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La puissance paternelle de la mère en pays de droit écrit

Chapitre I. L’influence des législations antérieures sur la puissance paternelle dans le Code civil

Section 1. L’influence législative de l’Ancien régime et du droit révolutionnaire sur la puissance paternelle de la mère dans le Code

A. La puissance paternelle de la mère en pays de droit écrit

Dans les pays de droit écrit, la puissance paternelle continue d’être en principe attribuée exclusivement au père. Cette puissance est perpétuelle dans la mesure où le mariage des enfants ne les libérent pas du joug de leur père tant

83 Ludovic Beauchet, Etude sur la condition de la mère en droit romain et en droit français, thèse de doctorat, Droit, Université de Nancy, 1876, p. 119 : « Plus précisément, ce droit trouve sa source dans le droit codifié en Orient sous l’empereur Justinien dans le premier tiers du VIe siècle, compilation dont la connaissance n’avait pu émerger en Occident et se répandre qu’au milieu du XIIe siècle. L’invasion germaine, en renversant l’empire, laisse debout son droit civil. Le droit romain, acclimaté en Gaule, survit à la conquête et subsiste dans les provinces de droit écrit jusqu’à la Révolution ».

84

Prosper Eschbach, De la puissance paternelle selon les principes du droit romain, et du droit civil français, thèse de doctorat, droit, Strasbourg, 1839, p. 2.

85 Edmond Dufour d’Astafort, De la puissance paternelle en droit romain dans l’ancien droit et dans notre droit moderne, thèse de doctorat, droit, Université de Poitiers, 1868, p. 163.

que ce dernier est vivant86. Par conséquent, « le fils de famille qui contracte

mariage, s’il n’est point émancipé, ne peut avoir sur ses enfants cette puissance que son père exerce sur lui »87. Ainsi, la puissance paternelle dure pendant toute

la vie de l’enfant qui y est soumis et s’étend également sur les enfants du fils88,

conséquence du principe sur lequel toute la théorie de cette législation est établie89.

La reconnaissance de l’autorité de la mère de famille

Alors qu’en pays de droit écrit, l’autorité du père reste majeure, une certaine autorité de la mère de famille se retrouve, et ce notamment, dans l’œuvre de l’éducation de ses enfants. En effet, c’est la mère qui, dans la plupart des familles, donne aux enfants leur premier enseignement, en leur apprenant à lire dans les Livres Saints. Les « livres de famille » indiquent souvent la

86

Philippe Auguste Paget, , De la puissance paternelle dans le droit romain et dans le droit français, op. cit. p. 71.

87

Henry Taudière, Traité de la puissance paternelle, Paris, A. Pedone, 1898, p. 61. 88

Paul Delepierre, Histoire de la puissance paternelle, étudiée principalement dans ses effets sur la personne des enfants op. cit., p. 71 : « Cette législation basée sur les principes du dernier état de la législation romaine ne libère point les enfants de famille par le mariage, de sorte qu’elle s’étend sur tous les descendants mâles. Telle est la jurisprudence des Parlement de Toulouse, de Bordeaux, de Provence et de Dauphiné. Toutefois, par un statut particulier à la ville de Bordeaux, le père est présumé émanciper ses enfants, lorsqu’en les mariant, il leur fait quelque donation ou leur constitue une dot. » .

89

Ibid., p. 180 : « Ainsi, excepter les pays de droit écrit du ressort du Parlement de Paris, tels que le Lyonnais, le Forez, le Beaujolais et une partie de l’Auvergne, où les enfants sont émancipés et affranchis de la puissance paternelle par le mariage, ainsi qu’en pays de coutume, le fils de famille n’a point ses propres enfants sous sa puissance, car lui-même se trouve soumis à celle de leur aïeul qui conserve cette puissance sur tous les descendants du côté des mâles, en quelque degré qu’ils soient. Ce dernier peut même émanciper son fils sans émanciper ses petits-enfants, et vice versa; et les petits-enfants, ayant été sous la puissance de l’aïeul qui les a émancipés, ne tombent pas sous celle de leur père, soit qu’ils aient été émancipés avec lui, soit qu’ils l’aient été après, en sorte qu’un fils, qui se marie pendant la vie de son père, ne peut jamais avoir ses enfants en sa puissance, s’il n’a été émancipé avant leur conception ou naissance, si son père, en l’émancipant, s’est réservé la puissance sur eux, ou, enfin, si le père n’est mort sans l’avoir émancipé, lui ou ses enfants. ».

collaboration étroite des deux époux dans l’éducation des enfants et cela dans les pays qui ont pourtant conservé les traditions du droit romain.

Des témoignages renforcent l’idée de participation de la mère à l’autorité dans la famille, tel que celui de Joseph-Louis Abel, négociant à Aix, qui, après avoir inscrit peu avant la Révolution sur son livre de raison la naissance d’un enfant déclarait : « Je demande à Dieu de me conserver cet enfant, si c’est pour sa gloire et pour notre salut. Nous ferons, sa mère et moi, tout notre possible pour l’élever chrétiennement, et tâcherons de lui donner toute l’éducation qui sera en notre pouvoir pour en faire un bon chrétien, et un parfait honnête homme»90. Ou encore Jehan Duranti, conseiller à la Cour des comptes de

Provence , le 15 octobre 1593, qui affirme qu’il entend « récompenser celle qui, depuis son mariage a souffert en tous ses biens et adversités, s’est employée à l’augmentation de sa maison ; se confiant à son intégrité et à l’amour qu’elle porte et portera à ses enfants, il entend qu’elle soit dame, maitresse, administratrice de tout son bien, ainsi qu’elle était de son vivant, que ses enfants la respectent comme s’il était encore en vie»91.

Enfin, en 1743, l’un des proches parents de Stendhal, Jean-Baptiste Beyle, conseiller du roi, juge civil et criminel de la ville de Grenoble, institue pour son héritière sa femme Marie Raby, « à charge de remettre son hérédité à celui de ses enfants qu’elle jugerait à propos »92.

De tels testaments supposent évidemment que, du vivant même de l’époux, la mère de famille détienne déjà un rôle extrêmement actif et même

90

Charles de Ribbe, Les familles et la société en France avant la Révolution, Paris, J. ALbanel, 1873, p. 48.

91 Ibid., p. 94 : Un siècle plus tard, le 6 décembre 1699, Jean-Claude Laugier, bourgeois de Toulon écrit : « Je prie damoiselle Magdeleine Sauvaire, ma femme, de prendre la direction et conduite des affaires de mon héritage, l’instituant tutrice, curatrice et administratrice du dit Jean Laugier, notre fils, de l’élever et l’instruire dans la crainte du Seigneur tout-puissant et dans la droite voie des honnêtes gens.

92 Cité par Paul Ballaguy dans son étude : « Stendhal et son pays. » in La revue universelle, 1924.

majeur dans l’éducation des enfants, à l’image des propos de Fénelon dans son

Traité de l’Éducation des filles :

« C’est la femme qui est chargée de l’éducation des garçons jusqu’à un certain âge, des filles jusqu’à ce qu’elles se marient ou se fassent religieuses; de la conduite des domestiques, de leurs mœurs, de leur service; du détail de la dépense, des moyens de faire tout avec économie et honorablement: d’ordinaire même, de faire les fermes, et de recevoir les revenus »93.

Enfin, la mère participe également à la puissance paternelle déjà en pays de droit écrit puisqu’il était généralement admis que les enfants, avant de se marier, devaient demander l’avis de leur mère94. Cependant, cette autorité reconnue à la

mère sur la personne de l’enfant en pays de droit écrit ne se prolonge pas pour autant à l’égard des biens de l’enfant.

L’exclusion de la mère dans la gestion des biens de l’enfant

Les effets de la puissance paternelle sur les biens de l’enfant, dans les pays de droit écrit sont directement influencé par le droit romain. De ce fait, la mère n’a aucune forme de participation dans la gestion et l’administration des biens de son enfant, ayant elle-même désigné son mari comme procureur général relativement au régime dotal : « Il est constant de reconnaitre que la dot est l’ensemble des biens apportés par la femme au mari, pour lui permettre de soutenir les charges du mariage »95.

A cet égard, Argou rappelle dans les Institutions au droit français, que « dans les pays qui sont régis par le droit écrit on appelle fils de famille, tout enfant, qui

93

François de Fénélon, Traité de l’éducation des femmes, Paris, Techener fils, 1869, p. 17. 94 Arrêts notables du parlement de Toulouse, Catellan, liv. IV. Ch. VIII.

95 Jean-Philippe Agresti, Les régimes matrimoniaux en Provence à la fin de l’Ancien régime, Aix-en- provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2009, p. 177.

est en puissance de son père, quand même il serait majeur. La puissance paternelle produit plusieurs effets. Le premier, est qu’elle donne au père le droit de jouir par usufruit de tous les biens qui appartiennent à ses enfants à quelque titre que ce soit, excepté des biens qu’ils ont acquis à la guerre, au barreau ou au service de l’Église, ce sont les seuls dont les fils de famille puissent disposer par testament »96.

Enfin, il est également important de souligner qu’en pays de droit écrit, contrairement aux pays de droit coutumier, l’autorité maritale n’est pas reconnue à l’égard de l’épouse.

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