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Les caractères nouveaux de la puissance paternelle dans le Code civil

Chapitre II. Le caractère commun de l’autorité dans la famille de 1804 à

Section 1. Le caractère commun de la puissance paternelle de la mère dans le Code civil

A. Les caractères nouveaux de la puissance paternelle dans le Code civil

Chemin faisant, la puissance paternelle revêt de nouveaux caractères qui la définissent et encadrent sa réalisation. Elle est désormais d’ordre public, hors du commerce, indisponible et intangible, mais également relative et aménagée dans l’intérêt de l’enfant, voire dans l’intérêt de la famille et prend fin lors de la majorité ou de l’émancipation de l’enfant198.

Comme énoncé, la loi reconnait à l’autorité qu’elle établissait en faveur du père et de la mère un caractère d’ordre public, et ce, car « elle constitue une des bases de la famille et fait partie intégrante de l’état des personnes »199. Elle ne peut, de ce fait,

comme le précise Henry Taudière « être élargie ou encore réduite par la seule volonté du père ou de la mère qui ne peuvent la modifier ou y déroger par leurs conventions particulières. La puissance paternelle est également hors du commerce pour les mêmes raisons que celles qui lui confèrent un caractère d’ordre public »200.

De facto, celui qui détient la puissance paternelle ne peut en faire une monnaie d’échange, la céder, soit en totalité, soit en partie, dans tel ou tel de ses attributs.

Cette autorité des parents nouvellement envisagée par le Code civil est également un droit relatif désormais conçu et aménagé dans l’intérêt des enfants, et non plus dans celui du père201. Par conséquent, de cette protection de l’enfant,

198 La Gazette du Palais, Volume 90, partie 2, 1970, p. 44. 199

Les novelles, coprus juris civilis Belgici, 1938, p. 701. 200

Henry Taudière, Traité de la puissance paternelle, op. cit., p. 152.

201 Julie Pascal, Les perspectives d’évolution du droit de la filiation en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant, mémoire, p. 6 : « L’intérêt porté à l’enfant par le droit est assez récent. Avant de s’intéresser à la protection et au bien-être de l’enfant, il a d’abord fallu faire évoluer la perception que les adultes avaient de celui-ci. Ce n’est qu’à la Renaissance et c’est seulement au cours du XIX e siècle que la notion d’enfance a fait son apparition. Jusqu’à cette période, l’enfant entait totalement soumis à la puissance du pater familias. Celui-ci avait droit de vie et de mort sur ses enfants sous la Rome antique, tandis qu’il avait le pouvoir de les faire enfermer sous l’Ancien Régime. Dans ce contexte, il apparaissait utopique de voir émerger un droit protecteur de l’enfant, et soucieux de son intérêt. Cet intérêt est pourtant devenu source de réflexion au début du XXe siècle, avec le développement de politiques éducatives et sanitaires concernant les mineurs. Mais la notion d’intérêt de l’enfant telle

nombreux sont les corollaires et les manifestations qui en découlent et notamment le fait que la puissance paternelle n’appartient plus exclusivement au père, la mère est désormais investie de cette autorité202 : « Puisque l’intérêt de l’enfant est une des

causes uniques de cette autorité octroyée aux parents, il est tout à fait normal que la mère en soit investie en même temps que le père203.

D’autre part, cette puissance n’est plus perpétuelle puisqu’elle est instituée dans l’intérêt de l’enfant et prend fin à sa majorité ou par son émancipation, ni intangible, car le père n’est plus investi de fonctions inamovibles, comme l’avait déjà institué la législation de la Révolution française204.

qu’elle est comprise aujourd’hui est bien différente de ce qu’elle était auparavant. Son évolution s’est avérée exponentielle, passant de l’intérêt pour les enfants, à l’intérêt de l’enfant. Elle est le fruit d’une longue réflexion, marquée à la fois par l’évolution des formes et des fondements de la famille, de la conception même de l’enfant, des savoirs sur l’enfance, ainsi que de la place qu’il occupe dans la famille et dans la société́. il a législation française a peu à peu prévu des dispositions relatives aux mineurs et à leur intérêt c’est sous l’impulsion de M. Janus Korczak que la réflexion s’est réellement engagée au niveau international. En effet, ce pédiatre polonais a écrit au début du XXe un ouvrage sur le droit des enfants au respect, et sur la manière dont il convient de les aimer. Si, de prime abord, il ne semble pas y avoir de lien avec le droit, c’est pourtant bien à̀ partir de ses idées que les Nations unies ont fondé leurs travaux en matière de droit des mineurs. C’est ainsi qu’en 1959 est élaborée une déclaration de l’ONU sur les droits de l’enfant suivie vingt ans plus tard par « L’année de l’enfance », décrétée par cette même Organisation en 1979. Cet élan vers les enfants et leur prise en considération plus aboutie s’est expliquée par la réaction des nations aux horreurs des génocides perpètres au cours du siècle dernier. Suite à cela, c’est la Pologne, patrie de M. Korczak, qui a demandé́ aux Nations unies de transformer la déclaration de 1959 en Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) ».

202

Tribun Jean Albisson, Proposition faite par le tribun Albisson, dans la séance du 29 floréal an XII, après la présentation et la lecture faite par les orateurs du gouvernement, du sénatus-consulte organique de la veille qui défère le titre d’empereur au premier consul, Paris, Imprimerie nationale, an XII, t.11, p. 114 et 115 : « L’autorité des pères et mères sur leurs enfants n’ayant directement d’autre cause ni d’autre but que l’intérêt de ceux-ci, n’est pas, à proprement parler, un droit, mais un moyen de remplir dans toute son étendue et sans obstacle un devoir indispensable et sacré. Il est seulement vrai que ce devoir une fois rempli, donne aux parents, un véritable droit commun, le droit légal d’exiger de leurs enfants, pendant tout le temps de leur vie, du respect et des secours ».

203

Louis Delzons, La famille française et son évolution, thèse de doctorat, Université de Paris, 1913, p. 79.

204 Louis Josserand, Cours de droit civil positif français, Paris, Librairie du Recueil Sirey, 1932, p. 591 et 592.

Enfin, dès lors que la puissance paternelle est devenue divisible, elle n’y constitue plus comme le droit romain un privilège d’une application exclusive et inflexible. Enfin, l’intérêt de l’État est également mis en exergue, comme le souligne Charles Demolombe « Car le bon ordre des familles est la première condition et la plus sûre garantie du bon ordre de la société. La puissance paternelle étant le meilleur auxiliaire de la puissance publique tout comme l’intérêt social qui est également mis en avant et qui exige le bon ordre dans l’État, qui doit au besoin protéger l’enfant contre les abus d’une autorité originairement sans borne ni contrôle »205. En effet, si

cette puissance est véritablement considérée comme un droit naturel des parents, elle ne constitue pas, pour ceux-ci, un droit discrétionnaire. Son exercice doit tendre vers le but unique évoqué ci-dessus, du bien-être de l’enfant. En d’autres termes, la puissance paternelle, dans le Code civil est assimilée à une fonction ou une mission qui est confiée aux parents dans l’intérêt du mineur206. Or, il semble qu’à cette

époque les rédacteurs aient surtout fait confiance aux parents et c’est ce qui ressort de l’exposé des motifs fait par Portalis lors de la séance du 16 ventôse an XI :

« Dira-t-on, que les pères peuvent abuser de leur puissance ! Mais, cette puissance n’est-elle pas éclairée par leur tendresse ? Il a été judicieusement remarqué que les pères aiment plus leurs enfants que les enfants n’aiment leur père. Chez quelques hommes, la vexation et l’avarice usurperont peut-être les droits de l’autorité paternelle : mais, pour un père oppresseur, combien d’enfants ingrats ou rebelles ! La nature a donné aux pères et aux mères un désir de voir prospérer leurs enfants que

205

Charles Demolombe, Cours de Code civil, op.cit., p. 300.

206 René Savatier, L’art de faire des lois, Bonaparte et le Code civil, Paris, Dalloz, 1927, pp. 16 -17 : « Or les notions mêmes de fonction et de mission font immanquablement appel au concept complémentaire de contrôle. Il est d’ailleurs aisé de constater que le lien entre les deux idées n’est pas passé inaperçu des législateurs contemporains. En France, à vrai dire, les rédacteurs du Code civil ne prévoient rien initialement à cet égard alors même qu’une telle attitude peut paraitre en contradiction avec la conception qu’ils avaient de la puissance paternelle ».

ceux-ci sentent à peine pour eux-mêmes. La loi peut donc s’en rapporter à la nature »207.

Tels sont les caractères nouveaux qui régissent la puissance paternelle dans le Code civil. Il s’agit alors d’en étudier les principes régissant les attributs de la puissance paternelle de la mère à travers l’analyse des différents articles du Code qui l’investissent d’une certaine autorité sur ses enfants.

B. Les principes régissant les attributs de la puissance paternelle de la

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