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La mise en œuvre de la puissance paternelle sous la Révolution

Chapitre I. L’influence des législations antérieures sur la puissance paternelle dans le Code civil

Section 1. L’influence législative de l’Ancien régime et du droit révolutionnaire sur la puissance paternelle de la mère dans le Code

B. La mise en œuvre de la puissance paternelle sous la Révolution

Les lois relatives à l’organisation de la famille, votées par les Assemblées qui se sont succédé depuis le 5 mai 1789 jusqu’au Consulat en 1799 ne sont pas nombreuses mais elles portent cependant des atteintes très graves au principe de l’autorité du chef de famille en détruisant pas à pas les abus relatifs à son autorité sur l’enfant133. La nouvelle législation impose aux parents l’obligation

du travail, afin de pourvoir à la nourriture, à l’entretien et à l’éducation des enfants. Elle va également remettre en question le droit de correction à travers

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Olympe de Gouges, Les droits de la femme. A la Reine, Paris, 1792. 132

Sarmisa Bilcesco, De la condition légale de la mère, thèse de doctorat, droit, Université de Paris, 1890, p. 164 et suiv.

133Nicolas Haillant, L’autorité paternelle dans l’histoire, thèse de doctorat, droit, Université de Nancy, 1873, p. 215.

la mise en place du tribunal de famille et c’est à l’égard de cette situation que Guichard, le député de la sénéchaussée de Beaucaire s’exprime en ces termes: "C’est pour les enfants seuls, pour leur avantage, que cette mesure de force a été conférée non pas au père, mais à la famille ; non pas même à la famille seule mais à la famille et au magistrat, toujours maître de s’opposer à une sévérité exagérée et à une décision qui aurait été dictée par la passion » 134. Il va

également être proclamé l’indépendance du fils de famille parvenu à l’adolescence en ce qui concerne le mariage. Elle va également abolir l’exhérédation en instituant la part légitime ; part sacrée du patrimoine de la famille, à laquelle il est interdit au père de toucher.

Les idées révolutionnaires vont également déterminer de manière nouvelle la majorité de l’enfant et celle de la fin de l’exercice de la puissance paternelle qui sera fixée à vingt et un ans.

Par conséquent, le 28 août 1792, la patria potestas sera définitivement abolie à la suite d’un projet de décret sur les successions comme l’explique Ducastel « que la puissance paternelle n’ait plus aucun effet sur un citoyen qui aura atteint l’âge de 21 ans ».

134 Auguste-Charles Guichard, Traité du Tribunal de Famille, contenant une Instruction détaillée sur la compétence et les fonctions de ce Tribunal, considéré sous ses divers rapports ; suivie d’un Formulaire de tous les actes et procédés d’instruction qui peuvent avoir lieu en ce Tribunal, dans toutes les affaires, Lyon, 1791 : En suivant l’ordre chronologique, un des premiers actes législatifs sur notre matière émane de l’Assemblée constituante. La loi des 16-24 août 1790, statuant sur l’organisation judiciaire qui réglemente le droit de correction. L’Assemblée Nationale formule un droit nouveau de façon à ne plus donner lieu à l’arbitraire. Ainsi le droit de correction, qui appartenait au père seul, passe désormais à la famille réunie, érigée en tribunal et présidée par un magistrat afin de garantir jusqu’à un certain point la liberté de l’enfant. Comme le démontre l’article 15 de cette loi : « Si un père ou une mère, ou un aïeul ou un tuteur, a des sujets de mécontentements très graves sur la conduite d’un enfant ou d’un pupille dont il ne puisse plus réprimer les écarts, il pourra porter sa plainte au tribunal domestique de la famille assemblée, au nombre de huit parents les plus proches ou de six au moins, s’il n’est pas possible d’en réunir un plus grand nombre ; et à défaut de parent, il y sera suppléé par des amis ou des voisins ». Enfin, l’article 16 de la loi précise que : « Le tribunal de famille, après avoir vérifié les sujets de plainte, pourra arrêter que l’enfant, s’il est âgé de moins de 21 ans accomplis, sera renfermé pendant un temps qui ne pourra excéder celui d’une année, dans les cas les plus graves. ».

Le décret est ainsi voté et dorénavant : « Les majeurs ne seront plus soumis à la puissance paternelle. Elle ne s’étendra que sur la personne des mineurs »135.

De ce fait, la loi du 20-25 septembre 1792 fixe la majorité à l’âge de vingt- et-un ans, et abaisse la majorité à vingt-cinq ans136 tout en généralisant pour

toute la France, la disposition qui dans la plupart des Coutumes faisait cesser la puissance paternelle à la majorité 137 : « L’Assemblée nationale décrète que les

majeurs ne sont plus soumis à la puissance paternelle ; elle ne s’étendra plus que sur les personnes des mineurs »138.

Ainsi, pour la première fois, la Révolution a réussi à fixer une majorité civile complète de sorte « qu’au même âge, l’enfant acquiert ainsi l’exercice de ses droits civils, et peut se marier sans le consentement de ses parents et n’est plus soumis à la puissance paternelle ni au pouvoir de répression du tribunal de famille »139.

Enfin, concernant le régime des biens sous cette phase législative, la loi du 28 août 1792, rendue sous l’influence des principes individualistes, dispose que la majorité affranchit le fils de la puissance paternelle. La personne de l’enfant est désormais distincte de celle du père ce qui implique le fait que le fils peut

135 Décret du 28 août 1792, Duvergier, t. IV, p. 440. 136Art. 2 de la section première du titre IV.

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Pierre Murat, « La puissance paternelle et la Révolution française : essai de régénération de l’autorité des pères », in La famille, La loi, L’Etat, de la Révolution au Code civil, textes réunis et présentés par Irène They et Christian Biet, Paris, Imprimerie nationale, Centre Georges- Pompidou, 1989. p. 398 : « C’est alors que Ducastel propose une solution qui va harmoniser les dispositions jusque-là éparses puisque jusqu’ici, des divergences existent encore sur la durée de la puissance paternelle entre les pays coutumiers et les pays de droit écrit : « Vous devez fixer l’âge où l’on sera majeur dans tout l’empire. Quand l’époque de la minorité sera générale, les difficultés disparaitront. Vous pourrez alors dire, le mineur et l’interdit auront besoin d’autorisation, le majeur en sera dispensé. L’unique question est de savoir à quel âge on sera majeur ».

138 Duvergier, op. cit., t. IV, p. 140.

139Pierre Murat, « La puissance paternelle et la Révolution française : essai de régénération de l’autorité des pères », op. cit., p. 398.

acquérir et posséder par lui-même et pour lui-même. Dès lors, le travail personnel est respecté et regardé comme la première et la plus sacrée des propriétés.

Telles sont, en résumé, les dispositions législatives adoptées sous la Révolution qui, malgré certaines contestations de la part des rédacteurs du Code civil auront également une certaine influence sur l’esprit de la législation napoléonnienne.

Section 2. La détermination de solutions transactionnelles opérée

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