• Aucun résultat trouvé

Fut bonne en ce temps-là, beaucoup furent touchés par les plombs

3. Reprendre ceux qui s’enfuient

Lorsque des personnes fuient une guerre ou une famine, ou sont des prisonniers « civils » faits pendant une guerre, la tentation est forte pour le pays qu’elles rejoignent de les garder. C’est le cas en particulier si elles sont « qualifiées ».

La lettre A.4950 d’Išme-Dagan à Yasmah-Addu, publiée à nouveau (ARM XXVI, p.569 ;

vol2:139), donne des dispositions pour répartir les fugitifs qui arrivent de Nurrugum.

354 Ce temple, très renommé, était considéré comme le siège de l’arme avec laquelle Addu avait tué

Tiamat (la Mer) et qu’Addu aurait remise à Zimrî Lîm (voir : CHARPIN, Dominique ; DURAND, Jean-

Marie,« Fils de Sim’al : les origines tribales des rois de Mari », RA 80, 1986, p.141-185.

355 Toponyme dont on ne connaît pas la signification. Quant à Bar-Ga’ah, il est parfois identifié à Šamši-

Ilu, Araméen de haut rang devenu général assyrien (turtānu) vers 800.

356 La numérotation des lignes est celle de : DIETRICH, Manfred ; LORETZ, Oswald, „Der Vertrag

zwischen Ir-Addu von Tunip und Niqmepa von Mukiš‟, in: Crossing Boundaries and Linking Horizons, Studies in Honor of Michael C. Astour, CDL Press, Bethesda, Md, 1997, p.211-242, et non celle de The Alalakh Tablets de Donald WISEMAN (AlT 2, p.26), dont la ligne 2 devient 1, etc.

5-11Parmi les fugitifs, envoie chez moi le scribe. Garde pour toi le médecin. 12-16Garde ceux que tu veux garder. Ceux dont tu ne veux pas, envoie-les-moi. 23-24Je leur assignerai moi-même une place.

Le déficit chronique de main-d’oeuvre explique l’acharnement que met le pays dont se sont enfuies les personnes à les récupérer, comme en témoignent les clauses qui figurent dans les traités et édits hittites.

Ces clauses sont généralement asymétriques, à l’évidence en faveur du roi hittite : l’État « vassal » doit rendre ceux qui se sont enfuis (du pays hittite) sur son territoire, alors qu’il n’est « pas permis au roi hittite » de rendre un fugitif ; l’État vassal ne peut ramener chez lui un de ses propres citoyens qu’avec l’autorisation du roi hittite (dans le cas contraire, celui qui reviendrait dans son pays sans autorisation serait assimilé à un fugitif et devrait être renvoyé au Ḫatti) ; si une personne s’enfuyant d’un autre pays (en particulier du Ḫanigalbat) vient dans l’État vassal, celui-ci devra lui permettre de se rendre au Ḫatti. Ce modèle est celui des traités de Šuppiluliuma I avec Aziru d’Amurru et Tette du Nuḫašše, de Muršili II avec Niqmepa d’Ugarit et Tuppi-Tešub d’Amurru.

Le traité de paix entre Ramsès II et Ḫattušili III (deux « frères », c’est-à-dire deux souverains se reconnaissant de même importance) a des clauses très généralement symétriques à l’exception - dans la version en akkadien du traité - de celle qui concerne le cas d’un Grand qui s’enfuirait soit du pays hittite, soit d’Égypte. Dans le premier cas, le Grand hittite fuit chez Ramsès (et celui-ci doit le renvoyer au roi du Ḫatti), mais le second cas n’envisage pour le Grand égyptien qu’une fuite chez le roi d’Amurru (et c’est alors à Bentešina, roi d’Amurru, de l’envoyer à son seigneur Ḫattušili, et à celui-ci de le renvoyer à Ramsès). Cette clause surprenante n’existe pas dans la version en égyptien du traité, qui est parfaitement symétrique. Signifie-t-elle que les Hittites, auteurs de la version en akkadien, se méfient de l’attitude ambiguë d’Amurru qui, revenu récemment dans la mouvance hittite, pourrait être tenté, « à la frontière », d’intercepter le fugitif égyptien et de le rendre lui-même au pharaon pour conserver avec lui de bonnes relations ?

Quelques textes entre les Hittites et un État vassal échappent au modèle asymétrique précédent.

Il est exceptionnel qu’un souverain hittite accorde le droit de conserver des fugitifs. C’est pourtant le cas de Šuppiluliuma I, qui écrit à Niqmaddu II avant la première guerre syrienne pour le dissuader de se joindre aux États rebelles (notablement le Mukiš et le Nuḫašše) et lui promet qu’on ne pourra pas lui réclamer les personnes de ces deux pays - ou « d’autres

pays » - qui se sont enfuies chez lui. Cette disposition est confirmée dans le traité entre ces deux rois (à noter qu’il est peu probable que le Ḫatti fasse partie des « autres pays » ...).

De même, Šarri-Kušuḫ, fils de Šuppiluliuma devenu roi de Karkemiš, promet à Niqmaddu, s’il attaque Tette du Nuḫašše avant qu’il l’ait fait lui-même (et seulement dans ce cas), qu’il pourra garder les personnes qu’il aura prises au Nuḫašše ou qui se seront enfuies chez lui.

Plus exceptionnel encore, car les rois hittites ne rendaient en principe jamais les fugitifs (Muršili II dit que cela ne leur est « pas permis »), l’édit d’Ḫattušili III (RS 17.238 ; vol2:140) est surprenant à plusieurs titres. Ce texte en deux parties ressemble à une description de la société d’Ugarit ; il a été longuement étudié et régulièrement interprété en des termes de catégorie sociale (voir TAU, note 246, p.85, à ce sujet) :

1-10Sceau du Tabarna Ḫattušili, le grand Roi. Si un serviteur du roi d'Ugarit, ou un fils d'Ugarit, ou un serviteur d'un serviteur d'Ugarit s'en va et pénètre dans le territoire des ḫapiru du Soleil, (moi), le grand Roi, je ne l'accepterai pas, je le rendrai au roi d'Ugarit.

11-19Si des fils d'Ugarit rachètent contre argent quelqu'un d'un autre pays (et s’)il s'enfuit d'Ugarit et entre chez les ḫapiru, (moi) le grand Roi, je ne l'accepterai pas, je le rendrai au roi d'Ugarit.

Mais pourquoi ce document d’origine hittite décrirait-il la société ougaritaine ? N’y a-t-il pas là plutôt, comme le pense Masamichi Yamada357, une façon de dire que l’édit concerne toutes les personnes qui sont sous l’autorité du roi d’Ugarit, libres (première partie) ou non (deuxième partie) ? L’interprétation la plus récente est celle, non sans rapport, de Lorenzo d’Alfonso358, qui suggère d’examiner le texte comme la définition de la structure sociale d’Ugarit telle que vue par la cour hittite au regard de la problématique d’extradition des (individus) réfugiés.

On peut par ailleurs s’interroger sur l’expression a-na À-bi A.ŠÀ (ana libbi eqli, traduite par : « dans le territoire »), qui signifie sans doute que les LÚ SA.GAZ dUTU-ši (les ḫapiru qu’utilise le roi hittite) ont reçu des terres en échange de leurs loyaux services. Ces terres sont-elles suffisamment proches du royaume d’Ugarit pour expliquer leur attrait ? Ou est-ce la condition de ḫapiru qui tente certains habitants d’Ugarit ?

La dernière question porte sur les raisons qui poussent le roi hittite à accéder à une demande, sans doute, du roi d’Ugarit et à s’engager à renvoyer quiconque essayerait de

357 YAMADA, Masamichi, "The Hittite Social Concept of “Free”", AoF 22, 1995, p.297-316.

358 d’ALFONSO, Lorenzo, "ʿServant of the king, son of Ugarit, and servant of the servant of the kingʾ: RS

17.238 and the Hittites", in: Pax Hethetica, Studies on the Hittites and their Neighbours in Honour of Itamar Singer, Harrassowitz Verlag, Wiesbaden, 2010, p.67-86.