles (psychologiques et sociologiques) de l’élève, par contre dernièrement, en partie en raison de l’ampleur sociale qu'est en train d’acquérir ce phénomène, les équipes de chercheurs ont commencé à s’intéresser davantage aux facteurs sociaux et scolaires. Les premiers s’insèrent dans le contexte socio-économique et regroupent, selon les études, les variables socio-démographiques propres à l’enfant, et celles du milieu éducatif et social de la famille ; les deuxièmes sont toutes les variables significatives mises en évidence dans l’environnement scolaire, notamment les expériences scolaires, les caractéristiques des établissements et les pratiques éducatives.

Dans la suite de notre exposé, nous nous concentrerons surtout sur les variables susceptibles de jouer un rôle dans la construction du décrochage dans sa dimension temporelle, afin d’apprécier leur influence tout au long de la scolarité, c'est-à-dire: des premiers pas à la maternelle jusqu'au moment de l’abandon définitif de la scolarité. Nous avons décidé de détailler les facteurs familiaux et scolaires. A notre avis, ces deux dimensions, en raison de leurs multiples interactions existantes, constituent un tout indivisible dans la problématique du décrochage scolaire. Un élève est avant tout un enfant qui grandit dans un environnement familial, avec un cadre culturel précis. En rentrant à l’école, il se voit soumis à des contraintes, à des normes scolaires qui dans certains cas ne correspondent pas aux normes familiales. L’enfant-élève doit apprendre à rester en équilibre même si des difficultés développementales, d’apprentissages, relationnelles et comportementales apparaissent. Thin (2002) en essayant de mieux comprendre les fondements de la déscolarisation, s’est alors intéressé à l’articulation entre les différentes dimensions qui conduisent les enfants à quitter sans qualification les écoles. Il explique que l’enfant est souvent pris dans des injonctions contradictoires, notamment les exigences scolaires versus les contraintes familiales, les attentes scolaires versus les systèmes d’obligations propres au groupe des pairs. Les attentes et les discours sont donc contraires et demandent à l’élève une forte adaptabilité.

Généralement, l’élève résiste longtemps à ces ambivalences, mais pour un élève qui décroche, ces ambivalences se transforment en exigences et se résolvent en refus de la scolarisation afin d’alléger les tensions engendrées chez lui.

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Pour réussir à comprendre les parcours des élèves en décrochage scolaire :

« il faut s’efforcer de saisir les connexions entre les différents événements biographiques des jeunes comme de comprendre l’enchevêtrement des processus et des événements. Par exemple, essayer de saisir le type de réaction familiale aux événements scolaires marquants ou les effets des péripéties de la vie familiale sur la scolarité, ou encore comment la tension entre sociabilité juvénile des groupes de pairs et jeu scolaire peut se résoudre au profit du pôle des groupes de pairs si les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances et comment l’attraction des pratiques juvéniles les moins scolaires peut renforcer les difficultés scolaires » (Thin, 2002, p. 3).

Ainsi, le décrochage scolaire ne peut pas être réduit à des problèmes familiaux ou scolaires isolés, mais c’est l’articulation entre ces deux contextes qui aboutit à un processus de décrochage. Pourtant, l’identification de ces facteurs est très utile dans les programmes de prévention, car elle pourrait servir à dépister les élèves à risque et à mettre en place à temps des programmes de prise en charge individualisés (Fortin, Royer, Potvin, Marcotte et Yergeau, 2004).

1.4.1. Les facteurs personnels

Avant de nous pencher sur les facteurs familiaux et scolaires de façon approfondie, il nous semble indispensable de discuter brièvement de l’implication de certaines dimensions individuelles, notamment des variables développementales, comportementales et psycho- affectives contribuant à l’installation du processus de déscolarisation. On peut par exemple considérer l’âge, le genre, les difficultés d’apprentissages, les troubles du comportement (perturbations, provocations, opposition, agressivité), les composantes psychologiques et affectives (états dépressifs, estime de soi). En premier lieu, les recherches actuelles françaises et nord-américaines ont mis en évidence une corrélation entre l’âge et le décrochage scolaire : plus on est âgé, plus on décroche. Cet aspect peut être mis en relation avec le rapprochement de la fin de la scolarité obligatoire, 15 ans pour les écoliers suisses. Sans forcément donner une explication à cette corrélation, nous pouvons faire l’hypothèse qu’elle est en partie expliquée par le fait qu’on s’approche justement de la fin de la scolarité obligatoire, et d'autre part, par le fait que le cumul de facteurs scolaires et familiaux impliqués

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dans le décrochage ait atteint le plafond supportable par les élèves, en le poussant à se désinvestir complètement de l’école. Nous pouvons également inscrire l’effet d’âge dans une trajectoire développementale. En effet, comme soulèvent Gilles et collaborateurs (2008), l’adolescence est déjà une période fragilisante et difficile, les difficultés scolaires de toutes sortes sont donc exaltées par la transition à travers ce moment vulnérable. Ou encore, le facteur âge peut être mis en relation avec les pratiques d’enseignement différentes existants entre les trois différents cycles de scolarité, primaire, moyen et secondaire. Nous reviendrons sur cet aspect ultérieurement dans la partie sur les facteurs scolaires. En deuxième lieu, les études montrent également le rôle du genre. Les garçons sont en effet plus à risque de décrocher que les filles. Pourtant, en contrôlant la variable « résultats scolaires » la prévalence masculine disparaît en dépit d’un risque de décrochage plus aigu en faveur des filles (Blaya, 2007, cité par Blaya, 2010b). Enfin, certaines variables comportementales et psycho- affectives, tels que les troubles du comportement, les comportements agressifs, les conduites déviantes et délinquantes, les états dépressifs et anxieux, les troubles de l’attention et de l’hyperactivité (TADA) sont également à considérer dans les cas d’abandon scolaire.

Pourtant, il faut faire attention à ne pas entrer dans une « pathologisation » du décrochage scolaire, en tentant d’expliquer ce phénomène par l’évocation systématique de troubles psycho-affectifs. Le processus de déscolarisation se déclare par une accumulation de facteurs de risque et non uniquement par la présence d’une problématique psychologique ou affective.

Cette dernière peut contribuer à l’abandon scolaire pour autant qu’elle interagisse avec des facteurs familiaux et scolaires.

1.4.2. Les facteurs familiaux

Comme nous l’avons souligné à plusieurs reprises, le décrochage scolaire est un phénomène multi-causal résultant d’un ensemble de facteurs prédictifs. Dans cette partie consacrée aux facteurs familiaux, nous étudierons de plus près les contextes socio-économiques et culturels considérés à risque et les relations existantes entre famille et école, tout en étudiant également les pratiques éducatives familiales.

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Contexte socio-économique familial

La famille avec son histoire, sa culture et son contexte socio-économique intervient systématiquement sur les apprentissages scolaires et le développement personnel de l’enfant.

Chaque famille s’inscrit dans une histoire qui lui est propre en raison des expériences et événements de vie ; un élève, avant d’être élève, est enfant, et se faisant, indissociable de l’histoire familiale (Guigue & Tillard, 2013). Il grandit avant tout dans une culture et éducation familiale pouvant être en contradiction avec la culture scolaire. Coslin (2006) soutient que les apprentissages s’effectuent dans la rencontre entre les formes scolaires (les savoirs scolaires, les conditions pédagogiques) et les formes sociales et cognitives (les savoirs familiaux, les structures langagières et mentales et les expériences du monde social de l’apprenant. Les variables déterminant sa trajectoire, se trouveraient au sein de cette divergence culturelle.

Dans cette perspective, certaines difficultés et échecs rencontrés à l’école prennent sens en élargissant le focus d’étude au milieu familial. Notre revue de littérature nous permet de mettre en évidence une surreprésentation des élèves en échecs et/ou en décrochage scolaire provenant de famille en grande difficulté économique, s'agissant de situation de précarité, familles migratoires ou familles d’ouvriers. Les ressources financières à disposition sont faibles. Certains parents exercent des emplois précaires ou d’appoints, d’autres familles vivent grâce aux aides sociales octroyées. Par ailleurs, les familles vivent souvent dans un habitat étroit où cohabitent parfois plusieurs générations, dans des conditions de promiscuité et de densité accrue. Dans de telles conditions, l’habitat est parfois insalubre et la stabilité du logement incertaine (Coslin & Boudarse, 2006 ; Millet & Thin, 2005). Pour les élèves issus de ces milieux, les contraintes matérielles négatives sont des rappels à la réalité des besoins immédiats. Ces enfants vivant dans des conditions sociales précaires sont préoccupés par la nécessité de travailler rapidement pour soutenir la famille. La difficulté de ces élèves à prendre prise sur l’avenir ne leur permet pas de percevoir les profits symboliques et économiques d’un investissement scolaire immédiat. De plus, les enfants ont parfois de la peine à conférer un sens aux savoirs scolaires. Cette difficulté est d’autant plus marquée chez les élèves qui n’ont pas de référence familiale leur permettant de répondre à la question « à quoi ça sert l’école? ». Les savoirs construits n’ont du sens que dans une finalité lointaine bien souvent insaisissable pour les jeunes écoliers et leur famille. Il faut accepter de remettre à plus tard l’effort fourni, dans une sorte d’épargne cognitive (Millet & Thin, 2005). Coslin (2003) explique également que certains élèves ne perçoivent pas le sens d’aller à l’école car

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