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La nécessité de maintenir une direction unique afin de prévenir les conflits

Chapitre I. La prédominance du père de famille dans le Code civil

Section 1. Les justifications politiques et sociales de la prédominance de l’autorité du père de famille de Napoléon à

B. La nécessité de maintenir une direction unique afin de prévenir les conflits

Alors que le Code de 1804 rétablit une rigoureuse autorité domestique, celle-ci n’est pas identique à celle de l’Ancien régime. Malgré ses tendances autoritaires, le code fait véritablement œuvre de compromis. Les auteurs qui défendent le principe d’autorité maritale et la soumission de la femme justifient le principe dans la nécessité d’assurer à la famille une direction unique afin de prévenir les conflits familiaux. D’après ces derniers, « le renforcement de la famille n’a dès lors rien de réactionnaire en soi, mais il se trouve que les penseurs qui l’ont exalté ont tous placé l’autorité du mari au-dessus de celle de la femme »421.

Cette pensée peut être illustrée à travers les propos de Louis de Bonald qui a écrit son principal ouvrage en 1796, Théorie du pouvoir politique et religieux dans la société

civile démontrée par le raisonnement et par l’histoire et qui explique lors d’un discours à

l’Assemblée en 1816 que : « Nous marcherons donc vers le but que la France nous indique et que nous nous sommes proposé : la destruction des doctrines révolutionnaires, le rétablissement de la religion, la sûreté du trône, le bonheur de la nation, le bon ordre dans les familles »422.

Mais que signifie pour Bonald « le bon ordre dans les familles » ? C’est la remise en ordre des « hiérarchies naturelles » et la restitution de l’autorité au père de famille :

421 Maïté Albistur, Daniel Armogathe, Histoire du féminisme français, de l’empire napoléonien à nos jours, Paris, Des femmes , 1977, p. 367 : « Il n’est alors pas étonnant que la pensée de Bonald et les idées de Maistre aient été taxées de réactionnaires. En effet, c’est après la Révolution, accusée de s’acharner principalement à détruire la petite lueur d’espoir que l’avènement du régime démocratique a fait naître. Mais en réalité, le courant républicain et le courant légitimiste, parce qu’ils placent l’homme au sommet de la hiérarchie sociale, se rejoignent au moins sur ce point, celui de la domestication légale de la femme. Dans l’un comme dans l’autre, la bourgeoisie au pouvoir va trouver sa caution éthique. Les rédacteurs du Code civil ont certes conseillé aux pères d’écouter la « voix de la nature », mais leur objectif primordial a été de rétablir une puissance paternelle forte, « providence des familles » sur laquelle le gouvernement peut se reposer ».

422 Paul Savy, « Les sources et le sens de l’oeuvre de Bonald », in Œuvres complète de M. Bonald, Aix-en-Provence, Ad. Le Clerc, 1830, I, pp. 74-75.

« La mère de famille participe du pouvoir domestique, dont elle est l’agent nécessaire ou le moyen naturel. Son autorité est non égale, mais semblable à celle de son époux, et lui est subordonnée ; elle est inamovible, parce que le bien conjugal est

indissoluble»423. Dès lors, c’est profondément choqué de l’ascendant que les femmes

ont pris dans la société depuis le XVIe siècle, il voit là une des causes de la décadence

de l’État424.

Pour Joseph de Maistre, la Révolution a confirmé le retour de Satan sur la terre et les sociétés démocratiques « veulent effacer la marque du péché originel, mais tôt ou tard, elles doivent expier »425. Sa philosophie s’ouvre à une théorie du

sacrifice. Lorsqu’une société ou un régime méconnait l’ordre naturel des choses, l’ordre théocratique est perdu. C’est la raison pour laquelle Maistre appelle de ses vœux le retour de la monarchie. La consolidation de la famille constitue un des thèmes majeurs de la pensée Maistrienne : « Parmi nous, l’autorité paternelle est à peu près ce qu’elle était chez les Romains…Les fils de famille vivent paisiblement sous le joug salutaire qui les assujettit. La naissance de la liberté ne précède pas chez eux celle de la raison… Les mariages se font sur la bonne foi des pères et l’union intérieure des familles forme le plus beau côté du caractère national (…) La paix, la tranquillité, l’utile monotonie des usages, l’honnête médiocrité, la douce obscurité et l’habitude de respecter toujours les mêmes choses, voilà votre lot »426.

Face à ces derniers principes exposés, il est aisé de comprendre que la question du mari en plus de celle du père, car donner l’autorité à l’un des deux parents, c’est lui donner toute l’autorité qu’elle soit maritale ou paternelle. A cette époque, l’autorité ne

423 Louis de Bonald, Œuvre complète de Bonald, volume 1, Paris, Société nationale, 1845, p. 398.

424

Maïté Albistur, Daniel Armogathe, Histoire du féminisme français, de l’empire napoléonien à nos jours, Paris, Des femmes , 1977, p. 243.

425 Ibid., p. 366 : « Plus tourmenté est le génie de Joseph de Maistre, ce franc-maçon, ambassadeur du roi d’Italie en Russie est l’auteur de deux ouvrages importants : Du Pape (1819) et les Soirées de Saint-Petersbourg (publié en 1891). Il est avec Bonald l’un des doctrinaires politiques de la Restauration les plus influents ».

426 Robert Triomphe, Joseph de Maistre : étude sur la vie et sur la doctrine d’un matérialiste mystique, Paris, Librairie Droz, 1938, p. 4.

se partage pas entre parents, mais on ne distingue pas entre l’autorité paternelle et l’autorité maritale.

Ainsi, la mère est « dominée légalement par un mari à la fois protecteur et chef de famille, la femme ne peut que concourir à la direction du foyer. Son rôle théoriquement ne doit être que celui d’une aide, efficace sans aucun doute, mais soumise aux volontés de son mari. Les initiatives qu’elle peut prendre sont relativement limitées puisque l’autorisation du père se trouve requise dans de très nombreuses hypothèses. S’il doit la consulter avant de prendre une décision, il ne s’agit là que d’une simple possibilité, sans contrôle judiciaire. De toute manière, en cas de désaccord, c’est à lui qu’il appartient de trancher, en raison de la nécessaire unité de direction pédagogique »427.

Un tel autoritarisme ne pouvait aboutir à des résultats tangibles ce qui explique son recul au-delà de 1830 quand les libéraux vont accèder au pouvoir et que la pression féminisne ne cessera de prendre de l’ampleur.

427

§2. La défense des libéraux et les intentions de la IIe République

Avec la Révolution de 1830 s’ouvre une période de plus d’un siècle où la famille ne va cesser de se transformer. Une révolution profonde dans les mœurs et dans les idées entraine une évolution parallèle de la législation familiale à travers notamment le recul de la magistrature paternelle428(A).

Malgré cette lutte engagée contre l’autorité paternelle entre 1848 et 1852, seuls deux projets parlementaires ont été mis en exergue, l’un de gauche et l’autre mais sans qu’aucun des deux ne puissent aboutir429 .

Arrivent alors les prémices du renforcement de cette autorité domestique renforcée sous le Second Empire (B).

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