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3. DEUXIÈME PARTIE Droits fondamentaux et Parquet européen

3.1. TITRE PREMIER Les droits fondamentaux en droit pénal européen

3.1.2. CHAPITRE DEUXIÈME Les droits fondamentaux relative au droit pénal procédural 1.Le droit à un recours juridictionnel effectif1.Le droit à un recours juridictionnel effectif

3.1.2.3. Le principe ne bis in idem

Le droit de ne pas être jugé ou puni pénalement deux fois pour une même infraction est un principe fondamental consacré a l'article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. En particulier, cet article prévoit que « Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été́ acquitté ou condamné dans l'Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi »410.

Comme l'a souligné l'Avocat Général dans l'affaire G̈z̈tok e Br̈gge, « ce principe est fondé sur les deux piliers de tout système juridique. L'un est la sécurité́ juridique, l'autre l'équité́. Lorsque l'auteur de l'infraction est poursuivi et condamné, il doit savoir que, par l'exécution de la peine, il a expié sa faute, et n'a plus à craindre une nouvelle sanction. Lorsqu'il est acquitté, il doit avoir la certitude qu'une autre procédure ne sera pas ouverte pour le juger de nouveau »411.

Le principe ne bis in idem revêt un rôle essentiel dans l'espace judiciaire européen en évitant que la même personne soit puni deux fois en raison de la même infraction sur le territoire de deux États membres différents. En effet, en l’absence tant d’une réglementation commune au niveau européen que d’une coopération réciproque entre autorités judiciaires nationales, le risque pour la même personne d'être puni deux fois pour la même infraction est élevé412.

Le principe ne bis in idem a l'origine n'était réglementé ni dans les Traités européens ni dans la CEDH. Ce principe a été prévu pour la première fois dans la CEDH a l'article 4 du Protocole n° 7 a la Convention européenne des droits de l’homme, ouvert a la signature le 22 novembre 1984 et entré en vigueur le 1º novembre 1988.

La Cour EDH a élargi le champ d'application de la disposition en interprétant de manière extensive la notion d'« accusation pénale ». Selon une jurisprudence constante de la Cour, l’existence ou non d’une « accusation en matière pénale » doit s’apprécier sur la base de trois critères, couramment 409Voy. a cet égard, S. SCHUMANN, K. BRUCKMULLER, R. SOYER (éds-.), Pre-trial emergency defence, Anwerp,

Intersentia, 2012.

410Voy. article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

411Conclusions de l'Avocat Général Damaso Ruiz-Jarabo Colomer présentée le 19 septembre 2002, affaire Gözütok e Brügge, n° C-187/01 et C-385/01, ECLI:EU:C:2002:516, par. 49.

412Sur la réglementation du principe de ne bis in idem au niveau européen, voy. J.A.E. VERVAELE, Ne Bis In Idem: Towards a Transnational Constitutional Principle in the EU?, Utrecht Law Review, 2013, 9, pp.211–229 ; R. ROTH, Non bis in idem transnational: vers de nouveaux paradigmes?, in S. BRAUM, A. WEYEMBERGH (éds.), Le Controle Juridictionnel dans l’Espace Pénal Européen, Editions de l’Université de Bruxelles, 2009, pp. 121–141. Voy. également les conclusions de l'Avocat Général Damaso Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 19 septembre 2002, affaire Gözütok e Brügge, n° C-187/01 et C-385/01, ECLI:EU:C:2002:516, par. 54-55. Voy. H. VAN DER WILT, The European Arrest Warrant and the Principle Ne Bis In Idem, in R. BLEKXTOON, V. VAN BALLEGOOIJ (éds.), Handbook on the European Arrest Warrant, La Haye, T.M.C. Asser Press, 2005, p. 100 et s., il quale individua tre principali ragioni.

désignés sous le nom de « critères Engel »413. Le premier est la qualification juridique de l’infraction en droit interne, le second la nature même de l’infraction et le troisième le degré́ de sévérité́ de la sanction que risque de subir l’intéressé́(e). Les deuxième et troisième critères sont alternatifs et pas nécessairement cumulatifs. Cela n’empêche pas l’adoption d’une approche cumulative si l’analyse séparée de chaque critère ne permet pas d’aboutir a une conclusion claire quant à l’existence d’une accusation en matière pénale. Selon cette interprétation, sont visées non seulement les procédures pénales au sens strict, mais aussi toutes les procédures qui aboutissent aux sanctions de nature répressive.

Il faut remarquer a cet égard que la Cour de justice a utilisé les « critères Engels » pour déterminer si le principe ne bis in idem pouvait s'appliquer dans les affaires Åklagaren c. Hans Åkerberg

Fransson414 e Bonda415.

Bien que la Cour EDH ait adopté une interprétation extensive du champ d'application de la disposition, l'article 4 du Protocole 7 a la CEDH n'a pas une valeur contraignante a l'égard des États membres qui ne l'ont pas encore ratifié et il s'applique seulement dans la juridiction de chaque État, ne s'appliquant pas dans un contexte tranfrontier. Cette disposition ne permet donc pas d'assurer le respect du principe ne bis in idem.

Avant l'entrée en vigueur de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, la Cour de justice s'est prononcée sur le principe ne bis in idem en se fondant sur l'article 54 de la Convention d'application de l'accord de Schengen416. A cet égard, la Cour a donné son interprétation des termes « ne bis » et « idem ». Le ne bis se réfère a la « décision ou au jugement préalablement rendu qui doit être considéré́ et pris en compte pour éviter un double jugement ». Le idem se réfère aux « faits ou aux infractions qui sont à la base de la première décision ou du premier jugement et qui sont reconsidérés lors de la seconde décision ou du second jugement »417.

En particulier, la Cour a statué que, « en raison de l'absence d'harmonisation des législations pénales nationales, un critère fondé sur la qualification juridique des faits ou sur l'intérêt juridique protégé́ serait de nature à créer autant d'obstacles a la liberté́ de circulation dans l'espace Schengen qu'il existe de systèmes pénaux dans les États contractants ». Le terme « même infraction » aux fins de l'application de l'article 54 de la CAAS doit être interprété dans le sens qu'il existe « l'identité́ des faits matériels, compris comme l'existence d'un ensemble de circonstances concrètes indissociablement liées entre elles »418.

413CEDH Engel et autres c. Pays-Bas, n° 5100/71, 5101/71, 5102/71, 5354/72 et 5370/72, 8 juin 1976. 414CJUE, Åklagaren c. Hans Åkerberg Fransson, n° C-617/10, 26 février 2013, ECLI:EU:C:2013:105. 415CJUE, Lukasz Marcin Bonda, n° C-489/10, 5 juin 2012, ECLI:EU:C:2011:845.

416Convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985, signée a Schengen le 19 juin 1990, JO L 239 du 22.9.2000, p. 19.

417Voy. M. HENZELIN, « Ne bis in idem », un principe a géométrie variable, Revue pénale suisse, 2005, 123(4). 418CJUE, Leopold Henri Van Esbroeck, n° C-436/04, 9 mars 2006, ECLI:EU:C:2006:165, points 35-36. Voy. B. VAN

BOCKEL, 'Case C-436/04, Criminal Proceedings against Léopold Henri Van Esbroeck, Case C-150/05, Jean Leon Van Straaten v. Netherlands and Italy, Case C-467/04, Criminal proceedings against G. Francesco Gasparini, José

Le terme bis a été également interprété de manière extensive par la Cour de justice afin de renforcer la confiance des citoyens dans l'Union européenne, et en particulier dans l'espace de liberté, sécurité et justice. L'article 54 de la CAAS a en effet pour objectif « d'éviter qu'une personne, par le fait d'exercer son droit de libre circulation, ne soit poursuivie pour les mêmes faits sur le territoire de plusieurs États membres »419. Le notion de bis ne comprend donc pas seulement les jugements de condamnation, mais elle couvre également les procédures d'extinction de l'action publique, telles que celles par lesquelles le ministère public d'un État membre met fin, sans l'intervention d'une juridiction, a la procédure pénale engagée dans cet État, après que le prévenu a satisfait a certaines obligations et, notamment, a acquitté une certaine somme d'argent fixée par le ministère public420 et la décision d'une juridiction d'un État contractant, rendue a la suite de l'exercice de l'action pénale, par laquelle un prévenu est définitivement acquitté en raison de la prescription du délit ayant donné́ lieu aux poursuites421.

En ce qui concerne la définition des termes composants le principe ne bis in idem, la Cour EDH a fini pour s'aligner sur la jurisprudence de la Cour de justice. Elle a opéré un revirement par l'arrêt

Zolothukin c. Russie de 2009, dans lequel elle a repris la définition donnée par la Cour de justice a

laquelle elle se réfère expressément422.

En ce qui concerne la compatibilité entre l'article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la règle selon laquelle, dans l’espace Schengen, l’application du principe ne

bis in idem requiert que la sanction infligée dans un État membre a été́ subie ou est actuellement en

cours d’exécution, la Cour de justice a affirmé que la condition d’exécution supplémentaire contenue dans la CAAS constitue une limitation du principe ne bis in idem qui est compatible avec la Charte des droits fondamentaux423.

Ma L.A. Gasparini, G. Costa Bozzo, Juan de Lucchi Calcagno, Francesco Mario Gasparini, José A. Hormiga Marrero, Sindicatura Quiebra', CML Rev, 2008, 45(1), p. 223.

419Conclusions de l’Avocat Général Damaso Ruiz-Jarabo Colomer présentée le 19 septembre 2002, Gözütok e Brügge, n° C-187/01 e C-385/01, cit., par. 38.

420CJUE, Gözütok e Brügge, n° C-187/01 e C-385/01, 11 février 2003, ECLI:EU:C:2003:87, par. 48. 421CJUE Gasparini et al., n° C-467/04, 28 septembre 2006, ECLI:EU:C:2006:610, par. 33.

422CEDH, Zolothukin c. Russie, n° 14939/03, 10 février 2009, par. 78–84. En particulier, la Cour EDH affirme que “La Cour doit donc faire porter son examen sur ces faits qui constituent un ensemble de circonstances factuelles

concrètes impliquant le meme contrevenant et indissociablement liees entre elles dans le temps et l’espace”.

423CJUE Zoran Spasic, n° C-129/14 PPU, 27 mai 2014, ECLI:EU:C:2014:586, point 74. Voy. contra Conclusions de l’Avocat Général Niilo Jääskinen, présentées le 2 mai 2014, n° C-129/14 PPU, Zoran Spasic, ECLI:EU:C:2014:739. Voy. V. MITSILEGAS, The Symbiotic Relationship between Mutual Trust and Fundamental Rights in Europe’s Area of Criminal Justice, New Journal of European Criminal Law, 2015, 6(4), p. 465. Sur le rapport entre l'article 55 de la CAAS et l'article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, voy. l'affaire Piotr Kossowski, n° C-486/14, 29 juin 2016, ECLI:EU:C:2016:483 et les Conclusioni dell'Avvocato Generale Yves Bot presentate il 15 décembre 2015, n° C-486/14, ECLI:EU:C:2015:812.

3.2. TITRE DEUXIÈME Configuration des règles de procédure du Parquet