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Responsabilité du Parquet européen

2.2. TITRE DEUXIÈME Configuration du Parquet européen afin qu’il soit assurée l’effectivitél’effectivité

2.2.1. CHAPITRE PREMIER Statut du Parquet européen et relations avec les autres acteurs

2.2.1.1.3 Responsabilité du Parquet européen

La création d'un Parquet européen indépendant ne conduit pas consubstantiellement a son irresponsabilité175. Dès la création du Corpus Juris, l'obligation de rendre compte au public, notamment aux autres institutions européennes, est organisée176.

Les lignes directrices et rapports tant internationaux qu’européens soulignent la nécessité d’adopter des solutions permettant d'assurer simultanément l'indépendance et la responsabilité des membres du Parquet. En cela, « la décision d’engager ou non des poursuites devrait incomber au seul ministère public et non au pouvoir exécutif ou au pouvoir législatif » ; donc « la responsabilité́ devant le Parlement dans les affaires individuelles de poursuite ou de non-poursuite devrait être

175La responsabilité politique a été définie comme “a relationship between an actor and a forum, in which the actor

has an obligation to explain and to justify his or her conduct, the forum can pose questions and pass judgments, and the actor may face consequences”. Voy. M. BOVENS, Analysing and Assessing Accountability: A Conceptual

Framework, European Law Journal, 2007, 13(4), pp. 449-450; M. BUSUIOC, The Accountability of European Agencies - Legal Provisions and Ongoing Practices, Delft, Eburon, 2010, pp. 6-9, cites par J.A.E. VERVAELE, Legal and Political Accountability for Criminal Investigations and Prosecutions by a European Public Prosecutor's Office in the EU: the dissymmetry of shared enforcement, in M. LUCHTMAN, M. SCHOLTEN (éds.), Law Enforcement by EU Authorities, Political and judicial accountability in shared enforcement, cit., pp. 191-192. L’auteur spécifie par rapport au Parquet européen que “In the case under discussion in this chapter, political

accountability can be defined as a relationship between an agency and a representative forum in which the agency has an obligation to explain and to justify his or her conduct, the forum can pose questions and pass judgment, and the actor may face consequences”. Voy. également P. CRAIG, EU Administrative Law, Oxford, Oxford University

Press 2012, p. 160.

supprimée »177. Toutefois, « l’élaboration de la politique en matière de poursuite (par exemple priorité́ donnée a certains types d’affaires, délais, coopération plus étroite avec d’autres organes, etc.) semble être un domaine dans lequel le Parlement et le ministère de la Justice ou le gouvernement peuvent, a juste titre, jouer un rôle décisif »178.

Les rapports adoptés au niveau européen précisent qu’entre les instruments spécifiques en matière de responsabilité́ qui semblent nécessaires, en particulier lorsque le ministère public est indépendant, la présentation de rapports publics par le procureur général pourrait en être un. En particulier, nous lisons dans le rapport de la Commission de Venice que « au besoin, dans ces rapports, le procureur général devrait rendre compte de manière transparente des modalités d’application des instructions générales données par le pouvoir exécutif. Les lignes directrices relatives a l’exercice de la fonction de procureur et les codes de déontologie destinés aux procureurs jouent un rôle important dans la fixation de normes. Ils peuvent être adoptés par les autorités de poursuite elles-mêmes, par le Parlement ou par le gouvernement »179.

Les deux propositions de règlement de la Commission du 2013 et du Conseil du 31 janvier 2017 imposent, conformément aux rapports européens et internationaux, une obligation de rendre des comptes du Parquet européen aux institutions de l’Union180.

177Voy. COMMISSION EUROPÉENNE POUR LA DÉMOCRATIE PAR LE DROIT (COMMISSION DE VENISE), Rapport Sur Les Normes Européennes Relatives À L’indépendance Du Système Judiciaire : Partie II – Le Ministère Public, Rapport sur les normes européennes relatives a l’indépendance du système judiciaire : partie II – le ministère public, Adopté par la Commission de Venise lors de sa 85e session plénière (Venise, 17-18 décembre 2010) sur la base des observations de M. James HAMILTON (membre suppléant, Irlande) M. Jørgen Steen SØRENSEN (membre, Danemark) Mme Hanna SUCHOCKA (membre, Pologne), CDL -AD (2010)040, Etude n. 494 / 2008, Strasbourg, le 3 janvier 2011, point 42.

178Voy. COMMISSION EUROPÉENNE POUR LA DÉMOCRATIE PAR LE DROIT (COMMISSION DE VENISE), Rapport Sur Les Normes Européennes Relatives À L’indépendance Du Système Judiciaire : Partie II – Le Ministère Public, Rapport sur les normes européennes relatives a l’indépendance du système judiciaire : partie II – le ministère public, Adopté par la Commission de Venise lors de sa 85e session plénière (Venise, 17-18 décembre 2010) sur la base des observations de M. James HAMILTON (membre suppléant, Irlande) M. Jørgen Steen SØRENSEN (membre, Danemark) Mme Hanna SUCHOCKA (membre, Pologne), CDL -AD (2010)040, Etude n. 494 / 2008, Strasbourg, le 3 janvier 2011, point 43.

179Voy. COMMISSION EUROPÉENNE POUR LA DÉMOCRATIE PAR LE DROIT (COMMISSION DE VENISE), Rapport Sur Les Normes Européennes Relatives À L’indépendance Du Système Judiciaire : Partie II – Le Ministère Public, Rapport sur les normes européennes relatives a l’indépendance du système judiciaire : partie II – le ministère public, Adopté par la Commission de Venise lors de sa 85e session plénière (Venise, 17-18 décembre 2010) sur la base des observations de M. James HAMILTON (membre suppléant, Irlande) M. Jørgen Steen SØRENSEN (membre, Danemark) Mme Hanna SUCHOCKA (membre, Pologne), CDL -AD (2010)040, Etude n. 494 / 2008, Strasbourg, le 3 janvier 2011, point 44.

180Le considérant 11 de la proposition de règlement de la Commission du 2013 prévoit que « Cette obligation stricte

de rendre des comptes est la contrepartie de l’independance et des pouvoirs qui lui sont conferes en vertu du present règlement. Le procureur europeen est pleinement responsable de la bonne execution de ses obligations en sa qualite de chef du Parquet europeen et, à ce titre, il porte une responsabilite institutionnelle globale de ses activites generales devant les institutions de l’Union. En consequence, n’importe quelle institution de l’Union peut saisir la Cour de justice de l’Union europeenne en vue de faire revoquer le procureur dans certaines circonstances, notamment en cas de faute grave. Cette obligation de rendre des comptes devrait etre combinee à un regime strict de controle judiciaire dans le cadre duquel le Parquet europeen ne peut faire usage de pouvoirs d’enquete coercitifs que sous reserve d’une autorisation judiciaire prealable, et les elements de preuve presentes à la juridiction du fond devraient etre verifies par cette meme juridiction pour ce qui est de leur conformite avec la Charte des droits fondamentaux de l’Union europeenne ». Voy. dans le même sens les considérant 13 et 14 de la proposition de

règlement du Conseil du 31 janvier 2017. Le considérant 13 a le même contenu que le considérant 11 de la proposition de règlement de la Commission du 2013. Le Considérant 14 précise que : « Le Parquet europeen devrait

En particulier, la proposition de règlement du Conseil du 31 janvier 2017 précise le sens des termes « suivi général », « supervision et direction » et « surveillance », qui sont utilisés pour décrire différentes activités de contrôle exercées par le Parquet européen. Conformément au considérant 18, le terme « suivi général » devrait s'entendre comme désignant l'administration générale des activités du Parquet, dans le cadre de laquelle des instructions ne sont données que sur des questions revêtant une importance horizontale pour le Parquet; les termes « supervision et direction » devraient s'entendre comme désignant certains pouvoirs de superviser et de diriger des enquêtes et des poursuites particulières; le terme « surveillance » devrait s'entendre comme désignant un suivi plus étroit et régulier des enquêtes et des poursuites, y compris, lorsque c'est nécessaire, le fait d'intervenir et de donner des instructions sur des questions relatives aux enquêtes et aux poursuites »181.

L'article 6 établit que le Parquet européen « rend compte de ses activités générales au Parlement européen, au Conseil et a la Commission européenne et publie des rapports annuels conformément à l'article 6 bis ». Cet article prévoit a son tour que « Chaque année, le Parquet européen établit et publie un rapport annuel sur ses activités générales dans les langues officielles des institutions de l'Union. Il le transmet au Parlement européen et aux parlements nationaux, ainsi qu'au Conseil et a la Commission »182.

Conformément a la proposition de règlement du Conseil, c’est le collège, non le chef du parquet européen, qui, sur proposition du chef du Parquet européen, adopte « chaque année le document de programmation contenant la programmation annuelle et pluriannuelle du Parquet européen; une stratégie antifraude proportionnée aux risques de fraude, compte tenu du rapport coûts-avantages des mesures a mettre en œuvre ; des règles concernant les conditions d'emploi, les critères de réalisation, l'insuffisance professionnelle, les droits et les obligations des procureurs européens délégués, notamment des règles sur la prévention et la gestion des conflits d'intérêt »183. Comme il a été souligné, l'organe chargé d'effectuer le « suivi général », tel que décrit au considérant 18, est le collège et non le chef du Parquet européen184.

Selon la proposition de règlement du Conseil du 31 janvier 2017, la répartition des fonctions dans le

publier un rapport annuel sur ses activites generales, contenant au minimum des statistiques sur celles-ci ».

181Voy. le considérant 18 de la proposition de règlement du Conseil du 31 janvier 2017.

182Voy. article 6 bis de la proposition de règlement du Conseil du 31 janvier 2017. Au deuxième alinéa l'article 18 prévoit : « Le chef du Parquet europeen se presente une fois par an devant le Parlement europeen et devant le

Conseil, ainsi que devant les parlements nationaux à la demande de ces derniers, pour rendre compte des activites generales du Parquet europeen, sans prejudice de l'obligation de reserve et de confidentialite qui incombe au Parquet europeen en ce qui concerne les dossiers individuels et les donnees à caractère personnel. Le chef du Parquet europeen peut etre remplace par l'un de ses adjoints lors des audiences organisees par les parlements nationaux ».

183Voy. article 72, al. 1, lett. a), b), c) de la proposition de règlement du Conseil du 31 janvier 2017.

184Voy. J.A.E. VERVAELE, Legal and Political Accountability for Criminal Investigations and Prosecutions by a European Public Prosecutor's Office in the EU: the dissymmetry of shared enforcement, in M. LUCHTMAN, M. SCHOLTEN (éds.), Law Enforcement by EU Authorities, Political and judicial accountability in shared enforcement, cit., p. 195.

Parquet européen ne permet pas d'identifier l'acteur responsable. Ce dernier, envers les autres organes et institutions de l'Union ainsi qu’envers les Parlements nationaux, est en effet le chef du Parquet européen. Toutefois, ce dernier ne détient ni pouvoir de contrôle de conduite des enquêtes menées par les procureurs européens délégués, de fixation des lignes directrices relatives a l’exercice de la fonction de procureur, le document de programmation contenant la programmation annuelle et pluriannuelle du Parquet européen, ou la stratégie antifraude du Parquet européen. Le seul moyen de mettre en cause la responsabilité du Parquet européen consiste en la révocation du chef du Parquet européen. Toutefois, cette procédure se révèle inefficace du fait de l’absence de pouvoirs le chef tant sur le plan opérationnel que programmatoire de l'activité du Parquet européen du Parquet européen185.

La révocation du chef du Parquet européen n’influe donc pas directement sur la politique en matière de poursuite. L'absence de correspondance entre l'organe adoptant tant la programmation annuelle que les lignes directrices du Parquet européen et l'organe en mesure d’être révoqué suscite d'importantes problématiques en termes de responsabilité.

La seule solution serait de prévoir un Parquet européen centralisé où les choix de politique générale relèvent d’un seul et même acteur qui demeure révocable. Dans cette optique, la révocation du chef du Parquet européen correspondrait a la révocation de l'organe de décision et pèserait directement sur les choix d'organisation générale du Parquet européen.

2.2.1.2. SECTION DEUXIÈME Relations avec les autres organes de l'Union