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Représentations originelles et stéréotypes

Dans le document DES INFIRMIERES FACE AU SIDA (Page 45-47)

2. METHODOLOGIE

La méthodologie mise en oeuvre pour identifier et distinguer les représentations originelles et les représentations périphériques nécessite une explication.

Nous avons procédé en deux temps, en étayant notre démarche sur des matériaux différents.

Dans un premier temps, nous avons repris les documents majeurs appartenant à l'histoire du sida (documents scientifiques et documents médiatiques) pour retracer l'évolution des premières conceptions du phénomène.

Cette démarche s'apparente à une histoire des idées qui retrouve et resitue dans le passé certains éléments bien datés sur le plan chronologique pour bien les distinguer de ceux qui sont recueillis dans le présent. Il s'agit là de la première étape de notre analyse qui prend appui sur la lecture du matériel socio-culturel que nous exposons en premier lieu. Les thématiques qui ont été repérées au cours de cette phase de l'analyse ont été désignées comme "stéréotype", dans la mesure où la démarche qui a permis de construire celui-ci s'apparente à celle qui a été mise en oeuvre par Gilman (1988). Il a été nécessaire de recourir à cette stratégie dans la mesure où nous ne disposons pas d'un matériel d'entretiens recueilli en 1981 permettant de mesurer de manière longitudinale l'évolution des représentations des acteurs. De toutes façons, compte tenu du décalage entre la production des idées scientifiques et leur diffusion dans les sphères non-scientifiques du champ social, ces entretiens n'auraient pas apporté grand-chose concernant le sida - phénomène inconnu de la majorité de la population, en France, au début des années 1980.

Dans un deuxième temps, nous avons cherché à identifier, au travers de l'analyse des entretiens, d'une part la permanence des éléments repérés comme stéréotypiques et originels - dans le cadre de l'analyse des documents, et, d'autre part, leur efficacité et leurs effets éventuels sur les processus de structuration des représentations supposés être plus directement liées à l'expérience de la proximité avec des personnes porteuses du virus. Cette deuxième démarche abolit, en quelque sorte, la première dans la mesure où elle vise à retrouver dans le présent les éléments attribués au passé soit tels quels, soit sous une forme travestie et remaniée par l'expérience.

Ces deux démarches prises dans leur ensemble renvoient à la conception de M. de Certeau: "La psychanalyse et l'historiographie ont donc deux manières différentes de distribuer l'espace de la mémoire. Elles pensent autrement le rapport du passé et du présent. La première reconnaît l'un dans l'autre; la seconde pose l'un à coté de l'autre. La psychanalyse traite ce rapport sur le mode de l'imbrication (l'un dans la place de l'autre), de la répétition (l'un reproduit l'autre sous une autre forme), de l'équivoque et du quiproquo (quoi est <<à la place>> de quoi ? Il y a partout des jeux de masque, de retournement et d'ambiguïté). L'historiographie considère ce rapport sur le mode de la successivité (l'un après l'autre), de la corrélation (proximités plus ou moins grandes), de l'effet (l'un suit l'autre) et de la disjonction (ou l'un ou l'autre mais pas les deux à la fois). " (de Certeau: 1987, p. 99).

Notre démarche se décompose donc en deux moments. D'une part, identifier les contenus des premières informations parues sur le sida jusqu'en 1986, c'est à dire jusqu'au moment où s'effectue une modification du contenu de ces informations (cf. Gilman, 1988). D'autre part, repérer et identifier la présence de ces mêmes éléments dans les entretiens que nous avons recueillis ainsi que les éléments qui s'en distinguent et qui manifestent, par leur présence, soit une

évolution par rapport aux premières représentations, soit l'expression de ces premières représentations sous une autre forme.

Cette démarche a donc pour fonction de nous donner les moyens d'identifier, à partir de l'analyse de discours socialement diffusés, des éléments thématiques que l'on peut indiscutablement situer dans le passé (aux premiers stades de l'histoire du sida) afin de vérifier s'ils sont toujours présents - et sous quelle forme - dans les discours recueillis en 1989/1991 auprès des personnes que nous avons interrogées ; de repérer les nouveaux éléments thématiques élaborés depuis cette date, en fonction des expériences spécifiques de ces acteurs.

Cette démarche est fondée sur un postulat selon lequel il y aurait une homologie entre des éléments situés sur la scène du social (diffusion scientifique, culturelle et médiatique) et des éléments situés dans les discours individuels. Les premiers rempliraient, du point de vue psychologique, une fonction structurante et dynamique par rapport à l'élaboration de l'expérience personnelle en systèmes de représentations. On serait donc confrontés à une articulation entre des éléments situés et repérables dans le champ social avec des éléments situés et repérés dans les discours individuels - qui font bien évidemment partie du champ social- mais qui remplissent d'autres fonctions dans la dynamique psychologique des individus. Dans cette perspective, les éléments repérés dans le champ social sont utilisés pour comprendre le fonctionnement des matrices psychologiques des représentations. A l'inverse, ce postulat permettrait d'utiliser les matrices repérées dans les discours individuels pour comprendre le fonctionnement des systèmes de représentations situés dans le champ social, sous forme de texte.

Le stéréotype trouverait son efficacité structurante du fait même de son organisation thématique qui associe et oppose en même temps le sexe et la mort et qui propose des mises en relation et/ou en opposition entre soi et les autres (ainsi qu'une hiérarchie entre les différents autres). C'est la structure contradictoire du stéréotype qui lui permet de fonctionner comme "appareil participant à la structuration des économies psychiques, et plus particulièrement, comme appareil réducteur des angoisses " tel que cela a été développé par P. Ansart à propos des idéologies politiques (Ansart: 1976, p. 446).

Il s'agit donc d'une méthode d'analyse qui prend appui sur la confrontation de documents de type différents: des textes scientifiques et journalistiques, d'une part, et des entretiens recueillis auprès d'individus et retranscrits pour être traités comme des textes.

Dans le document DES INFIRMIERES FACE AU SIDA (Page 45-47)