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Les dimensions familiales du décrochage : présentation des résultats

Chapitre 4 : PRÉSENTATION ET DISCUSSION DES RÉSULTATS

4.2. Dimensions familiales et scolaires intervenants dans le décrochage scolaire

4.2.3. Les dimensions familiales du décrochage : présentation des résultats

Dans cette partie, nous présentons les principaux résultats obtenus par l’analyse des protocoles sous l’angle des dimensions familiales du décrochage scolaire lesquelles, pour rappel, concernent : les caractéristiques familiales, les modalités de collaboration (famille - école), le défaut du contrôle parental, et pour finir, les stratégies de contournement du cadre.

Le tableau 5, comprenant les mots clés résumant les propos des jeunes interviewés, met en évidence ces résultats.

Tableau 5 : Mots clés résumant les propos liés aux dimensions familiales du décrochage scolaire

Caractéristiques de la famille et liens avec le décrochage Fanny (1) :

Katrine (2) :

Nathalie (3) :

Noémie (5) :

Katia (6) :

Delphine (7) :

Famille nucléaire, 4 membres : père, mère et petit frère ; déracinement ; violence du père ; écoute de la mère

Famille recomposée, 4 membres, puis 3 : mère, beau-père et demi-frère (décède) ; mauvaise image du père ; manque d’espace ; manque d’attention

Famille nucléaire, origine Inde, 5 membres, puis 4 : mère, père (décède) et 2 sœurs ; profession mère : coordinatrice de maman de jour, et du père : voirie

Famille recomposée, origine Suisse et Portugal, 4 membres : mère, beau-père et demi-sœur (1an ½). Côté paternel : famille recomposée vivant au Portugal, 4 membres : père, belle-mère, demi-frère et demi-sœur. Profession mère : CFC esthéticienne, (n’a pas terminé sa scolarité primaire) ; relations difficiles avec le beau-père va vivre chez sa grand-mère.

Famille recomposée, origine Afrique centrale, 6 membres : mère, beau-père, 2 demi-frères et une demi-sœur ; Arrivée en Suisse à 16 ans (jusque-là, séparée de sa mère) ; déracinement

Famille monoparentale, 3 membres : mère et sœur ainée ; Côté paternel : famille recomposée, 4 membres : père, belle-mère, demi frère et demi-sœur ; Profession mère :

Nils (8) :

éducatrice du jeune enfant ; absence du père ; fragilité de la mère ; rapport fusionnel avec la mère ; relations difficiles avec la sœur ; souffrance

Famille recomposée, 4 membres : mère, beau-père et un demi-frère ; Origine père : Caraïbes ; Bonnes relations avec le beau-père, mais il ne s’implique pas dans son éducation ; figure paternelle absente ; contestation de l’autorité parentale

Famille nucléaire, origine Portugal, 3 membres : père et mère ; mère dépressive et difficultés d’intégration ; sévérité des parents ; contestation de l’autorité parentale ; assume le rôle du père

Famille monoparentale, origine Afrique de l’ouest, 2 membres : mère. Côté du père (absent) : un demi-frère ; arrivé en CH à 15 ans (jusque-là séparé de sa mère) ; déracinement ; conflit avec la mère

Famille monoparentale, origine Portugal, 3 membres : mère et frère cadet

Famille recomposée, 4 membres : père, belle-mère et une demi-sœur. Absence de la mère ; rapport difficile avec la belle-mère

Famille monoparentale, origine Espagne et Italie, 2 membres : mère. Puis décès de la mère, donc va vivre chez son père (3 membres : père et frère ainé) ; violence du frère Famille monoparentale, origine Kosovo (père) et Tunisie (mère), 2 membres : mère ; absence du père. Profession mère : AI (garde du corps)

Famille monoparentale, 5 membres : mère et 3 frères (1 grand et 2 plus jeunes), puis décès du frère ainé ; mère “débordée“

Famille nucléaire, 4 membres : père, mère et sœur ainée ; Profession père : postier ; proche de la grand-mère (« seconde maman ») ; décès de la grand-mère ; souffrance

Modalités de collaboration, rapport des parents envers l’école Fanny (1) :

Incompréhension des parents face à l’attitude de leur fille Défaut de prise de contact avec l’école

Manque d’implication des parents

Manque d’implication des parents ; méconnaissance des parents du système scolaire en Suisse

Conflit mère-enseignant Conflit mère-enseignant Implication des parents

Désaccord de la mère avec l’enseignant ; besoin de réussite Désaccord de la mère avec l’enseignant

Naïveté des parents (faire comme si tout allait bien) Besoin d’attirer l’attention des parents ; carence affective Mère fragile ; tutelle

Manque d’autorité de la mère

Parents sévères ; sanctions ; inversion des rôles Relâchement du cadre (à l’adolescence)

Patricia (12) : Quintilla (13) : Némo (15) :

Non acceptation de l’autorité de la belle-mère

Engagement de la mère ; relâchement du père (après le décès de la mère) Relâchement de la mère

Stratégie de contournement du contrôle parental Fanny (1) :

Katrine (2) : Nils (8) : Steve (9) : Deborah (11) :

Brûler les communications de l’école Intercepter le courrier

Feinte

Abus de faiblesse

Ne pas donner les communications

Sur les quinze jeunes interviewés, seuls trois (1, 9, 16) vivent au sein d’une famille nucléaire, alors que les douze autres vivent dans des familles monoparentales (7, 10, 13, 14, 15) ou recomposées (2, 5, 6, 8, 12). Les relations entretenues avec les beaux-parents sont souvent décrites comme étant conflictuelles (jeunes 2, 5, 12). Par rapport aux relations avec les parents biologiques, quatre jeunes (2, 5, 6 et 7) ont peu de relations avec un des deux parents, essentiellement avec le père et trois jeunes (10, 12 et 14) n’ont pas du tout de relations avec le père et le jeune 12 avec la mère. Pour les jeunes 8, 11 et 15 nous n’avons pas d’informations car les jeunes ne nous en ont pas parlé. Deux jeunes (3 et 13) ont perdu un parent et deux autres (jeunes 2 et 15) ont perdu un frère et le jeune 16 sa grand-mère. On remarque une grande souffrance des jeunes par rapport aux absences de ces personnes.

Deux jeunes africains (jeunes 6 et 10) sont arrivés en Suisse pour retrouver des membres de leur famille à l’âge de 15 et 16 ans et une jeune fille (1) est arrivée du Portugal à l’âge de 8 ans.

Par rapport à la fratrie, les jeunes ont parfois un frère et/ou une sœur, et aussi des demi-frères et/ou demi-sœurs plus jeunes. Le nombre de membres vivant sous le même toit fluctue entre 2 et 6 membres. Les jeunes issus de familles recomposées ont généralement un écart significatif d’âge avec leurs demi-frères et sœurs. Les rapports entre frères et sœurs ont été peu abordés, pourtant deux jeunes filles (3 et 7) racontent avoir entretenus des relations difficiles avec leurs grandes sœurs, relations qui se sont arrangées avec le temps, cinq jeunes (3, 6, 14, 15 et 16) n’ont quasiment pas développé les relations au sein la fratrie. En ce qui concerne les relations avec les membres de la famille, trois jeunes (jeunes 2, 5 et 12) expliquent rencontrer des relations difficiles avec leur beau-père ou leur belle-mère et deux jeunes filles (jeunes 1 et 13) racontent avoir subi des violences physiques par un membre de leur famille, le père et respectivement le frère. Pour cette raison, elles ont été placées en foyer. Comme déjà exposé plus haut, plusieurs jeunes ont effectué des séjours en foyer (1, 2, 7, 9, 13, 14) ou dans des

établissements de détention pour mineurs (2, 9 et 10) ou ont été hospitalisés (2, 7 et 16).Cela en raison de situations conflictuelles, de relations difficiles ou d’un défaut du cadre parental.

Un jeune (jeune 10) raconte que sa mère a décidé de l’envoyer dans un établissement de détention pour mineurs, car elle ne savait plus quoi faire face aux conduites de plus en plus déviantes qu’il adoptait. Cinq jeunes (jeunes 5, 8, 11, 14 et 15) rapportent un certain manque d’autorité parentale (surtout de la figure paternelle) et encore plus durant la période du cycle d’orientation. Ces mères sont dépassées par les actes et les comportements de leur enfant en dehors du contexte familial (absentéisme, insolence, difficultés scolaires).

Les activités professionnelles des parents ont été peu mentionnées, toutefois nous avons recueilli quelques professions : postier, employé de voirie, coordinatrice de maman de jour, éducatrice de la petite enfance, vendeuse, garde du corps et esthéticienne. Certains parents bénéficient d’une rente d’assurance invalidité et d’autres ne travaillent pas. On ne connaît pas le niveau de scolarité des parents. Néanmoins nous savons des propos recueillis que deux mères se comportaient de la même façon que leur fille (jeunes 5 et 11) à l’école. Par ailleurs, les parents n’ayant pas suivi leur scolarité en Suisse ont peu de connaissance sur le fonctionnement de l’école.

Par rapport à la collaboration entre la famille et l’école, deux jeunes (7 et 11) se réfèrent à des désaccords vis-à-vis d’une décision institutionnelle durant l’école primaire menant à des relations difficiles entre la mère et l’enseignant. Au cycle d’orientation, la collaboration entre les parents et les enseignants tend à diminuer voire à disparaître selon les établissements.

En ce qui concerne le contrôle parental, nous constatons principalement une absence du cadre (jeunes 1, 5, 7, et 12) ou une imposition par la violence (jeunes 1 et 9). Plusieurs cas isolés sont ressortis. Dans le cas du jeune 1, ces violences ont fait perdre la garde aux parents. Le jeune 13 raconte que, suite au décès de la mère, son père n’osait pas réagir face à son attitude.

Le jeune 7 a été mis sous tutelle sur demande de sa mère lorsque celle-ci a commencé à souffrir d’une importante dépression (suite à la séparation avec le père). Le jeune 2 évoque un manque d’attention et de compréhension de la part de ses parents, aspect qui l’aurait amené à se comporter d’une telle manière. La jeune adulte 12 entretient des rapports très difficiles avec sa belle-mère à qui elle refuse d’obéir. Dans le cas du jeune 9, on assiste à un renversement du cadre parental. A 9 ans, il doit s’occuper de sa mère malade, alors que son père est absent. Ou encore, les jeunes 8 et 15 expliquent que leurs mères étaient dépassées par

les situations et les événements ; de plus, le jeune 8 avoue qu’au cycle, il ne reconnaît plus sa mère en tant qu’autorité.

Il ressort de nos résultats différentes stratégies de contournement du cadre qui correspondent aux ruses adoptées par nos jeunes pour éviter que la famille soit informée des comportements perturbateurs et des difficultés à l’école. Certains jeunes (1, 2 et 11) interceptaient le courrier ou ne donnaient pas les communications de l’école aux parents ou les brûlait. D’autres (jeunes 8 et 9) faisaient croire à leurs parents qu’ils se rendaient à l’école tous les matins en sortant de bonne heure. Le jeune 9, attendait le départ du père, réveillait sa mère qui ne parlait pas bien le français pour lui faire signer sa quinzaine.