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2. L'Égypte et la Syrie : l'administration de provinces

Les liens, on le sait, sont anciens. En témoignent ceux établis très tôt par l'Égypte avec Byblos, ou encore les statues votives déposées par les pharaons au XVIIIe siècle dans les temples de villes comme Ugarit et Qaṭna.

Mais c'est sous la XVIIIe dynastie, et particulièrement pendant le règne de Thoutmosis III (milieu du XVe siècle), que l'Égypte débute une politique d'expansion en Syrie (les textes égyptiens désignent celle-ci par le mot Retenu, rṯnw, et sa partie sud plus particulièrement par Djahy).

Le règne de Thoutmosis III est antérieur au champ de la présente étude, mais sa longueur et ses succès ont eu au Levant une influence trop importante sur la période ultérieure pour ne pas l'évoquer.

Les Annales de Thoutmosis III, gravées sur un mur du temple d'Amon à Karnak, rapportent les guerres du Levant, décrivant les 16 (ou 15) campagnes menées de l’an 22 à l’an 42 de son règne. Les deux plus importantes, en tout cas les mieux documentées, sont la première, pendant laquelle le pharaon prend Gaza puis Meggido après un long siège, et la huitième qui le voit aller au nord jusqu'à Karkemiš, sur l'Euphrate.

Thoutmosis III meurt vers 1425. Son successeur, Aménophis II (Amenhotep II), va intervenir trois fois dans la même région contre le Mitanni (sans véritable bataille), jusqu'à ce que, vers 1400, l'Égypte et le Mitanni mettent progressivement fin à leurs rivalités devant la renaissance de l'empire hittite.

Au XIVe siècle, le règne d'Aménophis III (environ 1403-1364) est une période de paix. Le règne d'Aménophis IV (environ 1364-1347), qui lui succède, voit baisser l'influence égyptienne en Syrie, monter la puissance hittite et décliner celle du Mitanni. C'est l'époque documentée par les lettres d'El Amarna.

Il faut attendre le XIIIe siècle pour que la XIXe dynastie égyptienne, avec Séthi I, puis Ramsès II, affronte militairement l'empire hittite pour le contrôle de la Syrie-Palestine. La célèbre bataille de Qadeš entre Muwatalli II et Ramsès II est indécise, et Ramsès II se retire. Une nouvelle menace, la montée d'un empire assyrien, incite Ḫattušili III à conclure avec Ramsès II, vers 1270, un traité qui fixe le partage de leurs zones d'influence en Syrie.

Pour autant, le rayonnement culturel de l'Égypte ne cesse pas sur le nord de la Syrie et les relations commerciales restent vivaces, comme le montre l'exemple d'Ugarit.

Les lettres d’El Amarna195

On dispose, au XIVe siècle, du témoignage des lettres d’El Amarna.

Les tablettes trouvées à El Amarna sont en majorité des lettres (350 sur 382), qui datent pour certaines du règne d'Aménophis III et, pour la plupart, de celui d’Aménophis IV.

Moins de 50 de ces lettres sont « échangées » (on dispose en fait surtout de celles qui sont reçues) entre le roi d’Égypte et les rois « frères », c’est-à-dire d’États tels que la Babylonie, le Mitanni, l’empire hittite et à partir du XIVe siècle l’Assyrie. Elles concernent principalement des alliances matrimoniales et des échanges de cadeaux.

L’Égypte n’est pas en contact territorial direct avec les États « frères » : elle ne l’est qu’indirectement, par l’intermédiaire des petits États dont l’allégeance est disputée, notamment ceux de Syrie et de Palestine. C’est sans doute pourquoi, dans la correspondance avec les rois « frères », on trouve surtout des mots évoquant la périphérie, comme limītu (du verbe lawû, entourer), qui désigne le périmètre, les environs, ou encore

qannu, qui a le sens de région frontière et de frange.

Ainsi, on lit, dans la lettre EA 1 qu'Aménophis III écrit à Kadašman-Enlil I de Babylone : LUGAL šá li- mi-ti-ka, qu’on peut traduire par : « les rois tes voisins ». De même, dans EA 11, Burna-Buriaš II de Babylone écrit à Aménophis IV : LUGAL šá li-mi-ti-ia ra-bu-ti, « les rois puissants, mes voisins ». Dans EA 9, Burna-Buriaš II, roi de Babylone, rappelle à Aménophis IV la fidélité à l’alliance égyptienne de son ancêtre Kurigalzu, qui avait refusé la proposition faite par les Cananéens de venir jusqu’à la frontière (qannu) pour leur permettre de se révolter contre le roi d’Égypte.

Plus de 300 lettres196 proviennent des États de Syrie et Palestine, région en contact direct, et apportent un éclairage précieux sur leurs relations avec l'Égypte, montrant une asymétrie évidente entre leurs attentes respectives, à laquelle il faut ajouter les malentendus nés de la « barrière d’une langue (d'écriture) commune »197.

195 Voir : KNUDTZON Jørgen A., Die El-Amarna-tafeln, J. C. Hinrichs, Leipzig, 1908-1915.

Et : MORAN, William L., The Amarna Letters, The John Hopkins University Press, Baltimore, 1992.

196 Voir l’édition électronique de ces lettres, Amarna letters from Canaan. and vicinity, faite par Shlomo

IZRE’EL sur le site http://www.tau.ac.il/humanities/semitic/amarna.html, Electronic Version of the

Amarna Tablets). Elles composent la majorité des lettres EA 60 à EA 381, quelques tablettes de contenu varié formant le complément.

197 “United States and Great Britain are two nations separated by a common language” (George

Mario Liverani198 illustre ce point de plusieurs exemples, comme l’emploi du verbe balāṭu (vivre). Le

pharaon est responsable de la survie physique de ses sujets directs et doit leur fournir les vivres nécessaires à cet effet. Mais lorsque les rois étrangers apportent leur contribution au pharaon en échange du « souffle de vie », il ne s’agit en fait de la part du pharaon que d'accepter qu’ils continuent à gouverner leur pays - alors qu’ils pensent avoir acquis le droit de recevoir des vivres …

Les trois provinces égyptiennes en Syrie au début du XIVe siècle199

Le pouvoir égyptien ne soucie pas de préciser les limites entre les petits États de cette région qu’il répartit et administre en trois provinces dont les sièges sont au début du

XIVe siècle, selon William Moran : Gaza, Kumidu et Ṣumur.

Dans chacune, un officiel égyptien, qui ne porte pas toujours un titre précis (on trouve

rābiṣu, qu'on traduit généralement par « commissaire », ou commissaire du roi, rābiṣ šarri), veille aux intérêts égyptiens, à ce que le tribut soit versé, à ce que le domaine royal soit pourvu en main-d'œuvre et à ce que le logement et le ravitaillement des « archers » (armées égyptiennes) soit assuré. Il a autorité sur tous les fonctionnaires égyptiens de son territoire et sur les autorités locales, « maire » (hazannu), roi (šarru) ou prince (wr en égyptien) ou simplement homme (awīlu).

198 LIVERANI Mario, "Political Lexicon and Political Ideology in the Amarna Letters", Berytus

Archeological Studies XXXI, The American University of Beirut, Beirut, 1983, p.41-56.

Le commissaire de Gaza contrôle le pays de Canaan et la côte sud ; celui de Kumidu la province d'Apu (de Qadeš au nord jusqu'à Hazor, et au-delà de Damas à l'est) ; enfin celui de Ṣumur le pays d'Amurru, la côte de Byblos à Ugarit et la région est jusqu'à l'Oronte.

Ces trois régions, et surtout celles de Kumidu et de Ṣumur, forment au début du

XIVe siècle la limite avec le Mitanni, dont l'influence s'étend entre autres sur Alep, Alalaḫ, Qadeš.

L'époque d'El Amarna va voir l'émergence d'un État d'Amurru, qui va jouer un rôle international et régional important. Le chapitre « Sur la frontière … » le détaillera.