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L’interdépendance des deux dimensions et la primauté de l’accountability sociale

Chapitre 1. La notion d’accountability en comptabilité: une conception interactionniste empruntée de Pouvoir

2- production d’une clarification (de la part

2.3 Accountability au sein des organisations: le poids des outils

2.3.3 L’interdépendance des deux dimensions et la primauté de l’accountability sociale

Pour Roberts (1991; 1996), les deux dimensions de l’accountability ne peuvent être pensées séparément et ceci pour deux raisons. Premièrement, la violence subie par le système d’accountability hiérarchique renforce la nécessité d’expliquer à ses collègues le résultat de ses actions et de discuter du sens à donner aux outils comptables qui exercent des pressions sur les individus. Les besoins d’échanger entre employés sont augmentés par la nécessité de s’unir dans l’adversité. Le stress, voire le mal-être issu de l’accountability hiérarchique, est alors compensé par les bienfaits de l’accountability sociale, reposant sur les espaces de parole qu’il ouvre. Le processus individualisant est compensé par le processus socialisant ou « humanisant », pour reprendre le terme de Roberts (1991, p 364). Au final, les deux accountability s’entretiennent mutuellement. L’une n’existe pas sans l’autre. Deuxièmement, ces deux dimensions sont intimement liées car elles apparaissent en compétition. Elles

poussent alors l’individu à trancher entre ses intérêts individuels, visant à démontrer à sa hiérarchie que son comportement est adéquat et donc qu’il mérite une récompense (par exemple, une promotion), et sa loyauté envers ses collègues et l’intérêt de son groupe, qui lui apporte support et réconfort.

Si les outils comptables sont présentés comme la dimension structurant le quotidien des individus qui évoluent en organisation, puisque ces derniers sont censés orienter les actions des individus vers l’objectif général que poursuit cette organisation, il n’en reste pas moins que Roberts (1991; 1996) conceptualise l’accountability sociale comme la dimension dominante de cette conceptualisation. Premièrement, il met en avant le fait qu’un résultat comptable issu de l’accountability hiérarchique peut toujours être explicité par des échanges en face-à-face, montrant que l’accountability sociale peut dépasser la dimension déterminée et individualisante de l’accountability hiérarchique. Deuxièmement, l’accountability sociale du fait qu’elle lie un employé avec d’autres salariés du groupe, offre autant de possibilités qu’il y a d’individus dans les organisations. En d’autres termes, si un individu ne trouve pas auprès d’un collègue la compréhension face à sa situation et à ses actions réalisées, il pourra chercher du réconfort auprès d’un autre. Troisièmement, Roberts, reconnaît l’existence de résistance de la part des employés envers leur hiérarchie et notamment les phénomènes de bureaucratie, où les employés s’opposent à la manière mécanique dont les organisations sont organisées par les techniques de managements (March et Simon 1960). Il reconnaît ainsi le peu d’allégeance dont les salariés peuvent parfois faire preuve envers leur hiérarchie et ceci, malgré les types de contrôles mis en place. En d’autres termes, Roberts (1991; 1996) reconnaît que la dimension contrôlante de

l’accountability hiérarchique peut avoir raison de la redevabilité de l’individu envers la

hiérarchie. Il se tourne alors vers ses pairs, avec lesquels il partage un sens commun de la situation vécue, à partir de laquelle il rend des comptes et avec lesquels il construit des actions de résistance.

Conclusion

Ce chapitre a comme objectif de définir le principal concept mobilisé et discuté dans cette thèse : l’accountability, entendu dans sa conception interactionniste à partir principalement des travaux de Roberts (1991; 1996) et de Roberts et Scapens (1985). J’ai donc exposé qu’il correspond à un phénomène émergeant des interactions entre individus. Il prend forme entre un individu à qui on demande des comptes et une communauté de valeurs. Il vise à éclairer les actions de ces mêmes individus. Il apparait entre l’individu qui produit l’action et une communauté de valeurs. Il prend la forme d’un processus itératif, comprenant la demande d’éclaircissements d’une action produite par un individu par rapport à une communauté de valeur ; la production d’une

réponse (le rendu de comptes) et l’examen par la communauté de valeur de cette réponse. Cette définition générale de l’accountability est réintégrée au sein des organisations. Cette réintégration peut-être est spécifiée selon quatre éléments.

Premièrement l’accountability prend forme autour de deux dimensions. Roberts (1991; 1996) conceptualise, premièrement, l’accountability hiérarchique, c’est-à-dire le rendu de comptes vertical entre la hiérarchie - entendu comme intangible, invisible et diffus dans l’organisation et visant à aligner le comportement des salariés sur le but encouru par l’organisation - et les salariés qui se réalise à distance, caractérisé par des disparités de pouvoir et formalisé par les outils comptables. Il conceptualise, deuxièmement l’accountability sociale, correspondant aux échanges en face-à-face entre toute personne travaillant au sein de l’organisation, visant à rendre intelligible un comportement par rapport à des normes et des valeurs. Elle correspond à des échanges horizontaux entre pairs.

Deuxièmement, ces deux dimensions sont posées comme interdépendantes l’une de l’autre. L’accountability sociale soulage les effets contrôlants de l’accountability hiérarchique et la rend par là même, possible car supportable.

Troisièmement, l’accountability hiérarchique est conceptualisée comme étant de moindre importance que l’accountability sociale, puisque cette dernière semble pouvoir dépasser la première dimension.

Quatrièmement et dernièrement, ces deux dimensions contribuent chacune à la construction identitaire de l’individu, soit d’un point de vue individuel, soit d’un point de vue social.

Dans le chapitre qui suit, j’expose, à partir des précédentes conclusions que même si Roberts et Scapens (1985) montrent que les outils comptables sont des récupérations et des interprétations diverses et variées, opérées par des individus, à qui la hiérarchie demande des comptes tout en étant eux-mêmes influencés par ces outils, l’impact de la pluralité sociale sur la construction de l’accountability est peu exploré. Par conséquent, je pose que cette thèse a pour visée générale de réintégrer la pluralité sociale dans la formation de l’accountability. Pour cela, je m’appuie sur deux limites, issues de la littérature, l’une opérant au niveau de l’individu, l’autre du groupe. D’une part, je montre que l’individu subit également des demandes de comptes émanant d’autres autorités que la hiérarchie de l’organisation dans laquelle il travaille, et ayant tout autant d’influence que cette dernière sur la construction identitaire de l’individu interrogé. Je mets en évidence les multiples accountability contenues dans la dimension verticale. D’autre part, je montre que contrairement à ce que suppose

soulageant l’individu, car les pairs peuvent avoir des avis divergents voire contradictoires et entrent en confrontation afin de négocier l’accountability. Je mets alors en évidence la multiplicité des accountability dans la dimension horizontale. Ces deux limites servent de base à l’élaboration de deux sous questions de recherches, qui seront explorées indépendamment, avant que leurs conclusions ne soient discutées ensemble afin de montrer comment l’accountability se forme, du fait des nombreuses interactions sociales.

Chapitre 2.

La pluralité sociale : aspect négligé des études

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