• Aucun résultat trouvé

Les principes régissant les attributs de la puissance paternelle de la mère dans le Code civil

Chapitre II. Le caractère commun de l’autorité dans la famille de 1804 à

Section 1. Le caractère commun de la puissance paternelle de la mère dans le Code civil

B. Les principes régissant les attributs de la puissance paternelle de la mère dans le Code civil

« La puissance paternelle se présente comme l’ensemble des droits que la loi accorde aux père et mère sur la personne et sur les biens de leurs enfants, tant qu’ils sont mineurs et non émancipés, pour faciliter l’accomplissement des devoirs d’entretien et d’éducation dont ils sont tenus »208.

Les attributs de cette puissance sont des moyens d’action mis au service de devoirs que le Code impose ou indique aux parents, et qui ont tous pour but la protection, l’éducation et la direction de l’enfant et dont les dispositions ne se limitent pas au Titre IX. En effet, la puissance paternelle de la mère ressort également à travers grand nombre d’articles épars, empruntés à différents titres du Code puisqu’un certain nombre d’attributs traditionnellement attachés à la magistrature domestique apparaissent en divers endroits du Code, ce qui sera fait à travers le développement de la seconde partie qui a trait à l’exercice de la puissance paternelle de la mère.

207

Pierre-Antoine Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, op. cit., p. 160. Exposé des motifs fait par Portalis, orateur du Gouvernement, lors de la séance du Corps législatif du 16 ventôse an XI soit le 10 mars 1803.

208 Ambroise Victor, Charles Colin, Julliot de la Morandière, Henri Capitant, Cours élémentaire de droit civil français, Dalloz, 1931, p. 455.

L’autorité domestique de la mère imposée par l’article 203 du Code civil

Article 203 du Code civil : « Les époux contractent ensemble par le fait seul du mariage, l’obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants. »

Cet article 203, bien que ne se trouvant pas au titre de la puissance paternelle, mérite une attention particulière puisqu’il est en étroite corrélation avec les articles du Titre IX du Code. En effet, c’est à travers l’article 203 que sont établis de véritables devoirs communs que devront remplir les père et mère vis-à-vis de leurs enfants. Ces devoirs ont pour objet l’éducation de leurs enfants, ce qui comprend la nourriture et l’entretien, et l’éducation intellectuelle et morale209.

A travers cet article, la mère a, pendant le mariage, les mêmes obligations que le père de nourrir, entretenir et élever ses enfants. Il faut savoir que l’obligation de nourrir et d’entretenir comprend tout ce qui est nécessaire à la vie matérielle ainsi qu’au développement moral et intellectuel de l’enfant comme l’exprime Portalis : « Les aliments et l’entretien ont pour objet de la conservation et le bien-être de la personne ; l’éducation se rapporte à son avantage moral »210.

Il semblerait cependant paradoxal que l’article 203 insinue que cette obligation ne pèse que sur les parents légitimement mariés, or, le devoir d’éducation découle de la filiation comme le soulignait déjà, en 1607, Antoine Loisel : « Qui fait l’enfant doit le nourrir »211. Cette règle n’est finalement que le résultat d’un principe de morale

naturelle qui attribue autant de pouvoir au père qu’à la mère.

En effet, l’obligation de « nourrir et entretenir » semble revenir à la mère tout comme au père, lorsqu’il s’agit de pourvoir aux besoins de l’enfant. De toute évidence, pendant les premières, il s’agit surtout de ces soins journaliers que seule la

209Charles Beudant, Cours de droit civil français, Paris, Rousseau, 1936, p. 46. 210

Jean-Guillaume Locré, Esprit du Code Napoléon, tiré de la discussion ou conférence historique, analytique et raisonnée du projet de Code civil, des observations des tribunaux, des procès-verbaux du Conseil d’Etat, des observations du Tribunal, des exposés de motifs, des rapports et discours, t. IV, p. 158.

211

mère peut donner à l’enfant. Par conséquent, la législation, avant de reconnaitre les droits de la puissance paternelle, s’ occupe d’abord d’assurer la vie même de l’enfant. Plus tard, lorsque l’enfant grandit, « l’obligation de l’article 203 prend peu à peu de nouveaux caractères. Elle devient à la fois plus complexe et plus difficile à sanctionner. Quand l’enfant grandit, elle ne comprend plus seulement le strict nécessaire, elle s’étend à toutes les dépenses qui peuvent contribuer au bien-être matériel et au développement moral de l’enfant. Les parents sont alors maîtres d’en apprécier la forme et l’étendue, leur droit de choisir naît de l’extension même de leurs devoirs »212.

Ainsi, de ce principe résulte une autre conséquence louable pour la mère. Puisque le devoir est commun, les moyens de l’accomplir doivent l’être de même et c’est ce qu’a fait la loi en soumettant l’enfant à l’autorité de ses parents jusqu’au jour de sa majorité ou de son émancipation. De là, les articles 371 et 372, sont unis à l’article 203 par une étroite corrélation.

Le devoir de respect et d’obéissance envers la mère imposé par l’article 371

En tête du titre de la puissance paternelle, est instituée la reconnaissance formelle du devoir qu’ont les enfants de respecter leur père et leur mère, pendant toute leur vie aux termes de l’article 371213 : « L’enfant, à tout âge doit honneur et

respect à ses père et mère ».

Dans le premier article que le Code édicte sur la puissance paternelle, le législateur s’inspire du précepte du Deutéronome : « Honora patrem tuum et matrem tuam, ut

212

Edwige Rude-Antoine, « L’obligation d’entretien des parents à l’égard de leur enfant majeur : Le contentieux civil et le contrôle des comportements familiaux par le juge », in

Éthique et Famille, L’Harmattan, 2011, pp. 73-102.

213 Françoise Dekeuwer-Defossez et Christine Choain, L’autorité parentale en question, Presses universitaires septentrion, Paris, 2003, p. 85.

sis longaevus super terram quam Dominus Deus datarus est tibi » qui signifie : « Honore ton

père et ta mère afin de vivre longtemps sur la terre que le Seigneur Dieu doit te

donner214 ». Tout comme dans le Deudétonome, ces paroles contiennent une obligation,

celle d’honorer ses père et mère. Cette obligation est réciproque ; c’est-à-dire qu’elle impose aux enfants certains devoirs à l’égard de leurs parents, et aux parents certains devoirs à l’égard de leurs enfants. Lorsque le législateur place cet article en tête du titre IX de la puissance paternelle, cela signifie qu’il veut en faire, pour ainsi dire, la base de l’édifice qu’il va élever, en plaçant cet article en « frontispice » comme base de toutes ses dispositions sur cette matière.

Par conséquent, les enfants pourront honorer leurs parents à travers le consentement au mariage215 ou encore l’obligation imposée aux enfants qui veulent

se donner en adoption, de demander le consentement de leurs père et mère216 et

enfin d’obtenir le consentement des parents pour le fils mineur qui veut entrer dans les ordres sacrés, et pour la fille mineure qui veut prononcer ses vœux217.

Cependant, de nombreux auteurs se sont interrogés sur la portée de la maxime écrite dans l’article 371218. Certains d’entre eux n’ont vu dans cet article

qu’une valeur morale, dépourvue de toute portée juridique. D’autres ont pensé que quoique cet article ne contienne pas de dispositions législatives, il indique parfaitement les devoirs qui sont imposés aux enfants. Afin de comprendre au mieux la teneur de cet article il faut une nouvelle fois s’immerger dans la discussion qui a eu lieu au Conseil d’État.

214

L’enseignement catholique, journal des prédicateurs, Paris, Cassette, 1856, p. 643 : Le quatrième commandement dans le livre du Deutéronome chapitre 5, verset 16.

215 Article 148, 149, 150. 216 Article 346.

217

Décret du 18 février 1809, article 7. – Décret du 28 février 1810, article 4. 218

Jean-Guillaume Locré, Esprit du Code Napoléon, tiré de la discussion ou conférence historique, analytique et raisonnée du projet de Code civil, des observations des tribunaux, des procès-verbaux du Conseil d’Etat, des observations du Tribunal, des exposés de motifs, des rapports et discours t. 7, p. 67, et le discours d’Albisson Locré, t. 7, p. 84.

En effet, c’est en ce lieu et place que Bérenger, le président du Tribunat, exprime le désir que cet article, qui ne contient aucune disposition législative, soit retranché du projet. Boulay répond alors qu’il est utile de placer à la tête du titre les devoirs qu’impose la qualité de fils alors que l’orateur du Tribunat Albisson, en présentant au Corps législatif le vœu d’adoption, s’exprime alors ainsi « Au sortir de la tourmente qui a tant bouleversé de têtes, tant menacé d’une subversion totale toute idée de subordination et de révérence filiale, ce précepte devait précéder des dispositions toutes relatives à une autorité temporaire, pour rappeler sans cesse aux enfants que, si la loi les affranchit, à des époques fixes de leur âge, de l’autorité de leurs parents, il n’est point de moment de leur vie, point de circonstance, point de situation où ils ne leur doivent honneur et respect »219.

C’est également en ce sens que Bigot-Préameneu affirme que cet article 371 « contient le principe dont les autres ne font que développer et fixer les conséquences et que, d’ailleurs, en beaucoup d’occasions, il deviendra un point

d’appui pour les juges »220. De même, Vesin, dans son rapport au Tribunat précise

que « Quoique cet article ne contienne pas, à proprement parler, de disposition législative, et que, sous ce rapport, dans la discussion au Conseil d’État, il ait été proposé de le rejeter, on a observé avec raison qu’il contenait le principe dont les autres ne font que développer les conséquences, et qu’il doit aussi devenir un point d’appui pour les juges »221.

L’affirmation de l’autorité commune à travers l’article 372

Aux termes de l’article 372, l’enfant reste « sous l’autorité de ses pères et mère jusqu’à sa majorité ou son émancipation ».

219 Jean-Guillaume Locré, Esprit du Code Napoléon, op. cit., t. 7, p. 84.

220

Ibid., p. 28. 221

C’est ainsi que les droits de la mère apparaissent pour la première fois dans le Code civil qui investit communément les parents de la puissance paternelle. La puissance paternelle ou l’autorité est ainsi déférée par le Code à la mère légitime, ce qui n’est pas sans rappeler l’idée de la législation coutumière comme le souligne Réal : « Parce que nos mœurs ne privent pas les mères des droits que la nature leur donne sur leurs enfants»222 ; « Le législateur a dû établir un droit égal là où la

nature avait établi une égalité de peines, de soins et d’affections ; il répare, par cette position, l’injustice de plusieurs siècles ; il fait, pour ainsi dire, entrer pour la première fois la mère dans la famille, et la rétablit dans les droits imprescriptibles qu’elle tenait de la nature ; droits sacrés, trop méprisés par les législations anciennes, reconnus, accueillis par quelques-unes de nos coutumes, et notamment par celle de Paris, mais qui, effacés dans nos codes, auraient dû se retrouver écrits en caractères ineffaçables dans le cœur de tous les enfants bien nés »223.

Toutefois, cette puissance paternelle commune octroyée au père et à la mère dans les articles 371 et 372 du Code civil semble nuancée dès lors que ses droits sont à certains égards, moins étendus que ceux du père en raison de l’article 373 du Code civil qui investit seul le père de cette autorité durant le mariage. Dès lors, cela parait assez paradoxal que la qualité d’épouse puisse faire perdre à la mère des droits précédemment octroyés.

§2. Une dérogation apportée aux droits de la mère en vertu de l’article 373

Article 373 du Code civil : « Le père seul exerce cette autorité pendant le mariage ».

222 Pierre-Antoine Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, op. cit., p. 481. 223

À en croire les termes de cet article, lorsque l’épouse devient mère, celle-ci n’a en présence du père, aucun droit sur ses enfants. Or, une telle formulation indique dans quel sens, il faut entendre les termes de l’article 373.

Marcel Rougé de Chalonge, dans sa thèse consacrée en 1874 à la participation de la mère à la puissance paternelle s’interroge légitimement sur ce que devient le droit reconnu à la mère après la lecture de l’article 373 et se demande ainsi « Si elle ne lui est conférée que pour l’honneur des principes, et si l’article 372, durant la vie du père, n’est pas comme l’article 371 qu’un précepte de morale dépourvu de sanction ? Nullement ! »224 affirme-t-il.

À cet égard, cette thèse n’aurait nulle raison d’exister si une telle idée était exacte. En effet, il ne faut pas croire que la rédaction de l’article 373 annihile totalement l’article 372. Il ne faut pas imaginer que la mère ne dispose que de la jouissance du droit et qu’elle n’en a jamais l’exercice. L’article 372 qui soumet l’enfant à l’autorité commune du père et de la mère n’est pas abrogé par l’article 373.

En effet, l’idée d’attribution exclusive au père de la puissance paternelle ne rassemble pas tous les droits de la puissance paternelle puisqu’elle n’a trait qu’au droit de direction et d’éducation entrainant comme conséquence, le droit de garde, le droit de correction en vertu de l’article 373 (A), on retrouve également le droit d’usufruit légal et d’administration légale traités dans le titre « De la tutelle » à l’article 389. Ces divers attributs forment la puissance paternelle dite stricto sensu comme évoqué précédemment (B).

Enfin, ces développements concernant l’exclusion de la mère ne traitent que de la situation ou le père est présent et tout à fait apte à exercer cette puissance paternelle. En effet, il faut comprendre que les droits des père et mère sont égaux, et que toutes les fois que, par une circonstance quelconque, la présence du père ne fait

224 André-Lucien Haas, Les droits de la mère, thèse de doctorat, droit, Université de Paris, Arthur Rousseau, 1902, p. 57.

plus obstacle à l’exercice par la mère de l’autorité paternelle, la mère exerce cette autorité avec la plénitude des pouvoirs qui sont donnés au père, à moins toutefois de trouver un texte formel qui en dispose autrement. Or, afin de ne pas effectuer de répétition dans la seconde partie, ne seront envisager ici que les situations où le père est apte à exercer cette puissance, excluant la mère de certains droits de puissance. La seconde partie quant à elle fera ressortir les cas où le père ne peut plus exercer ces droits et que la mère reprend la plénitude de l’exercice de la puissance paternelle.

A. L’exclusion de la mère en matière de droit de garde, d’éducation et de

Documents relatifs