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Les lendemains législatifs de mai 1968 favorables aux droits de la mère

Chapitre II. Le caractère commun de l’autorité dans la famille de 1804 à

Section 2. La substitution de l’autorité parentale à l’ancienne notion de puissance paternelle de la mère

A. Les lendemains législatifs de mai 1968 favorables aux droits de la mère

Si les lendemains de mai 68 sont si favorables à la mère, il faut également constater que si les époux ont désormais à l’égard des enfants la même fonction, les mêmes droits et les mêmes devoirs, c’est que la motivation dans les choix qui conduisent au mariage a changé297.

Une mutation législative de forme à travers le passage d’une puissance à une autorité

Cette nouvelle conquête en matière de droit de la femme, et de la mère plus particulièrement, est le reflet de l’aboutissement d’une lente évolution. En effet, le législateur français va progressivement tenir compte des enseignements du droit

297 Rapport n°1032 de Tisserand fait au nom de la Commission des lois n°858 relatif à l’autorité parentale et portant réforme de différentes dispositions du Code civil concernant le droit de la famille, déposé le 2 avril 1970, p. 8. : La situation est finement exposée par le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale : « Il semble bien que les motivations du mariage ne soient plus pour les jeunes époux les mêmes que celles qui présidaient au choix des générations passées ; il y a peu de temps encore, la jeune fille qui choisissait la voie du mariage avait souvent, pour ne pas dire presque toujours, le désir de trouver une protection lui permettant de fonder une communauté et d’éduquer ses enfants. L’accès d’un plus grand nombre de jeunes filles chaque année à la vie professionnelle, l’indépendance donnée à chacun des époux par le revenu tiré d’un travail effectué par le couple doit avoir pour corollaire un choix nouveau qui consiste dans une association dises efforts en vue de la réalisation d’une société familiale où chacun apporte, avec son travail et son affection, la possibilité de contribuer matériellement et moralement aux responsabilités du ménage et des choix importants pour l’éducation des enfants. En résumé, la femme, par son travail et par une connaissance plus étendue des choses de la vie due au moyen d’informations modernes, a acquis l’égalité financière et d’information avec l’homme ; dès lors, il serait illogique et sans doute dangereux de maintenir la notion de protection comme motivation du mariage ; il convient de lui substituer la notion d’association ».

comparé « alors même que la France est l’un des derniers pays d’Europe occidentale à poser ce principe, déjà connu de la plupart de nos voisins »298.

La France va à son tour introduire cette égalité dans son droit positif. Une évolution en corrélation avec l’évolution des structures familiales françaises, nécessaire pour aligner le droit aux faits. L’analyse des travaux préparatoires, notamment celle de l’exposé des motifs, montre que l’intention particulière du législateur, en modifiant le titre IX du livre I du Code civil, correspond à des motifs qui sont à la fois de fond et de forme.

Quant au fond, le but spécial et principal de la loi reste l’aménagement de l’exercice de l’autorité parentale et de rendre effectif ce qui n’étaient jusqu’alors que des droits virtuels de la mère, et ainsi de mettre sur un pied d’égalité l’homme et la femme. Quant à la forme, il s’agit de mettre fin à une règlementation assez éparse. Il est cependant évident que la modification essentielle qu’impose l’évolution est le remplacement de la puissance paternelle par l’autorité parentale.

Ce n’est dès lors plus une puissance mais une autorité, le changement de mot traduit un changement d’esprit. En effet, le mot puissance fait inévitablement penser à la potestas romaine qui s’apparente à un pouvoir de domination alors que le mot autorité renvoie à l’idée de droits et de devoirs, ce qui « est également dénommé une fonction pour qualifier tout ce qui n’est pas droit pur ou obligation

298

Jean Maury, « De la puissance paternelle à l’autorité parentale, loi n°70-459 du 4 juin 1970 », Annales de la faculté de droit de l’université de Clermont, op. cit., p.170 : « À titre d’exemple, en Allemagne fédérale, le Code civil prévoit une légère prééminence paternelle, mais la Cour constitutionnelle ayant déclaré ce texte contraire au principe de l’égalité des sexes, une complète égalité du père et de la mère a été finalement réalisée par la loi du 18 juin 1958 qui a établi l’égalité entre époux et la loi Belge du 8 avril 1965 sur la protection de la jeunesse ont retenu son attention. En Italie, le projet de réforme du droit de la famille, présenté en 1967, prévoit également l’élimination de tout ce qui, dans la formulation employée, pourrait faire songer à une quelconque supériorité du mari sur la femme dans la famille ».

pure, destinés à protéger l’intérêt de l’enfant »299. On observe là une évolution

sociétale qui fait désormais prévaloir l'intérêt de l'enfant sur la défense des droits des pères.

D’autre part, cette autorité n’est plus paternelle, elle est parentale et la prérogative n’appartient plus exclusivement au père, elle sera exercée de concert par les deux parents. C’est là, l’option fondamentale du nouveau texte : « La notion d’autorité a des connotations différentes de celle de la puissance ; sérénité, dignité, fermeté sans violence, intégrité, impartialité, bienfait, bienfaisance et pas seulement force300 ». Le Rapport Tisserand ajoute d’aileurs qu’il était choquant que

« la France, qui inscrivit avant tout autre la notion d’égalité dans ses principes généraux du droit, ne soit pas parmi les premières à établir cette égalité essentielle entre les citoyens de sexe différent301.

Ainsi, la loi du 4 juin 1970 a permis une meilleure définition de la fonction d’autorité axée sur un but de protection de l’enfant et partagée en droit comme dans les faits par les deux parents. Cette réforme a de ce fait modifié considérablement les droits et les devoirs du père et de la mère à l’égard de l’enfant302.

Les opposants et détracteurs à la notion d’autorité parentale

Comme toutes nouvelles lois, cette conquête vers l’égalité entre les parents n’est pas exempte de certaines critiques à l’égard même de la philosophie du

299

Michel Brazier, « L’autorité parentale », J.C.P. 1970, 1, 2362, n°37 : Déjà Jean Jacques Rousseau dans L’Emile s’était levé contre cette inégalité : « les lois toujours si occupées des biens et si peu des personnes, parce qu’elles ont pour objet la paix et non la vertu, ne donnent pas assez d’autorité aux mères » en 1762.

300

Gerard Cornu, Droit de la famille. Droit civil, La famille, t. 2, Paris, Précis Domat, Montchrétien. 1984, n°72, p. 121.

301 Projet de loi, Doc. Ass. Nat., 1ere session 1969-1970, n°858, Rapport, t, 1, Ass.nat. 1ere session, n°1032.Rapport Sénat, 2e session, n°197. Rapport Tisserand, p. 14.

302

texte303. Toutefois, on va rapidement se rendre compte qu’aucun des arguments

présentés par les défenseurs du chef de la famille n’est en définitive déterminant. Les adversaires de la loi présentent, en effet, deux critiques liées l’une à l’autre.

La première s’insurge contre le changement fondamental réalisé au sein de la famille qui découle de la disparition de son chef. « L’émotion n’est pas difficile à susciter, il suffit d’agiter le spectre de l’anarchie introduite dans la famille. Le refrain est connu, la famille doit avoir un chef, car en partageant l’autorité, on multiplie les risques de conflit et ces désaccords se traduisent rapidement par une séparation de corps ou pire par un divorce304 ». En revanche, de la part de ses

détracteurs, « la solution égalitaire est envisagée ans une perspective conflictuelle305 ».

En effet, les opposants à la notion d’autorité pensent que la famille doit constituer une cellule à l’abri du contentieux juridictionnel et que les liens d’affection ou d’autorité inhérents au cercle familial doivent suffire à régler les contentieux virtuels. Indirectement, on craint alors que le père ou que la mère, du fait de cette autorité partagée, puisse avec grande facilité contester et dénoncer le comportement de son conjoint vis-à-vis de ses enfants.

De ces mêmes citriques développées vingt ans avant la loi du 4 juin 1970, à la Commission de réforme du Code civil, le Doyen Julliot de la Morandière avait répondu que: « L’autorité d’un chef se justifie si la famille a à se défendre par les armes ; elle s’explique encore si, en raison de l’ordre social ou économique,

303 Spécialement avec l’intervention de Pierre Mazeaud, J.O. débats Ass. Nat., 8 avril 1970, p. 813 et s :les mêmes critiques avaient été exprimées par Henri Mazeaud, Travaux préparatoires de réforme du code civil, 1949-1950, p.49 et s. Puis, dans sa chronique virulente « une famille sans chef » dans laquelle il stigmatise les conséquences dramatiques d’une famille décapitée : « Est-elle viable la famille dans laquelle ni le mari, ni la femme ne commande ? ». Dalloz, 1951, 1, Chron. 141.

304

François Terré, « A propos de l’autorité parentale » : Réforme du droit de la famille, Archives de philosophie du droit, Sirey, 1975, t. 20, p.45. On se rapproche des idéologies du XVIIIe siècle développées par Frédéric Le Play et De Bonald, Théorie de l’éducation sociale, 1796, Edition par Colette Capitan, 10/18, p. 243-244.

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l’homme est plus fort socialement et seul à agir dans la vie, si l’épouse est plus faible que lui. Or, il n’en est pas ou il n’en est plus ainsi ; ce n’est plus l’homme seul qui gagne la vie du ménage ; la femme a généralement une instruction équivalente à la sienne, elle a les mêmes droits politiques. La qualité de chef de famille devient un contresens et une contrevérité. La vraie cohésion ne dépend pas, dans ces conditions, de l’autorité que l’on donne à l’un des époux, cette conception autoritaire ne pouvant que conduire à des conflits ; elle dépend de l’union des deux époux. Si ceux-ci s’entendent, et leur entente sera plus difficile, si vous exigez la soumission de l’un, le ménage tiendra ; s’ils ne s’entendent pas, l’exercice d’une autorité non acceptée ne fera qu’envenimer les choses »306.

Cette démonstration révèle ainsi que le Garde des Sceaux rend hommage à l’auteur de la loi et insiste sur le fait qu’une autorité partagée n’est pas « une autorité abolie »307.

B. Les retouches apportées aux articles du Code civil en matière d’autorité

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