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MÉCANISMES DE RÉSOLUTION ET DE

181. Afin de restreindre le risque bancaire systémique, les États occidentaux ainsi

que plusieurs institutions de l’Union européenne ont, à raison, opté pour une restructuration du système bancaire. Cependant, les modalités de ces restructurations ont considérablement limité l’impact de ces réformes, faisant une mauvaise exécution d’une bonne idée. Nous ne pouvons que regretter que n’ait pas été mise en place une séparation stricte au niveau juridique et capitalistique entre les banques de dépôt chargées d’une mission d’intérêt public et les banques d’affaires ayant des intérêts purement privés. Ce cantonnement aurait empêché toute transmission des risques des banques d’affaires vers les banques de dépôt, et donc mécaniquement permis de restreindre le recours aux fonds publics au soutien des seules activités de banques de dépôt. À la place, les réformes adoptées ne font que donner un faux sentiment de sécurité pour un effet réel sur l’aléa moral peu efficace et aisément contournable.

En dépassant ces décisions manquées afin de pousser à son terme notre réflexion sur les mesures de restriction de l’aléa moral, il apparaît qu’une telle restructuration doit être associée à une réflexion sur le traitement des défaillances bancaires. En effet, si une séparation stricte des banques permettrait d’atténuer l’ampleur de l’aléa moral en le cantonnant aux seules banques de dépôt, il serait erroné de penser que les activités de celles-ci sont sans risque ; bien qu’elles soient moins instables que celles des banques d’affaires. Dès lors, il convient de considérer l’hypothèse où, malgré une séparation stricte, une banque de dépôt serait en difficulté financière476. Dans un tel cas et comme nous l’a enseigné la crise financière et économique débutée en 2007, à défaut d’anticipation par un arsenal juridique intégrant des mécanismes efficaces de prévention et de résolution des défaillances, il est fort probable que l’État doive en venir à refinancer la banque de dépôt, ce qui serait générateur d’un aléa moral.

476 Il serait utopique de penser que la séparation des activités bancaires suffirait à éliminer tout risque

de défaillance pour les banques de dépôt. Cela reviendrait à ignorer que les crises économiques ont un impact sur l’économie réelle et qu’à ce titre les banques de dépôt peuvent devoir faire face à des débiteurs qui ne sont plus en mesure de payer leurs dettes, ainsi qu’à un mouvement généralisé de retrait des dépôts par les particuliers, entraînant un manque de liquidités. Il faut également prendre en considération toutes les causes entrepreneuriales classiques de difficulté financière, comme les erreurs de gestion et le risque judiciaire.

182. Le risque de défaillance des banques est une question centrale du secteur

bancaire et de l’effet systémique qui lui est lié. Il ne peut y avoir un système bancaire fiable que s’il dispose d’un droit des procédures collectives en adéquation avec les spécificités des banques, efficient et réellement appliqué. Ainsi, dans le cadre d’une réforme bancaire efficace, si la restructuration du système bancaire aurait pour effet de cantonner l’aléa moral aux seules banques de dépôt, la mise en place de mécanismes de résolution des défaillances bancaires offrirait une restriction de cet aléa moral au sein même des banques de dépôt. Elle permettrait de limiter fortement la probabilité d’un recours aux aides publiques. C’est ainsi fort logiquement que l’Union européenne et le législateur français ont décidé d’adopter des mécanismes de prévention et de résolution des défaillances bancaires.

183. Cette nécessité de créer de nouveaux mécanismes de résolution des

défaillances bancaires a été soulignée par un rapport d’initiative du Parlement européen dès juillet 2010477, puis par le Conseil de l’Union européenne en décembre

2010. Ce dernier a adopté des conclusions relatives à la gestion et à la résolution de crise selon lesquelles le cadre de l’Union européenne devrait « viser à sauvegarder la stabilité financière en préservant la confiance du public et celle des marchés, à privilégier la prévention et la préparation, à prévoir des outils de résolution qui soient crédibles, à permettre une action rapide et efficace, à réduire l’aléa moral et à réduire dans toute la mesure du possible les coûts globaux pesant sur les deniers publics, en garantissant une répartition équitable des charges entre les parties prenantes au sein des établissements financiers, à contribuer à une résolution ordonnée pour les groupes transfrontaliers, à assurer la sécurité juridique et à limiter les distorsions de concurrence »478. Il en résulte des objectifs louables et ambitieux de stabilité et

477 Parlement européen, Résolution du Parlement européen du 7 juillet 2010 contenant des

recommandations à la Commission sur la gestion des crises transfrontalières dans le secteur bancaire (2010/2006(INI)), 7 juill. 2010.

478 « ...aim at preserving financial stability by protecting public and market confidence; putting

prevention and preparation first; providing credible resolution tools; enabling fast and decisive action; reducing moral hazard and minimising to the fullest possible extent the overall costs to public funds, by ensuring fair burden sharing among the financial institutions’ stakeholders; contributing to a smooth resolution of cross border groups; ensuring legal certainty; and, limiting distortions of competition. » Conseil de l’Union européenne, Draft Council Conclusions on Crisis Management and resolution, n° 17006/10, 30 nov. 2010, p. 3.

d’efficacité, mêlant une action privilégiée de prévention avec la nécessité réaliste d’instaurer des actions de résolution en cas de défaillance et suggérant de façon précurseur le recours à l’outil innovant du bail-in479.

184. Suivant les conclusions du Conseil de l’Union européenne, le législateur

français et le Parlement européen ont élaboré des mécanismes tendant, d’une part, à anticiper l’apparition de difficultés bancaires pouvant conduire à une crise systémique et, d’autre part, en dernier recours, à accompagner leur résolution.

En 2012, la Commission européenne a préparé à cet effet une proposition de directive établissant un cadre pour le redressement et la résolution des défaillances d’établissements de crédit480. Elle a pour objectif de « permettre aux autorités de

résoudre de manière ordonnée les défaillances d’établissements financiers sans pour autant exposer le contribuable aux pertes que pourrait entraîner l’aide visant à préserver leur solvabilité, et tout en assurant la continuité de leurs fonctions économiques vitales »481. Calquant cette proposition, le Parlement européen a adopté

la directive 2014/59/UE du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit482, dite « directive BRRD483 ». Elle s’articule autour de trois volets qui permettent d’agir graduellement en fonction de la situation de la banque : la préparation, l’intervention précoce et la résolution, incluant des mécanismes de cession des activités.

479 Mécanisme de renflouement interne impactant les créanciers de la société en difficulté ; par

opposition au bail-out qui constitue le recours à l’aide financière des États. V. infra, n° 318 et s.

480 Commission européenne, Proposition de Dir. du Parlement européen et du Conseil établissant un

cadre pour le redressement et la résolution des défaillances d’établissements de crédit et d’entreprises d’investissement et modifiant les Dir. 77/91/CEE et 82/891/CE du Conseil ainsi que les Dir. 2011/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE et 2011/35/UE et le règlement (UE) n° 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil, 6 juin 2012.

481Idem, p. 2.

482 Dir. 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le

redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la Dir. 82/891/CEE du Conseil ainsi que les Dir. du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) n° 1093/2010 et (UE) n° 648/2012, JOUE n° L 173 du 12 juin 2014.

En France, la loi de séparation et de régulation des activités bancaires adoptée le 26 juillet 2013484 s’est fortement inspirée de la proposition formulée par la Commission européenne. Les dispositions établies par la nouvelle règlementation sont similaires aux mécanismes mis en place par la directive BRRD et sont centralisées notamment sur l’Autorité de contrôle prudentiel (renommée Autorité de contrôle prudentiel et de résolution – « ACPR »), en lui confiant de nouveaux pouvoirs de contrôle et, de façon ambitieuse, des moyens de résolution.

Il ressort de ces règlementations des mesures similaires qui mettent en exergue une fois de plus une unicité dans les solutions apportées aux mécanismes et conséquences de la crise. Tant le législateur français que le Parlement européen ont choisi d’instaurer des dispositifs d’anticipation des difficultés bancaires (TITRE 1) ainsi que, dans le cas où ceux-ci s’avèreraient insuffisants, un mécanisme de traitement des défaillances bancaires (TITRE 2) ; ils démontrent une volonté ferme de couvrir toutes les situations jusqu’à la résolution, créant d’une certaine manière une procédure collective ad hoc.

484 L. n° 2013-672 du 26 juill. 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, JORF n° 0173

Titre I – L’anticipation des