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2 La restriction des relations avec les fonds de couverture et les fonds de capitaux privés

§2. La restriction des relations avec les fonds de couverture et les

fonds de capitaux privés

90. Les fonds de couverture (hedge fund) sont des fonds de placement à risque

généralement ouverts à un nombre limité d’investisseurs qui exigent un rendement élevé moyennant un investissement initial important300. Ils sont des opérateurs incontournables sur les marchés puisqu’ils y réalisent une part significative des transactions. Les fonds de capitaux privés (private equity fund) sont des fonds de placement investissant habituellement, mais pas uniquement, dans le capital de sociétés non cotées en bourse et fonctionnant d’une manière similaire à celle des fonds de couverture. Ces deux types de structures sont réputées risquées car les rendements substantiels qu’elles engendrent sont issus de placements instables, le risque étant plus rémunérateur que les positions sécurisées. De plus, la complexité de leurs

300 Trader Finance, Lexique Finance. Disponible sur : http://www.trader-finance.fr/lexique-

investissements les rend souvent difficiles à évaluer et donc incertaines quant à leur solvabilité pour les cocontractants.

91. Les banques ont multiplié, avant et pendant la crise de 2007, les relations

économiques avec les fonds de couverture et les fonds de capitaux privés. C’est pourquoi le législateur américain a décidé de limiter par l’intermédiaire de la Volcker

Rule les relations des entités bancaires, dont les banques de dépôt, avec ces fonds

instables et risqués. Elle interdit ainsi aux entités bancaires non seulement d’acquérir ou de conserver des investissements dans ces fonds pour des raisons évidentes liées aux opérations extrêmement risquées de ces fonds, mais aussi de les promouvoir. Cette promotion est définie par le Dodd-Frank Act comme étant le fait de travailler en tant qu’associé commandité, gestionnaire ou fiduciaire d’un fonds, de choisir ou contrôler la majorité des administrateurs, des fiduciaires ou des gestionnaires du fonds, ou encore de partager le même nom ou une variante de ce nom avec le fonds301. Cette

interdiction de promotion a notamment pour objectif de limiter les conflits d’intérêts qui pourraient motiver les entités bancaires à soutenir de façon plus ou moins directe ces fonds.

92. Toutefois, comme pour l’activité de tenue de marché, cette interdiction n’est

pas absolue car un certain nombre d’exceptions lui sont apportées. En premier lieu, cette disposition est soumise à un seuil de 3 % du Tier 1302 de l’entité bancaire en dessous duquel elle peut investir dans des fonds de couverture ou des fonds de capitaux privés. De plus, dans certains cas l’entité bancaire peut investir ou promouvoir des fonds de couverture et des fonds de capitaux privés. C’est notamment possible lorsqu’aucun droit de propriété du fonds n’est offert à la vente ni vendu à un résident des États-Unis et que l’entité bancaire n’est pas directement ou indirectement contrôlée

301 « The term to “sponsor” a fund means - “(A) to serve as a general partner, managing member, or

trustee of a fund; “(B) in any manner to select or to control (or to have employees, officers, or directors, or agents who constitute) a majority of the directors, trustees, or management of a fund; or ‘(C) to share with a fund, for corporate, marketing, promotional, or other purposes, the same name or a variation of the same name. » Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act, Pub. L. 111-203, 124 Stat. 1376, 21 juill. 2010, p. 1630.

par une banque américaine. Une autre exception est prévue lorsque l’entité bancaire fournit des conseils en matière fiduciaire ou en matière d’investissement ; elle peut alors promouvoir ces fonds dès lors qu’elle remplit plusieurs conditions, et répond notamment à la nécessité d’agir dans l’intérêt du client. En conséquence, cette restriction des relations avec les fonds de couverture et les fonds de capitaux privés est très limitée compte tenu de la liste des exceptions qui sont prévues par le Dodd-Frank

Act dont le champ est large ou imprécis. Il semble donc excessivement aisé de

contourner l’interdiction qui est faite alors même que le risque relatif aux opérations de ces fonds nécessiterait une prohibition stricte et absolue pour les banques de dépôt. Dès lors, si l’impact de l’interdiction de la négociation pour compte propre est mitigé, celui portant sur les relations avec les fonds de couverture et les fonds de capitaux privés est quasi inexistant.

93. La Commission européenne souhaite mettre en place une interdiction similaire

à celle du Dodd-Frank Act concernant les relations des banques avec des fonds spéculatifs. Ainsi, l’article 6 de la proposition de règlement dispose de l’interdiction, pour les entités entrant dans son champ d’application, d’acquérir ou de conserver des parts ou actions de fonds d’investissement alternatifs303, d’investir dans des produits dérivés ou tout autre instrument financier dont la performance est liée à des actions ou parts de fonds d’investissement alternatifs ainsi que d’investir et de détenir des parts d’entités qui exercent des activités pour compte propre ou sponsorisent des fonds d’investissement alternatifs. Cette prohibition stricte se limite à ces fonds généralement très spéculatifs. Elle n’empêche pas les banques d’investir pour les besoins de leur client (notamment dans le cadre de l’activité de tenue de marché) dans les fonds de type fermé ne recourant pas à l’effet de levier (fonds de capital- investissement par exemple) qui sont moins volatils et donc moins risqués que les fonds d’investissement alternatifs, même si une interdiction stricte aurait été préférable pour éviter tout engagement des dépôts du public.

303 V. glossaire. : il s’agit d’une catégorie de fonds d’investissement regroupant notamment des fonds

de couverture, des fonds d’investissement en capital à risque, des fonds de capitaux privés et des fonds immobiliers.

94. Le Dodd-Frank Act et la proposition de règlementation européenne posent

donc des restrictions qui semblent de prime abord strictes et dirigées dans l’intérêt unique du client et du contribuable. Cependant, du fait des nombreuses exceptions et imprécisions, ces interdictions générales perdent de son efficacité. Ainsi, le directeur général de Bank of America a publiquement déclaré que la Volcker Rule ne devrait pas être trop difficile à mettre en œuvre304. Par ailleurs, le nouveau gouvernement mené par le Président Donald Trump a fait part de son intention de limiter, voire de supprimer, cette législation bancaire305 pour la remplacer par une autre dont les signaux contraires envoyés en février 2017 puis en mai 2017 par le gouvernement ne nous permettent pas à ce stade de déterminer si elle devrait être plus ou moins stricte que le Dodd-Frank Act306. Le gouvernement français a, pour sa part, opté pour une prohibition plus ciblée et moins susceptible d’exemptions.

304 LACAPRA L.T., « BofA Says Volcker Rule Won’t Be Too Tough », The Street, 14 sept. 2010.

Disponible sur : http://www.thestreet.com/story/10860335/1/bofa-ceo-says-volcker-rule-wont-be-too- tough.html?cm_ven=GOOGLEFI.

305 Notamment : RAPPEPORT A., « House Republicans Move to Gut Bank Regulations », The New

York Times, 5 mai 2017. Disponible sur : https://www.nytimes.com/2017/05/05/us/politics/dodd-frank- finance-banking-regulations.html.

306 D’une part : Rédaction Les Échos, « Trump réitère sa menace de démanteler les grandes banques »,

Les Échos, 1er mai 2017. Disponible sur : https://www.lesechos.fr/01/05/2017/lesechos.fr/021202890

1447_trump-reitere-sa-menace-de-demanteler-les-grandes-banques.htm. D’autre part : DUGUA P.-Y., « Donald Trump lance sa réforme pour soulager les banques », Le Figaro Economie, 3 févr. 2017. Disponible sur : http://www.lefigaro.fr/societes/2017/02/03/20005-20170203ARTFIG00301-donald- trump-lance-sa-re forme-pour-soulager-les-banques.php.

Section 2 – La prohibition spécifique de certains

investissements spéculatifs aux banques de dépôt en

France

95. La loi de séparation et de régulation des activités bancaires307 a pour objectif de remettre la finance au service de l’économie réelle par l’introduction d’une séparation stricte entre les activités utiles au financement de l’économie et les activités que la banque réalise sur les marchés financiers pour son compte propre, ainsi que par le renforcement de la supervision des activités de marché des banques308. Le projet de loi a été présenté le 19 décembre 2012 à l’Assemblée nationale par Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des Finances, puis adopté le 26 juillet 2013. Les dispositions de la loi ont être intégrées au Code monétaire et financier. Désormais, le nouvel article L. 511-48 II du Code monétaire et financier prévoit la prohibition de deux types spécifiques d’investissements spéculatifs : l’interdiction pour les banques et leurs filiales de réaliser des opérations de négoce à haute fréquence (§1), d’une part, et de réaliser des opérations sur instruments financiers à terme dont l’élément sous-jacent est une matière première agricole (§2), d’autre part. C’est donc une intervention extrêmement ciblée qu’a choisie le législateur français.

Cette double prohibition s’applique « aux filiales mentionnées au I » de l’article L. 511-48 du Code monétaire et financier, c’est-à-dire aux « filiales dédiées à la réalisation des activités mentionnées au I de l’article L. 511-47 [qui] sont agrées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution comme entreprises d’investissements ». Il en résulte que les interdictions précitées sont destinées à s’appliquer à la filiale cantonnée309, déterminée par la nouvelle règlementation

française comme étant celle qui exerce une activité de banque d’affaires. Aussi, de prime abord, il semble que les activités de trading à haute fréquence et de passage d’ordre sur des instruments financiers à terme dont l’élément sous-jacent est une

307 L. n° 2013-672 du 26 juill. 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, JORF n° 0173

du 27 juill. 2013.

308 Ministère de l’Économie et des Finances, Dossier de presse sur le projet de L. de séparation et de

régulation des activités bancaires, 19 déc. 2012, p. 9.

matière première agricole soient autorisées aux les banques de dépôt, ce qui serait totalement illogique à la vue des risques, voire des dangers, liés à ces activités. Cependant, si l’interdiction de réaliser ces activités pour les banques de dépôt n’est pas indiquée clairement par l’article L. 511-47 II, elle résulte sans équivoque de la répartition des domaines de compétence dans le cadre de la séparation entre l’activité de banque de dépôt et l’activité de banque d’affaires310. In fine, bien qu’elles ne soient pas visées par l’article précité, les banques de dépôt n’ont pas l’autorisation d’effectuer des activités de trading à haute fréquence ni de passage d’ordre sur des instruments financiers à terme dont l’élément sous-jacent est une matière première agricole.