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Les retouches apportées aux articles du Code civil en matière d’autorité parentale

Chapitre II. Le caractère commun de l’autorité dans la famille de 1804 à

Section 2. La substitution de l’autorité parentale à l’ancienne notion de puissance paternelle de la mère

B. Les retouches apportées aux articles du Code civil en matière d’autorité parentale

L’autorité parentale, institution d’ordre public, consacre la place nouvelle de la mère dans la famille légitime. Le père et la mère disposent chacun d’un droit au gouvernement de l’enfant, égal, conjoint et concurrent. Michel Brazier, dans son étude sur l’autorité parentale révèle que « Le caractère altruiste de l’autorité confiée

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Texte cité par le Garde des sceaux, J.O. débats Ass. Nat. 9 avril 1970. p.850.

307 Pierre Blondy, Georges Morin, Michel Morin, Jean Carbonnier, « La réforme de l’administration légale, de la tutelle et de l’émancipation », Répertoire du Notariat Defrénois, 1966, p. 10 : « Cette autorité conjointe correspond à la conception que les jeunes ont aujourd’hui du mariage et de l’éducation de leurs enfants. Ils considèrent leur vie conjugale comme une œuvre commune ou l’éducation des enfants résulte d’une action concertée et d’une responsabilité partagée. Loin de détruire la famille, une telle conception et sa concrétisation dans un texte paraissent propres à la renforcer. Le Code civil peut, à cet égard, faire œuvre éducative, en incitant les époux à échanger leurs points de vue sur toutes les questions importantes qui se posent à l’intérieur de leur foyer et au sujet de l’éducation de leurs enfants, ainsi qu’à se mettre d’accord, avant de contracter mariage, sur une éthique commune ».

aux parents est désormais conçu comme un complexe de droit et de devoirs destinés à protéger l’enfant308 ».

L’autorité parentale est donc redéfinie dans son contenu et dans son exercice. En ce qui concerne son contenu, elle apporte surtout des précisions qui faisaient défaut dans la loi ancienne tout en reprenant la technique propre du Code civil selon laquelle le contenu de l’autorité parentale est divisé formellement avec d’une part l’autorité relativement à la personne de l’enfant et d’autre part l’autorité relativement à ses biens.

Le renouveau des articles du Code

En matière de droits et de devoirs des parents, l’article 371 reste fidèle à l’ancien texte du Code qui énonce un grand principe moral : « L’enfant à tout âge doit honneur et respect à ses père et mère ». Au sein de son alinéa 1er il reprend également

dans son intégralité l’ancien article 372 qui limite dans le temps l’autorité parentale en lui fixant le terme extinctif de la majorité ou de l’émancipation de l’enfant.

Quant à l’article 371-2, il rappelle le principe selon lequel l’autorité appartient aux père et mère et définit la finalité et le contenu de cette autorité tout en précisant qu’elle a pour but de protéger l’enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité. La description de cette finalité montre bien que le pouvoir de domination est remplacé par une réelle fonction de protection.

Cette fonction de protection est également mise en lien avec une véritable égalité que l’article 372 vient promouvoir en ces termes : « Pendant le mariage, les père et mère exercent en commun leur autorité ». De ce fait, la mère est amenée à jouer un rôle sans cesse accru dans la protection de l’enfant d’autant que le législateur la désigne volontiers comme actrice principale de l’autorité familiale.

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La direction de la famille est donc aménagée sur une autre idée que celle d’un partage individualiste, la direction est maintenant collégiale. L’égalité se renforce également d’une manière corrélative aux droits dès lors que les devoirs et les engagements vont être les mêmes pour chacun des époux à l’égard de l’enfant ou à cause de lui.

En effet, l’article 371-2, précise nettement que le père et la mère ont également à l’égard de l’enfant le « droit », mais aussi le « devoir de garde, de surveillance et d’éducation ».

C’est toutefois au sujet de la garde que le texte nouveau apporte quelques changements par rapport au Code civil. En effet, l’ancien article 374 disposait que : « L’enfant ne peut quitter la maison paternelle sans la permission de son père, si ce n’est pour enrôlement volontaire après l’âge de dix-huit ans révolus ». Le nouvel article 371-3 dispose désormais que « L’enfant ne peut sans permission des père et mère, quitter la maison familiale et il ne peut en être retiré que dans les cas de nécessité que détermine la loi ». Ainsi, la permission du père est substituée par celle des père et mère, conséquence logique du fait que l’autorité parentale est exercée désormais par les deux parents dans les textes et non plus seulement dans les faits.

À l’égard de cette prérogative familiale, force est de constater que cette double autorisation a été mise en évidence lors de la discussion du texte à la Commission des lois, qui souhaite que la règle de l’article 371-3 ne soit pas être séparée de celle de l’article 372-2 selon laquelle « à l’égard des tiers de bonne foi, chacun des époux est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant »309.

Enfin, la maison n’est plus paternelle, elle est familiale et c’est une conséquence normale du fait que la résidence de la famille est désormais fixée d’un commun

309 En ce sens, voir le rapport Tisserand, op.cit., p. 22 : « Si l’un des époux conteste l’autorisation donnée par l’autre époux à l’enfant de quitter la maison, il pourra saisir le tribunal qui appréciera le caractère usuel de l’acte ».

accord des époux d’après l’article 215. L’article 215 alinéas 1 et 2 dispose désormais que « les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie. La résidence de la famille est au lieu qu’ils choisissent d’un commun accord ; faute d’accord, au lieu choisi par le mari. Toutefois, si la résidence choisie par le mari présente pour la femme des inconvénients graves, la femme peut être autorisée par le tribunal à avoir une résidence distincte. À l’obligation pour la femme d’habiter avec son mari et à l’obligation pour celui-ci de la recevoir succède une perspective plus égalitaire dans la mesure où les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie ».

Tourtefois, l’idée d’une égalité absolue entre les époux à fait caindre au législetur une mésentente possible qui pourrait se répercuter sur les enfants. De ce fait, il a dû prévoir l’encadrement de l’autorité des parents en cas de désaccord de ces derniers.

L’encadrement de l’autorité en cas de désaccord des parents

D’après l’article 213 du Code civil, les époux doivent assurer en commun la direction morale et matérielle de la famille. Ce nouvel article établit un équilibre dans la famille dans la mesure où la direction morale et matérielle de celle-ci est assurée par les deux époux310. Cette règle conserve le caractère d’une affirmation de principe,

caractère convenant à un article lu traditionnellement lors des mariages et dont Tisserand émet l’avis suivant : « dans un ménage où règne normalement l’entente, la discussion entre époux sur les problèmes essentiels de leur vie de chaque jour aboutit à la transaction nécessaire, gage de cette bonne entente conjugale. Mais il était bon d’écrire et de dire aux jeunes mariés qui se présentent, à l’aube de leur vie, devant

310 Léon Jozeau-Marigné, Rapport fait au nom de la Commission des lois constitutionnelles, 5 mai 1970, p. 5.

l’officier d’état civil, que la femme a acquis désormais l’égalité avec son mari, et qu’il lui appartiendra de rechercher avec lui les conditions d’exercice de ce droit311 ».

Une nouvelle conception du mariage est donc entrée dans les mœurs afin d’établir l’égalité complète des époux dans la direction du ménage. Toutefois, le texte initial du projet selon l’avis exprimé par le Conseil d’État en 1967 va maintenir une certaine prééminence au mari. Puisqu’en cas de désaccord persistant, c’est lui qui devait prendre la décision la plus conforme à l’intérêt du ménage et des enfants.

Cette prudence dans la réforme se justifie une fois de plus par l’idée qu’une égalité absolument complète entre les époux pourrait aboutir, en cas de désaccord, à des immixtions trop fréquentes du juge dans la vie privée des ménages. Cette réserve importante a finalement été exclue de l’article 213312 pour être renvoyée à l’article

372, où elle a ensuite disparu313.

La Commission des lois juge préférable de prévoir le règlement des désaccords dans le texte même de l’article 372 pour conserver à l’article 213 le caractère d’un énoncé de principe qui, lors d’une deuxième délibération, va amender le texte initial en supprimant la prééminence du mari. Si les époux ne parvenaient pas à un accord, l’un ou l’autre pouvait saisir le juge d’instance pour qu’il soit pris la décision la plus conforme à l’intérêt des enfants. C’est cette dernière disposition que retient finalement l’Assemblée nationale314, malgré les très vives critiques qui sont présentées

en séance à l’égard de l’immixtion du juge au sein de la famille qui va être appelé à intervenir fréquemment et à remplir les fonctions de chef de famille.

311 Intervention Tisserand, J. O. débats Ass. Nat., 8 avril 1970. 312

Un amendement de Tisserand, qui fut adopté, avait renvoyé l’examen de cette disposition à l’article 372 qui a pour objet de régler les rapports entre parents et enfants et non pas les rapports entre époux, tandis que l’article 213, lui, ne règle que les rapports entre époux tandis que l’article 213, lui, ne règle que les rapports entre époux (J. O. débats Ass. Nat., 9 avril 1970, p. 852). Au surplus Tisserand avait fait observer que s’il convenait d’apporter une solution aux désaccords entre époux relativement aux enfants, il était utopique de vouloir résoudre les conflits personnels ( Rapport, p. 63).

313 Claude Colombet, « Commentaire de la loi du 4 juin 1970 », op. cit., p. 13. 314

Les dispositions mêmes de la loi pour résoudre les éventuels conflits se veulent être parfaitement égalitaires, et pour cause, l’article 372-1 envisage que : « Si les père et mère ne parvenaient pas à s’accorder sur ce qu’exige l’intérêt de l’enfant, la pratique qu’ils avaient précédemment pu suivre dans des occasions semblables leur tiendrait lieu de règle. À défaut d’une telle pratique ou en cas de contestation sur son existence ou son bien-fondé, l’époux le plus diligent pourra saisir le juge des tutelles qui statuera après avoir tenté de concilier les parties »315. En somme, le législateur a

voulu limiter ou plus exactement « reculer » le plus possible dans ce domaine l’intervention du juge, c’est-à-dire, en définitive de l’État.

Quant au devoir de nourriture et d’entretien, il est fixé par l’article 203 du Code civil et par l’article 385 comme une des charges de la jouissance légale. Garde et surveillance sont ainsi étroitement liées, puisque le droit de garde est généralement défini comme comportant notamment « la direction de la personne de l’enfant, le droit de surveiller sa correspondance, ses relations, de lui interdire tous rapports que les parents jugeraient dangereux ou inopportuns, réserve faite du droit de visite à reconnaitre aux grands-parents, le droit de permettre ou d’interdire la reproduction publique de photographies de l’enfant316, le droit de veiller sur la mémoire de l’enfant

et de régler sa sépulture »317.

Enfin, force est de constater que le législateur de 1970 « n’a pas souhaité modifier l’analyse jurisprudentielle et doctrinale qui faisait depuis longtemps de la garde une obligation autant qu’un droit, puisqu’elle liait à celle-ci la responsabilité résultant pour les parents du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux »318.

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Philippe Malaurie et Hugues Fulchiron, Droit de la famille, op.cit., p. 737. 316

Paris, 13 mars 1965, J.C.P. 1965. II. 14223 ; D. 1965. Somm. 114. 317 Paris, 24 mars 1922, D.1922. 2.108.

318 Claude Colombet, Commentaire de la loi du 4 juin 1970 sur l’autorité parentale, D., 1970, Ch, p. 7, n°3.

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