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L’impact des idées révolutionnaires sur la structure familiale

Chapitre I. L’influence des législations antérieures sur la puissance paternelle dans le Code civil

Section 1. L’influence législative de l’Ancien régime et du droit révolutionnaire sur la puissance paternelle de la mère dans le Code

A. L’impact des idées révolutionnaires sur la structure familiale

Sous la Révolution française, de nouvelles idées voient le jour à l’image de

l’analyse de Durand de Maillane125: « Ces droits que la nature donne à tous les

hommes sont rétablis, et en entier, par la constitution. Il a donc fallu nécessairement rendre aux enfants comme aux pères , la liberté dont aucun citoyen ne doit être privé par le fait d’autrui, si ce n’est pour son plus grand bien »126. Par conséquent, sous la Révolution française, la puissance paternelle

devient une institution contraire à la liberté dont jouit tout homme.

Ce sont là les idées que tous les orateurs de la Révolution vont reprendre127 et auxquelles vont rester fidèles les trois projets de Code que

présentera Cambacérès : « L’homme naît faible, impuissant », dit leur rapporteur dans le deuxième projet ; « il naît avec ses droits et ses facultés ; mais comme s’il les avait perdus en naissant, il ne peut ni réclamer ses droits ni exercer ses facultés ; et c’est cet état d’enfance, cette faiblesse, soit physique, soit morale, qui forme ce qu’on appelle la minorité. Dans cet état, l’homme a besoin d’appui, de soutien. Les premières années de sa vie sont confiées aux soins de

125

Avocat, magistrat et homme politique. - Spécialiste de droit ecclésiastique. - Député des Bouches-du-Rhône aux Etats généraux, à la Convention, puis au Conseil des anciens. - Commissaire du Comité ecclésiastique, rapporteur et co-auteur de la constitution civile du clergé. Source : Bibliothèque nationale de France.

126

Irène Théry, La famille, la loi, l’État, Paris, Imprimerie nationale, 1989, p. 293.

127 On peut citer Berlier dont la pensée complète celle de Rousseau : « Si dans le premier âge l’enfant ne reçoit pas ces douces impulsions qui doivent le maintenir ou le rendre bon, l’autorité paternelle, impuissante ou mal digérée à ces premières époques de la vie, peut devenir par la suite plus tyrannique, mais non plus efficace. C’est donc inutilement, et sans aucun fruit pour la société, que vous voudriez conserver, au-delà de l’page marqué par la nature, l’instrument qu’elle avait destiné à perfectionner son ouvrage, s’il n’a pas dès ce temps atteint à son but » (Discours sur les rapports qui doivent subsister entre les enfants et les auteurs de leurs jours…p.4) ; cf. aussi Robespierre dans son discours sur les successions du 5 avril 1791 : « Je dirai que la nature elle-même et la raison en ont mesuré la durée et l’étendue d la puissance paternelle sur l’intérêt et le besoin de ceux qu’elle doit protéger et non sur l’utilité de ceux qui l’exercent ; que c’est une erreur de la législation qui a franchi les bornes sacrées lorsqu’elle a prolongé la tutelle, lorsqu’elle a prolongé l’enfance de l’homme jusqu’à sa décrépitude, lorsqu’elle a dépouillé les citoyens du droit de propriété, lorsqu’elle a fait dépendre le long exercice de leurs facultés naturelles et réelles, non de leur page et de leur raison, mais de la longévité de leur père » (A.P., t. 24, p. 564).

ceux qui la lui ont donnée. Les premiers tuteurs sont les pères et mères. Qu’on ne parle donc plus de puissance paternelle »128.

La condition de la femme et de la mère sous la Révolution

Il est aisé de croire que l’époque révolutionnaire qui s’ouvre avec la convocation des États généraux apporte un progrès sensible dans la situation de la femme et de la mère. En effet, l’Assemblée constituante s’est activement mise à l’œuvre pour l’élaboration d’une nouvelle législation. Pour autant, la législation n’a que très peu modifié la condition de la femme alors que paradoxalement elle avait suscité un véritable enthousiasme à leur égard.

Cet enthousiasme n’est alors pas seulement populaire puisque plusieurs femmes prennent la plume afin de faire valoir leurs idées. Le 30 décembre 1790, la baronne Etta Palm d’Aelders , vétitable féministe néerlandaise, mais aussi très impliquée dans la Révolution française, prend la parole devant l’Assemblée fédérative des Amis de la Vérité, pour lire un discours sur l’injustice des lois : « Ah, Messieurs, si vous voulez soyons zélées pour l’heureuse constitution qui rend aux hommes leurs droits, commencez donc par entre justes envers nous que dorénavant nous soyons vos compagnes volontaires et non vos esclaves »129.

Olympe de Gouges, quant à elle, demande en 1792 devant l’Assemblée nationale de faire voter une déclaration des droits de la femme et de la

citoyenne130. La déclaration proposée par Olympe de Gouges se compose d’un

court préambule, suivi de dix-sept articles. L’article premier est ainsi conçu : «

128Pierre-Antoine Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, Paris, Videcoq, 1836, t. 1. p. 102.

129

Etta Palm d’Aelders, Discours sur l’injustice des Lois en faveur des hommes, au dépend des Femmes, lu à l’Assemblée Fédérative des Amis de la Vérité, publié dans Appel aux française sur la régénération des mœurs, et nécessité de l’influence des femmes dans un gouvernement libre, 1790, p. 5.

La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ».
L’auteur adresse en fin de l’ouvrage un appel à ses compagnes : « Femme, réveille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l’univers, connais tes droits... Le flambeau de la vérité a dissipé tous les nuages de la sottise et de l’usurpation. L’homme esclave a multiplié ses forces, il a eu besoin de recourir aux tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne... Quelles que soient les barrières que l’on vous oppose il est en votre pouvoir de les franchir vous n’avez qu’à vouloir »131.

Ces diverses revendications ne vont cependant pas avoir d’effets au point de vue de la législation dès lors que les Révolutionnaires ne souhaient pas accorder à la femme un rôle actif dans l’État, réléguant la femme au foyer domestique en jugeant que c’est là où sa présence est nécessaire, c’est là son véritable domaine132.

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