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3. DEUXIÈME PARTIE Droits fondamentaux et Parquet européen

3.2.1. CHAPITRE PREMIER Pouvoirs du Parquet européen et règles de procédure du Par- Par-quet européenPar-quet européen

3.2.1.2. SECTION DEUXIÈME Admissibilité des éléments de preuve présentés par le Parquet européen et enquêtes transfrontièresParquet européen et enquêtes transfrontières

3.2.1.2.2 Enquêtes transfrontières

Le Parquet européen jouera un rôle important dans la poursuite des auteurs d’infractions relevant de sa compétence malgré une commission sur le territoire de différents États membres. En effet, comme le souligne la Commission : « Alors que la lutte contre la fraude transfrontière exigerait une coordination étroite et efficace des enquêtes et des poursuites au niveau européen, les niveaux actuels d’échange d’informations et de coordination ne sont guère suffisants, malgré́ l’intensification des efforts déployés par les organes de l’Union tels qu’Eurojust, Europol et l’Office européen de lutte antifraude (OLAF). La coordination, la coopération et l’échange d’informations se heurtent à de nombreuses difficultés et limitations, dues à une répartition des responsabilités entre des autorités relevant de juridictions territoriales et fonctionnelles diverses. L’action judiciaire de lutte contre la fraude bute quotidiennement sur des lacunes a différents niveaux et dans la liaison entre les différentes autorités, qui sont un obstacle majeur à l’efficacité́ de l’instruction et de la poursuite des infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union »493.

La création d'un Parquet européen relève d’abord de la volonté d'assurer une répression plus efficace des infractions ayant une dimension transfrontière.

Toutefois, la proposition de règlement du Conseil du 31 janvier 2017 n’apporte pas de solutions aux problématiques existantes et ne lutte pas efficacement contre les infractions au caractère transfrontière. Ainsi, l'article 26 de la proposition de règlement du Conseil du 31 janvier 2017 prévoit que « Lorsqu'une mesure doit être prise dans un État membre autre que l'État membre du procureur européen délégué́ chargé de l'affaire, ce dernier se prononce sur l'adoption de la mesure nécessaire et délègue celle-ci a un procureur européen délégué́ situé dans l'État membre dans lequel 493In tal senso, Proposition de Règlement du Conseil, COM(2013) 534 final, 17 juillet 2013, portant création du Parquet européen, {SWD(2013) 274 final} {SWD(2013) 275 final}, Relazione, Punto 1 Contesto della Proposta, p. 1.

ladite mesure doit être exécutée »494. La disposition précise également que le procureur européen délégué́ chargé de l'affaire « peut déléguer toutes les mesures auxquelles il peut avoir recours conformément a l'article 25. La justification et l'adoption de ces mesures sont régies par le droit de l'État membre du procureur européen délégué́ chargé de l'affaire. Lorsque le procureur européen délégué́ chargé de l'affaire délègue une mesure d'enquête a un ou plusieurs procureurs européens délégués d'un autre État membre, il en informe dans le même temps le procureur européen chargé de la surveillance dont il dépend »495.

Face a la nécessité d’une autorisation judiciaire pour ordonner la mesure d'enquête, la proposition de règlement du Conseil du 31 janvier 2017 prévoit deux réglementations différentes. L’exigence d’une autorisation judiciaire dépend soit de la législation de l'État membre du procureur européen délégué́ assistant, soit de la législation de l'État membre du procureur européen délégué́ chargé de l'affaire.

Dans le premier cas, « si la mesure requiert une autorisation judiciaire en vertu de la législation de l'État membre du procureur européen délégué́ assistant, ce dernier se charge de l'obtention de cette autorisation conformément a la législation de cet État membre. Si l'autorisation judiciaire relative a la mesure déléguée est refusée, le procureur européen délégué́ chargé de l'affaire retire la délégation »496. Dans le second cas, « lorsque la législation de l'État membre du procureur européen délégué́ assistant n'exige pas une telle autorisation judiciaire, mais que celle-ci est néanmoins requise par la législation de l'État membre du procureur européen délégué́ chargé de l'affaire, l'autorisation est obtenue par le procureur européen délégué́ chargé de l'affaire et présentée en même temps que la délégation »497.

La proposition de règlement prévoit ensuite que, en cas de désaccord sur l'exécution de la mesure contenue dans la délégation498, « si les procureurs européens délégués ne peuvent résoudre la question dans un délai de sept jours ouvrables et que la délégation est maintenue, la question est renvoyée a la chambre permanente compétente. Il en va de même lorsque la mesure déléguée n'est pas prise dans le délai fixé dans la délégation ou dans un délai raisonnable. La chambre permanente compétente entend, dans la mesure où cela est nécessaire, les procureurs européens délégués concernés par l'affaire et décide ensuite, conformément au droit national applicable ainsi qu'au présent règlement, sans retard injustifié́, si et a quel moment au plus tard la mesure déléguée 494Voy. article 26, al. 1 de la proposition de règlement du Conseil du 31 janvier 2017.

495Voy. article 26, al. 2 de la proposition de règlement du Conseil du 31 janvier 2017. 496Voy. article 26, al. 3 de la proposition de règlement du Conseil du 31 janvier 2017. 497Voy. article 26, al. 3 de la proposition de règlement du Conseil du 31 janvier 2017.

498L'article 26, al. 5 de la proposition du Conseil du 31 janvier 2017 établit que « Lorsque le procureur europeen

delegue assistant estime que: a) la delegation est incomplète ou comporte une erreur manifeste significative; b) la mesure ne peut pas etre prise dans le delai fixe dans la delegation, pour des raisons objectives et justifiees; c) une autre mesure moins intrusive permettrait d'atteindre les memes resultats que la mesure deleguee; ou d) la mesure deleguee n'existe pas, ou qu'il ne pourrait y avoir recours dans le cadre d'une procedure nationale similaire en vertu de la legislation de son Etat membre, il informe le procureur europeen charge de la surveillance dont il depend et consulte le procureur europeen delegue charge de l'affaire en vue de regler la question au niveau bilateral ».

nécessaire ou une mesure de remplacement est prise par le procureur européen délégué́ assistant, et communique cette décision auxdits procureurs européens délégués par l'intermédiaire du procureur européen compétent »499.

En cas d'enquêtes transfrontières, la proposition de règlement prévoit donc que le droit national sera applicable. Toutefois, elle ne précise pas sur la base de quels critères le procureur européen délégué chargé de l'affaire pourra choisir dans quel État membre conduire les enquêtes. Le procureur européen délégué chargé de l'affaire pourrait choisir de déléguer l'exécution de la mesure a plusieurs procureurs européens délégués situé dans différents États membres et demander l'autorisation judiciaire aux autorités judiciaires de tous les États membres dans lesquels sont situés les procureurs européens délégués afin d'obtenir l'autorisation judiciaire au moins par un des procureurs délégués concernés.

L'absence d'une discipline uniforme empêche l’anticipation du caractère nécessaire de l'autorisation judiciaire pour ordonner une mesure d'enquête. Ainsi, le Parquet européen pourrait choisir d'effectuer les mesures d'enquêtes dans un État où l'autorisation judiciaire n'est pas requise. Le défaut de garantie du principe de légalité procédurale menacerait sérieusement les droits fondamentaux des personnes concernées par les procédures du Parquet européen car elles ne pourraient se défendre de manière appropriée faute de prévoir la loi applicable500. En plus, les accusés devraient se faire assister par un défenseur d'autres États membres qui connaissent la loi applicable en l'espèce.

La seule option, en mesure de protéger les droits des personnes impliquées dans les enquêtes menées par le Parquet européen, serait celle de prévoir une réglementation uniforme au niveau européen, prévisible en avance et applicable sur le territoire de tous les États membres liés par le règlement instituant le Parquet européen. Dans ce cas, l'avocat de chaque État membre devrait connaître la réglementation commune européenne.

499Voy. article 26, al. 6 et 7 de la proposition de règlement du Conseil du 31 janvier 2017. L'article 27 prévoit que « Les mesures deleguees sont mises en œuvre conformement au present règlement et à la legislation de l'Etat

membre du procureur europeen delegue assistant. Les formalites et procedures expressement indiquees par le procureur europeen delegue charge de l'affaire sont respectees à moins qu'elles ne soient contraires aux principes fondamentaux du droit de l'Etat membre du procureur europeen delegue assistant » et l'article 28 stipule : « Le procureur europeen delegue charge de l'affaire peut ordonner ou demander l'arrestation ou le placement en detention provisoire du suspect ou de la personne poursuivie, conformement au droit interne applicable dans le cadre de procedures nationales similaires. 2. Lorsqu'il est necessaire de proceder à l'arrestation et à la remise d'une personne qui ne se trouve pas dans l'Etat membre sur le territoire duquel est etabli le procureur europeen delegue charge de l'affaire, ce dernier delivre ou demande à l'autorite competente de cet Etat membre de delivrer un mandat d'arret europeen conformement à la decision-cadre 2002/584/JAI du Conseil ».

500Voy. a cet égard K. LIGETI, The European Public Prosecutor’s Office, in V. MITSILEGAS, M. BERGSTROM, T. KONSTADINIDES (éds.), Research Handbook on EU Criminal Law, Cheltenham, Edward Elgar, 2015 ; A. WEYEMBERGH, C. BRIERE, Towards a European Public Prosecutor’s Office (EPPO), [disponible en ligne: http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2016/571399/IPOL_STU(2016)571399_EN.pdf], Bruxelles, Étude pour le Parlement européen, 2016.

3.2.2. CHAPITRE DEUXIÈME Garanties procédurales, protection des données à caractère