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Chapitre II. Le caractère commun de l’autorité dans la famille de 1804 à

Section 2. La substitution de l’autorité parentale à l’ancienne notion de puissance paternelle de la mère

C. La phase parlementaire de la lo

En raison de l’importance des principes mis en évidence par cette loi, les débats sont longs et particulièrement animés et ce, à chaque temps fort de la procédure parlementaire. Par conséquent, l’Assemblée nationale en première lecture consacre à la loi plusieurs jours de débats282.

Le projet de loi est alors introduit par le rapport du député André Tisserand et sera soutenu par le Garde des Sceaux en exercice, René Pleven, puis par Jean Foyer, alors Président de la Commission des lois, qui avait antérieurement pris l’initiative de la réforme lorsqu’il était lui-même Garde des Sceaux.

Ce projet gouvernemental est tout à fait bien accueilli puisque seul un

député, Pierre Mazeaud283, y marque avec une certaine fermeté une opposition, en

demandant le maintien de l’attribution au mari de « la qualité de chef de

280 V. l’intervention du garde des Sceaux, Pleven, J.O., Déb.parl. Ass. Nat., 1970, p. 851. 281 Raymond Legeais, L’autorité parentale, op. cit., p. 26.

282

V. le compte rendu intégral au J.O., Déb. Parl., Ass. Nat., n°.8, 9, 10 et 17 avril 1970 : Pierre Mazeaud a insisté sur les raisons d’une direction ferme dans la famille et les risques de mésentente plus fréquente qui résulteraient de la consécration d’une autorité partagée. Les débats furent animés, plusieurs amendements ont été déposés.

283

Bertrand Pauvert, Droit constitutionnel : théorie générale, Ve République, Paris, Studyrama, 2004, p. 426 : « Né en 1929, magistrat, membre du Gouvernement entre 1973 et 1976, député à de nombreuses reprises, il fut président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, il a été nommé au Conseil en 1998. Le 24 février 2004, le président de la République l’a nommé président du Conseil constitutionnel ».

l’association conjugale », en insistant sur les raisons d’une direction ferme dans la famille, et les conséquences inéluctables de mésentente plus fréquente comme le résultat de la consécration de l’autorité partagée 284.

Dans une toute autre direction, la sénatrice Jacqueline Thome-Patenôtre souhaite vivement aller jusqu’ au bout de l’égalité et propose que l’administration légale des biens de l’enfant soit confiée aux deux parents, sans privilège pour le

père comme dans le projet du gouvernement285.

Lors de la dernière phase parlementaire, l’avis des deux Commissions est demandé, celui de la Commission des lois et celui des affaires culturelles, familiales et sociales. Le Sénat va à son tour débattre du projet dans sa séance du 13 mai 1970286 et c’est une nouvelle fois autour de l’article 372 que les débats

s’enveniment sur le recours à la justice en cas de désaccord du père et de la mère sur ce qu’exige l’intérêt de l’enfant. « Reprenant la formule suggérée ou tout du moins favorablement commentée par Jean Foyer, les sénateurs souhaitent que la pratique que les parents avaient pu suivre précédemment leur tienne de lieu de règle »287.

En définitive, les députés vont modifier et compléter l’article 372 pour tenir compte de la volonté des sénateurs et faire jouer, en cas de désaccord des parents, la pratique antérieure des époux288. C’est ainsi que, le 20 mai 1970, l’Assemblée

nationale adopte de manière définitive, en seconde lecture, l’ensemble du projet en tenant compte de la volonté des sénateurs289. Suivra ensuite la promulgation des

nouvelles dispositions législatives sur l’autorité parentale opérées par décret du 4

284 V. l’intervention de P. Mazeaud, J.O., Déb. Parlem., Ass.Nat. 1970, pp. 813 et s. 285 Raymond Legeais, L’autorité parentale, op. cit., p. 27.

286

V. le compte rendu intégral au J.O., Déb.parl., Sénat, n° du 14 mai 1970, pp. 378 et s. 287

Ibid., p. 27 : J.O. Déb. Parl. Sénat, n°du 17 mai 1970, p. 378 et suivantes. 288 Ibid., p. 28.

289 Seconde lecture devant l’Assemblée Nationale du 20 mai 1970. J. O. Déb. Parl. Ass. Nat. n°21 mai 1970. P. 1804 et suiv.

juin 1970 et la publication intervient au Journal officiel du 5 juin. Cela étant, l’application effective de la loi est différée jusqu’au 1er janvier 1971.

Ainsi, l’élaboration de la loi de 1970 provoque moins de remous que d’autres modifications du droit de la famille. Toute la réforme de la loi consiste à faire apparaitre « un couple là où il n’y avait qu’un père »290, à l’image de la loi du

13 juillet 1965 sur les régimes matrimoniaux qui l’a déjà fait là où il n’y avait qu’un mari291.

Mais une fois appliquée, quelle sera la portée effective de cette nouvelle loi à l’origine de la transition moderne de la législation familiale ?

290 Michelle Gobert, « L’autorité parentale, une législation devenue inadaptée ?» : Seconds entretiens juridiques de l’Université de Jean Moulin, Lyon III, 1984, p.41 : « Auparavant, le couple était réduit au père dans ses rapports avec ses enfants, de même qu’il était réduit au mari dans les rapports des époux entre eux et avec les tiers ».

291 Bonneaudeau, « Le statut de la femme mariée après 1970, relative à l’autorité parentale » : Revue de la Gendarmerie Nationale, n°88, 1975, p. 17.

§2. Les apports de la loi du 4 juin 1970

Avec la loi du 4 juin 1970, le Parlement français enrichit d’un nouvel apport l’œuvre considérable par lui entreprise depuis quelques années à travers la totale refonte de la partie du Code civil consacrée à la famille. A cet égard, Marie-France Callu, dans son ouvrage sur le droit de la femme affirme que « Dans le cadre de la famille légitime, le problème fondamental à résoudre ne se trouve pas dans l’attribution de l’autorité. Sous l’empire de la loi de 1942, la mère est déjà considérée comme titulaire de la puissance paternelle. La difficulté réside plutôt dans la pratique de cette autorité accordée au mari pendant le mariage en sa qualité de chef de famille. C’est pourquoi l’association de la mère à l’exercice de l’autorité parentale vient rendre effectifs des droits qui n’étaient jusque-là que virtuels »292.

L’accélération du processus réformateur va se manifester dans la remise en cause de certains équilibres réalisés seulement cinq ans plus tôt par la loi de 1965 sur les régimes matrimoniaux. La remise en cause des formes traditionnelles d’autorité par le mouvement de mai 1968 va conduire au remplacement de la puissance paternelle par l’autorité parentale (A). Dès lors, la loi du 4 juin 1970 va rayer, en effet, l’expression chef de famille de l’article 213 du Code qui affirme désormais que « les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. Ils pourvoient à l’éducation des enfants et préparent leur avenir ». Le principe nouveau est le terme d’une évolution déjà décrite, dont les étapes les plus

292

D., 1971, Chron. P. 1, notamment n°25 et suiv : « La puissance paternelle a vécu bien longtemps, il ne s’agit désormais plus de puissance, ni de prérogatives exclusivement concentrées entre les mains du père. Le nouvel écheveau de droits et de devoirs change de coloration et mêle ses effets égalitaires, personnalistes, pragmatiques, dont les différentes implications sont bien précisées au fil des articles et des alinéas. A cet effet, l’un des premiers et des plus importants commentaires de la loi du 4 juin 1970, celui de Claude Colombet, a pu être construit sur une mise en valeur systématique de l’autorité parentale comme fonction ».

marquantes ont été celles de 1938, 1942 et 1965, aboutissant à instituer une égalité plus complète des époux dans la direction de la famille.

La législation de 1970 opère deux mutations essentielles, d’une part, elle transforme la puissance en autorité, et d’autre part, cette autorité n’est plus paternelle, elle est parentale et de toute évidence le passage n’est pas seulement dans les mots, l’autorité est partagée et nuancée293(B). La législation française,

forte de cette nouvelle loi, s’éloigne donc peu à peu de ce qui avait été voulu en 1804, même si, force est de constater qu’il y a déjà bien longtemps que la puissance paternelle, malgré le nom qui continuait à être le sien, avait profondément changé de sens. Cet état de choses avait pris fin bien avant la loi de 1970 dans la mesure où la puissance paternelle avait déjà perdu son aspect de pouvoir presque absolu, pour ne plus être considérée que comme un devoir vis-à- vis de l’enfant294. Par conséquent en ce qui concerne le contenu et les limites de la

puissance paternelle, la réforme de 1970 n’apporte finalement rien de bien nouveau, malgré les premières apparences.

En effet, par beaucoup de ses dispositions, elle se borne à introduire dans le droit codifié des solutions depuis longtemps admises en pratique alors que par d’autres points, elle va rajeunir la lettre des textes antérieurs dont l’esprit demeure intact comme l’illustre Jean Maury dans son étude consacrée à la puissance paternelle et à l’autorité parentale qualifiant ces modifications de « toilette » des dispositions existantes295. De ce point de vue, il est évident que le changement du

293 François Terré, "A propos de l’autorité parentale", op. cit., p. 47.

294 L’intérêt supérieur de l’enfant : Un dialogue entre théorie et pratique, Conseil de l’Europe, 15 décembre 2017, 172 p : « Après la Seconde Guerre mondiale, beaucoup d’enfants orphelins partout dans le monde avaient besoin de protection, et l’influence de la communauté internationale sur notre vision de l’éducation des enfants s’est régulièrement renforcée. Dans cette évolution, l’ONU a joué un rôle majeur. Avec la Convention internationale des droits de l’enfant est né, en 1989, un cadre juridique normatif de portée mondiale en faveur des droits de l’enfant. Cette convention met en avant les obligations des Ètats à protéger le bien-être etle développement des enfants. »

295 Jean Maury, « De la puissance paternelle à l’autorité parentale », in Annales de la faculté de droit, Paris, Dalloz, 1971, p. 37.

nom de l’institution en des termes mieux appropriés au contenu réel de la chose était nécessaire Ce n’est plus une puissance, c’est une autorité, un changement de mot qui traduit un véritable changement d’esprit296.

Toutefois, son ajout essentiel se trouve ailleurs, sur le terrain non pas du contenu, mais de l’attribution de l’autorité parentale. Le rôle respectif reconnu au père et à la mère dans l’exercice de cette autorité n’est désormais plus le même dans les textes alors qu’il l’était dans les faits. On a affiné le statut juridique de la mère au sein de la famille légitime où toute suprématie reconnue au père disparait dès lors au profit des époux qui sont mis sur un pied d’égalité.

296 Jean Maury, « De la puissance paternelle à l’autorité parentale », in Annales de la faculté de droit, op.cit., p. 169.

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