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La responsabilité de la mère du fait de ses enfants

Chapitre II. Le caractère commun de l’autorité dans la famille de 1804 à

Section 2. La substitution de l’autorité parentale à l’ancienne notion de puissance paternelle de la mère

C. La responsabilité de la mère du fait de ses enfants

La disparition de la puissance paternelle ayant provoqué un élargissement légal des fonctions maternelles, la notion de responsabilité solidaire va se développer parallèlement au pouvoir décisionnel égalitaire.

C’est ainsi que la mère, depuis la loi du 4 juin 1970, en obtenant légalement le pouvoir d’éducation, est devenue en même temps coresponsable des faits et gestes de son enfant mineur en vertu de l’article 1384 alinéa 4 : « Le père et la mère, en tant qu’ils exercent le droit de garde, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ».

La règle instituée en 1804, qui a été évoquée précédemment a été remplacée par celle de la loi de 1970 qui a introduit une nouvelle exigence : « le droit de garde, et a étendu à la mère une responsabilité jusque-là limitée au père. Mais pour le reste, le texte demeure inchangé. Il instaure ainsi une présomption qui joue contre les parents. En effet, l’article 1384 alinéa 4 déroge au droit commun de la preuve, et dispense la victime de prouver la faute des père et mère »319.

Cette disposition apparaît d’ailleurs comme étant en parfaite harmonie avec la Convention internationale des droits de l’enfant qui aura lieu en 1989 : « Parce que l’enfant est un adulte en devenir, il est sous la surveillance (de ses parents) qui ont la

charge de l’éduquer et de prévenir les dommages qu’il pourrait commettre »320. De ce

fait, comme par le passé, la mère continue à élever et à surveiller ses enfants mais en pratique, tout est différent. La responsabilité parentale autrefois alternative est devenue cumulative. Il n’est plus question du père ou de la mère, mais du père et de

319

Marie-Christine Lebreton, L’enfant et la responsabilité civile, Publication Université Rouen Havre, 1996, p. 43 : « Mais l’article 1384 article 4 n’exclut pas l’article 1382 du Code civil. Les parents peuvent engager leur responsabilité pour faute prouvée ».

320

la mère321 comme l’affirme Marie-France Callu : « Si les conditions de mise en œuvre

de cette responsabilité n’ont pas changé pour les tiers, les conséquences applicables aux intéressés sont particulièrement importantes»322.

Cependant , il ne s’agit pas là d’une simple présomption irréfragable, puisque selon l’alinéa 7 de ce même article 1384, les parents peuvent dégager leur responsabilité en prouvant qu’ils n’ont vraiment commis aucune faute c’est-à-dire en prouvant qu’ils n’ont pu éviter le fait dommageable. Par conséquent, la présomption légale simple découle directement de l’autorité parentale323.

Au-delà de la personne de l’enfant, il s’agit également d’envisager le contenu de l’autorité parentale relativement aux biens de l’enfant.

Le contenu de l’autorité parentale relativement aux biens de l’enfant

On a pu constater que la consécration légale du pouvoir de décision de la mère sur la personne de l’enfant : « ne s’est accompagnée que d’un pouvoir sur les biens de cet enfant, pouvoir d’administration et non de gestion »324.

Dès lors, il est important de préciser que sur le plan patrimonial, dans les aspects de l’autorité parentale qui concernent les biens, il a été attribué une dévolution préférentielle au mari de l’administration légale des biens du mineur et, corrélativement, du droit de jouissance légale, la mère y prêtant seulement son concours. En effet, jusqu’en 1975, si la mère avait obtenu la reconnaissance de ses droits sur la personne de l’enfant, en revanche, il n’en était pas de même pour l’administration des biens de ce dernier. Ceci constituait dès alors une véritable

321

Cass. Civ. 11. 10. 1972, D. 1973, 75.

322 Marie-France Callu, Le nouveau droit de la femme, op.cit., p. 203.

323 Michel De Juglart, Cours de droit civil, t.1, Paris, Montchestien, 1966, p. 244. 324

rupture dans la symétrie des fonctions parentales égalitaires en faisant de la mère « un simple contrôleur de l’administration paternelle des biens de l’enfants »325.

Il faut alors distinguer d’une part l’administration légale et d’autre part, la jouissance légale. En matière d’administration légale, la loi du 4 juin 1970 opère une distinction entre l’existence et l’exercice de cette fonction. Selon l’article 382 « les père et mère ont, sous les distinctions qui suivent, l’administration et la jouissance des biens de leur enfant ». L’administration légale est en principe confié au père et mère d’après cet article, mais, selon l’article 383, « l’administration légale est exercée par le père avec le concours de la mère dans le cas de l’article 389-1 et, dans les autres cas, sous le contrôle du juge, soit par le père, soit par la mère, selon les dispositions du chapitre précédent ». Le texte nouveau maintient donc une prééminence au père, puisque celui-ci exerce la fonction d’administration et que la mère lui apporte seulement son concours.

Il ne s’agit ici que d’énoncer les principes fondamentaux puisque les dispositions détaillées se trouvent dans le titre X du Code civil au Livre I intitulé De

la minorité, de la tutelle et de l’émancipation. Les nouveaux textes appellent tout de une

certaine réflexion. En effet, dans la mesure où l’autorité parentale est aujourd’hui exercée, dans le cadre d’une famille légitime non dissociée, par les deux parents, il convenait donc de modifier l’article 389, qui liait l’administration légale à l’exercice par le père ou par la mère de la puissance paternelle. Dès lors, l’article 389 dispose désormais que « si l’autorité parentale est exercée en commun par les deux parents, le père est administrateur légal. Dans les autres cas, l’administration légale appartient à celui des parents qui exerce l’autorité parentale ».

Cependant, force est de constater que le nouvel article 383 alinéa 1, maintient une certaine prééminence du père, puisque celui-ci exerce lui-même la fonction d’administration et que la mère ne fait que lui apporter son concours. La règle contraire a-t-on dit , à l’égalité absolue des époux dans la gestion des affaires du

325

ménage et dans la responsabilité à l’égard des enfants, a été critiquée dans son illogisme326 « puisque contraire-a-t-on dit à la règle de l’égalité absolue des époux

dans la gestion des affaires du ménage et dans la responsabilité à l’égard des enfants. La critique est discutable puisque la loi du 13 juillet 1965, portant réforme des régimes matrimoniaux, a laissé au mari l’administration des biens de la communauté »327.

À la supposer illogique, elle n’en est, selon Claude Colombet, pas moins nécessaire. Selon lui, il est en effet indispensable, dans le domaine des biens où les tiers veulent trouver un responsable, que « l’enfant ait un seul et unique mandataire en matière contentieuse »328.

Quant à la jouissance légale, droit reconnu aux père et mère de percevoir et de s’approprier les revenus des biens de l’enfant mineur, à charge de les utiliser pour pourvoir à l’entretien de celui-ci, est maintenue par la loi du 4 juin 1970 dont l’article 383 alinéa 2, dispose « la jouissance légale appartient à celui des père et mère qui a la charge de l’administration » ; ce maintien peut a priori surprendre alors que la Commission de réforme du Code civil, dont beaucoup de solutions préconisées en

326 Cf. les amendements proposés par le groupe communiste à l’Assemblée nationale (J.O. débats Ass. Nat., 1à avril 1970, p. 900) et au Sénat (J.O. débats Sénat, 14 mai 1970, p. 396). De tels amendements, qui prévoyaient un exercice conjoint de l’administration légale, auraient ainsi que l’a fait observer le Garde des Sceaux, entrainé une réforme de la tutelle, ébranlé celle des régimes matrimoniaux et institué un déséquilibre dans le système adopté à l’unanimité en 1964-1965 pour la gestion du patrimoine familial (CF. J.O. débats Ass.nat., 1à avril 1970, p. 900).

327

Mireille Delmas-Marty, Le droit de la famille, PUF, Paris, 1980, p. 68.

328Claude Colombet, « Commentaire de la loi du 4 juin 1970 », op. cit., p. 10 : « L’intervention du père et de la mère alourdirait cette procédure. L’illogisme de la loi sur ce point est en vérité très discutable, puisque la loi du 13 juillet 1965, portant réforme des régimes matrimoniaux, a laissé au mari l’administration des biens de la communauté. Enfin, il ne convient pas d’oublier que l’article 383 spécifie que le père exerce l’administration légale avec le concours de la mère, ce qui signifie que, comme l’exige la loi du 14 décembre 1964, le consentement du conjoint est requis pour les actes de disposition, mais encore que ce conjoint doit être consulté pour les actes d’administration. Cependant, en dehors des hypothèses où les deux parents sont vivants et en état d’exercer l’autorité, c’est le régime de l’administration légale sous contrôle judiciaire qui doit s’appliquer, l’administration étant le fait du parent investi de l’autorité parentale ».

1952 ont été reprises en 1970, en avait proposé la suppression, en estimant qu’il était fâcheux que des parents utilisent les revenus excédentaires de leurs enfants à leur usage personnel.329 À cette suppression, la Commission ajoutait la dispense par le

père de subvenir aux besoins d’enfant qui aurait des revenus personnels330.

Enfin, l’attribution du droit de jouissance légale est déterminée par l’article 383, alinéa 2 : « La jouissance légale appartient à celui des père et mère qui a la charge de l’administration ». En ce qui concerne le titulaire du droit de jouissance, on observe toutefois une innovation : ce droit est la contrepartie de l’administration légale. Dès lors, ainsi que le prévoit l’article 383, alinéa 2, la jouissance légale appartient à celui des père et mère qui a la charge de l’administration331. La solution a un avantage

pratique que l’exposé des motifs a mis en valeur : la jouissance légale a pour immense utilité de simplifier considérablement le règlement des comptes de l’administration légale. D’ailleurs, ce fondement pratique explique que, dans la loi, le droit de jouissance soit plus nettement qu’auparavant, lié à l’administration légale. L’article 386, qui a repris l’essentiel du contenu de l’ancien article 386, sanctionne par la perte du droit de jouissance légale celui qui aurait omis de faire inventaire, authentique ou sous seing privé, des biens échus au mineur. Il a seulement supprimé les dispositions relatives au divorce, qui ne se justifiaient plus en raison des règles nouvelles sur l’autorité parentale en cas de divorce332.

329

Mireille Delmas-Marty, Le droit de la famille, op. cit. p. 71.

330 Jean Carbonnier, Droit civil, t. 1, vol. 2, op. cit. § 133 : « Quant à ceux-ci, ils devaient être employés à l’entretien et à l’éducation de l’enfant. Mais le législateur a sans doute été sensible aux arguments présentés par la doctrine, selon laquelle la jouissance légale est une institution féministe évitant à la femme dont le mari est décédé un brusque changement dans ses habitudes et son train de vie et qui, par ailleurs, permet d’éviter les clauses d’usufruit dans les contrats de mariage, usufruit qui ne serait plus limité aux dix-huit ans des enfants mineurs. Quant aux modalités de ce droit, elles ne sont que peu modifiées par rapport au droit antérieur, la loi précise les règles relatives à l’attribution de la jouissance légale et définit d’un autre côté l’étendue de ce droit ».

331 Marie-France Callu, Le nouveau droit de la femme, op.cit., p. 381. 332

Ainsi, l’évolution de l’autorité de la mère dans la législation française peut également être comparée à la condition de la mère et au statut de la femme dans les systèmes juridiques étrangers.

§3. L’évolution de la condition de la mère et du statut de la femme dans les systèmes juridiques étrangers

« L’étude des législations comparées a manqué aux rédacteurs du Code civil » déclare De Pradines, substitut du Procureur général à la Cour du roi, dans un rapport adressé le 14 janvier 1880, à la Société de Législation comparée333.

Afin d’ouvrir le champ d’études de cette puissance paternelle de la mère, il s’agit de considérer l’état des choses dans les systèmes juridiques étrangers. Au-delà de la simple étude du droit français, il n’est pas sans intérêt d’étendre l’analyse de la puissance paternelle de la mère aux codes étrangers afin d’établir des points de comparaison334.

Il faut reconnaître d’ailleurs qu’à cette époque peu de législations étaient codifiées, et que c’est au contraire la France qui a fait preuve de précurseur sur ce point en promulguant un Code civil, dont l’ensemble a été adopté par, nombre de pays. Dans son analyse sur Le droit civil, un outil de domination masculine, Gerhard Ute souligne le fait que : « Le Code civil français, premier code libéral et bourgeois d’Europe, modèle de la législation moderne a une influence durable dans de nombreux pays. Pourtant, comparées à d’autres codifications européennes et au droit coutumier de son temps, ses dispositions conjugales et familiales sont particulièrement rigides et consolident la domination masculine, comme le montrent

333

De Pradines, « Etude sur les limites apportées à la puissance paternelle par les législations étrangères dans les principaux pays d’Europe », Bull. Société législation comparée, The society, 1889, p. 113.

334 Julien Bonnecase, La philosophie du Code Napoléon appliquée au droit de la famille, Paris, E. De Boccard, 1928, p. 2.

aussi les droits prussien, autrichien, anglais et scandinave. Ces aspects du droit civil ont eu un impact considérable sur la vie des femmes »335.

Il faut alors attendre la fin du XIXe pour trouver des monographies qui sont

consacrées aux études de droit comparé336. Au XXe siècle, au contraire, presque

toutes les législations sont codifiées, et une évolution particulièrement intéressante démontre que l’on en vient de plus en plus à considérer que les intérêts de l’enfant sont aussi ceux de la société, et qu’il y a lieu de soustraire à l’autorité paternelle, chaque fois que celle-ci use de ses pouvoirs d’une manière contraire à cet intérêt ou vient à manquer à ses devoirs de protection. Dès lors, comme le souligne Thérèse Traizet « malgré un ancrage historique très différent, le droit de la famille montre des traits communs entre les différents pays européens jusqu’au milieu du XIXe siècle, le

plus caractéristique étant la difficile émergence du droit des femmes dans le couple alors qu’au cours du XXe siècle, la convergence des modèles juridiques s’effectue à

partir des principes d’égalité et de liberté »337.

Afin d’appréhender au mieux la conception de la puissance paternelle dans les législations étrangères (A), il s’agira de faire ressortir les droits de la mère dans les différents systèmes étrangers (B).

335 Gerhard Ute, « Le droit civil, un outil de domination masculine ? », Encyclopédie pour une histoire nouvelle de l’Europe, 2016 : « Dans le sillon des mutations sociales et culturelles dans

les rapports entre les sexes, l’Union européenne agit contre la discrimination de sexe à côté d’autres facteurs d’exclusion. Par sa jurisprudence, elle fait de l’égalité hommes-femmes un des objectifs principaux de la politique communautaire et définit des standards d’équité communs à toutes les Européennes au-delà des différences entre les histoires et les cultures juridiques de leurs pays ».

336

Dragoutine Protitch, De la puissance paternelle en droit international privé, thèse pour le doctorat, Droit, Université de Paris, 1892.

337 Thérèse Traizet, Les droits de la mère légitime sur la personne des enfants pendant le mariage, op.cit., p. 191.

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