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Le rejet ressenti de l’alignement de la réponse proposée aux communautés normatives sociétales et du monde des affaires

Résumé par chapitre

Chapitre 5. La construction du sujet face à de multiples demandes d’accountability

3 Le rejet du compte ressenti par les salariés comme une éviction de leur

3.2 Le rejet ressenti de l’alignement de la réponse proposée aux communautés normatives sociétales et du monde des affaires

Si la communication envers la communauté normative extérieure à l’entreprise qui demande une prise en compte de la pauvreté est très limitée, les salariés BoP sont obligés de communiquer avec la communauté représentant le monde des affaires. En effet, ils ont besoins d’accords à l’intérieur de l’entreprise pour mener à bien le projet destiné à la Base de la Pyramide (1.3).

La réception de la tentative d’alignement aux principes du monde des affaires est mitigée. L’alignement est plus ou moins compliqué en fonction du rapport qu’entretiennent les directions avec les projets destinés à la Base de la Pyramide. On trouve, d’une part, des entreprises où les dirigeants ne sont pas ou peu réceptifs aux discours développés par les salariés BoP et qui se posent en obstacle.

« Ce n’est pas mûr en interne; déjà ils ont du mal à prendre conscience du problème. » (Entreprise N)

« J’ai mis des années avant d’être entendue. » (Entreprise I)

D’autre part, il existe des entreprises où, au contraire, les directions et particulièrement les PDG impulsent ces programmes.

« Donc, notre programme BoP, c’est une création de notre ancien PDG. En effet, au début des années 2000, il a réalisé qu’étant devenu le patron d’un grand groupe international, il avait un certain nombre de devoirs vis-à-vis de la santé publique, parce que dans son portefeuille de médicaments, à force de manger des petits labos, il a fini par avoir des labos intéressants dans les pays en voie de développement sur des pathologies qui n’intéressaient personne en particulier : le paludisme, la maladie du sommeil, la maladie de la mouche tsé-tsé, la tuberculose » (Entreprise G)

« On trouve toujours toutes les boîtes, évidemment avancées du CAC 40 c'est-à-dire qui ont des préoccupations sociales, ce qui est le cas par exemple du PDG de [notre entreprise], qui a cette fibre sociale depuis très longtemps » (Entreprise F)

Par conséquent, les salariés révèlent que de telles interventions les aident à faire pencher la prise de décision dans le sens du développement de ces projets.

Toutefois, l’ensemble des salariés BoP de ces entreprises dit rencontrer des difficultés pour convaincre leurs collègues travaillant aux échelons inférieurs de l’intérêt pour l’entreprise de développer ce type de modèle d’affaires destinés aux populations les plus démunies.

« Mais faire comprendre [que l’entreprise à de l’intérêt à faire un programme destiné à la Base de la Pyramide], à des gens dont le métier est depuis 20, 30 ans, […] très éloigné de tout ça, ce n’est pas simple du tout. Aller expliquer à quelqu’un qui fait de l’exploring production, que tous ces sujets sociétaux là, sont autre chose, ou plutôt devrait être autre chose que de la philanthropie ou du mécénat, mais qu’il y a vraiment des choses à construire. » (Entreprise E)

Les difficultés sont particulièrement prononcées lorsqu’il s’agit de d’embarquer les entités financières qui ne semblent pas voir d’intérêt dans de tels modèles d’affaires, contrairement aux équipes de communication. En d’autres termes, les arguments d’image semblent plus efficaces que ceux des gains financiers potentiels sur ces nouveaux marchés.

« Donc là après il faut convaincre la direction financière, la direction de la communication ça n’est pas très dur en général ; la direction financière c’est plus dur, et puis, les directions opérationnelles. Ils vont vraiment mettre à disposition les techniciens, etc. Et puis évidemment le COMEX » (Entreprise F)

Les financiers, c’est-à-dire ceux dont la fonction est la plus proche des intérêts des actionnaires, apparaissent particulièrement réticents vis-à-vis de ces projets91. Bref, plus les interlocuteurs des salariés responsables des projets de la Base de la Pyramide ont une responsabilité professionnelle spécifiquement proche de la réalisation de la mission financière de l’entreprise, moins ils sont convaincus de l’alignement du projet avec les exigences de la firme et plus ils rejettent les comptes proposés par les salariés de la BoP.

Les salariés disent convaincre petit à petit pour pouvoir faire progresser le projet étape par étape et laisser de côté les salariés qui n’y croient pas.

« De façon pragmatique, on s’appuie sur ceux qui ont du pouvoir et qui sont intéressés, et on essaie petit à petit de les convaincre » (Entreprise I)

Toutefois, ils sont loin d’arriver à faire passer leur message à l’ensemble des membres de l’organisation.

« On sait aussi les défis auxquels on a à faire face. On sait qu’on est extrêmement fragile sur tout ça et en même temps, y a un mémento comme dirait l’autre, c'est-à-dire que, le groupe, on atteint non pas la masse critique mais on atteint différents échelons du management des gens qui ont réalisé pourquoi le groupe ne pouvait pas se désintéresser de ces questions, de ces sujets. » (Entreprise E)

La réponse proposée n’emporte pas l’adhésion de la majorité des salariés qui veillent de manière plus ou moins consciente à ce que les actions des salariés RSE soient alignées sur les principes du monde des affaires. Un tel résultat laisse une impression quelque peu similaire à la réaction appréhendée de la communauté sociétale, qui ne semble pas considérer la proposition incarnée par les projets à la Base de la Pyramide comme une réponse recevable à la demande de comptes.

La proposition formulée par les salariés développant les projets de la Base de la Pyramide semble donc être partiellement rejetée par les deux audiences demandeuses de comptes impliqués dans le processus d’accountability.

3.3 Le rejet de la réponse d’accountability ressenti comme une négation de

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