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À l’opposé de l’obligation d’information, l’obligation de mise en garde se

II – Le défaut de régulation bancaire, créateur de risque systémique

A. L’initiative régulatrice de la Cour de cassation

42. À l’opposé de l’obligation d’information, l’obligation de mise en garde se

distingue également d’un devoir de conseil qui aurait pour objectif d’orienter la décision du client, en l’éclairant sur l’opportunité du contrat (tant sur ses avantages que sur ses inconvénients) et même en lui indiquant quelle serait la solution la plus adaptée à sa situation142. Il s’agit donc d’une obligation distincte et plus exigeante que le devoir de mise en garde. Toutefois, selon certains auteurs, le devoir de mise en garde peut être considéré comme une variante143 ou une composante substantielle du devoir de conseil dès lors que ces deux obligations sont intimement connectées puisqu’il est difficile de mettre en garde le client sans, d’une certaine manière, lui conseiller de ne pas s’engager dans l’opération concernée, ou du moins pas dans les conditions dans lesquelles elle est envisagée144. Cependant, le devoir de conseil fait débat et la

jurisprudence à son égard est très fluctuante145 compte tenu de la complexité, en

pratique, d’isoler ces trois obligations d’information indépendamment l’une de l’autre, d’une part, et de la difficile conciliation avec le principe de non-immixtion, d’autre part. Ainsi, sur ce premier point, le devoir de conseil a régulièrement été enchevêtré avec l’obligation d’information malgré leurs différences conséquentes (i.e. l’une étant une obligation objective et générale alors que l’autre tient compte de la situation

141 V. supra, n° 38.

142 GROUTEL H., « Le devoir de conseil », RD bancaire et fin., janv.-févr. 1999 ; TRICOT D., « La

rémunération du crédit en Europe », RD bancaire et fin., mars-avr. 2007.

143 MATHEY N., op. cit. : « Le devoir de mise en garde peut s’analyser en une forme de devoir de

conseil négatif. Il en reste toutefois réellement distinct dans la mesure où il n’y a aucune prescription de la part du banquier. »

144 BOUCARD F. et DJOUDI J., op. cit. : « Si le conseil se distingue de l’information, il se confond

avec la mise en garde puisque, dans les deux cas, il faut attirer l’attention du cocontractant. Comment conseiller efficacement un client, c’est-à-dire agir sur sa décision et l’éclairer sur l’opportunité du contrat sans attirer son attention, l’avertir ou l’informer sur les avantages et les inconvénients de l’opération ? Comment mettre en garde un cocontractant, c’est-à-dire l’avertir sur un point négatif, un risque, sans lui conseiller de ne pas prendre un tel risque ? Rien ne semble s’opposer réellement à ce que le devoir de mise en garde soit une simple variante renforcée du devoir de conseil ou, du moins, sa composante substantielle que l’on n’ose pas affirmer comme telle pour éviter le conflit avec le principe de non-ingérence du banquier. »

145 Le devoir de conseil a été pendant longtemps rejeté par la Cour de cassation avant d’être admis dans

personnelle de l’emprunteur)146, voire avec l’obligation d’information et le devoir de

mise en garde simultanément (« que les prêteurs ne justifiaient pas, ni même n’alléguaient avoir mis en garde les emprunteurs sur l’importance de l’endettement qui résulterait de ces prêts ; que la cour d’appel a pu en déduire que les établissements de crédit avaient manqué à leur devoir de conseil »)147. Sur le second point, le devoir de conseil apparaît inconciliable avec le principe de non-immixtion du banquier dans les affaires de son client148. En effet, ce devoir de non-ingérence consiste en une interdiction faite à quiconque de s’immiscer dans les affaires d’autrui, soit en s’informant sur celles-ci, soit en prenant une décision qui relève de la compétence du maître de ces affaires ou en orientant la prise d’une telle décision149. La Cour de cassation a repris ce principe en affirmant que « le banquier n’a pas à s’immiscer dans la gestion des affaires de son client » et donc qu’il n’incombe pas au prêteur de vérifier l’opportunité économique de l’opération financée150. Ainsi, les seuls conseils pouvant

être fournis par le banquier doivent se faire dans le cadre d’un contrat de conseil151.

En l’état de la jurisprudence actuelle et compte tenu des difficultés liées à la mise en œuvre du devoir de conseil, la Cour de cassation semble avoir renoncé à cette obligation en dehors des cas où elle est prévue par la loi ou par un contrat de conseil conclu entre le banquier et le client (« sauf disposition légale ou contractuelle contraire, la banque n’est pas tenue à une obligation de conseil à l’égard de son client »)152, même

si certains arrêts vont encore en sens contraire (« les premiers juges en ont tiré à juste titre la conclusion que la banque avait manqué à son devoir de conseil »)153.

146 Notamment : Cass. com, 15 mai 2002, n° 99-19958.

147 Cass. 1er civ., 27 juin 1995, n° 92-19.212, Bull. civ. 1995, I, n° 287 : JCP G 1992, 2088 ; JCP E 1995,

1107 ; JCP E 1996, 772, note LEGEAIS D.

148 PASQUALINI F., Dalloz Rép. com., « Responsabilité du banquier », n° 3.

149 MOUSTROU F., Obligation de mise en garde de la banque à l’égard de l’emprunteur averti et de

l’emprunteur profane, 9 juill. 2009. Disponible sur : http://avocats.fr/space/frederic.moustrou/content/ _B781F3B7-ECC2-44FD-963B-F55D0E04BDFF.

150 LEGEAIS D., op. cit – Cass. com., 18 févr. 1997, n° 94-18.073, Bull. 1997, IV, n° 52 ; JCP G 1997,

797 – Cass. com., 22 mai 2001, n° 98-14.741 : RD bancaire et fin. 2001, p. 282, obs. CRÉDOT F. et GERARD Y.

151 MATHEY N., op. cit.

152 Cass. com., 13 janv. 2015, n° : RD bancaire et fin. 2015, n° 71, obs. CRÉDOT F. et SAMIN T. ;

AJ 2015, p. 172, note GOURIO A. ; Gaz. Pal., 15 mars 2015, p. 24, obs. MOREIL S. ; RTD com. 2015, p. 341, obs. LEGEAIS D.