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LA PROJECTION DANS L'AVENIR

Dans le document DES INFIRMIERES FACE AU SIDA (Page 70-72)

Sida et sang

4. LA PROJECTION DANS L'AVENIR

Le thème de l'avenir constituait l'une des questions projectives proposées au cours des entretiens. Elles ont permis de faire apparaître deux thématiques différentes.

L'avenir du "sida" est principalement envisagé comme entre les mains de la recherche scientifique qui mettra au point vaccins et traitements, ou "n'importe quoi" permettant de se débarrasser du "sida":

"L'avenir ? Bin, moi je pense surtout, je raisonne en termes de traitement médical, , de progrès. Je pense qu'il y a beaucoup de gens compétents qui travaillent là-dessus et que ça peut peut-être déboucher sur des, sur des soins quoi, sur des…mais pour l'instant l'avenir, je le vois pas très très rose, hein, pas spécialement. Monique AS. "Bin, , je sais pas, j'espère que très vite, on va trouver, on va trouver un vaccin, d'après ce que je peux entendre, ça m'a pas l'air pour tout de suite" Muriel AS.

"Peut-être qu'on arrivera à trouver un médicament, un vaccin ou n'importe quoi qui puisse enrayer, donc, le processus du sida, mais pour l'instant on a rien. Ou pas grand chose. l'A.Z.T., bon, c'est pas, ça a pas encore donné de grands résultats. Enfin, pour l'instant il n'y a pas de médicament miracle pour le sida." Muriel.

Cette représentation apparaît comme portée par une causalité externe. L'éradication du "sida" est essentiellement attribué aux "savants" et à l'efficacité hypothétique des traitements pharmacologiques à venir. "L'avenir" n'a jamais été envisagé par les locuteurs en termes de maîtrise et de contrôle par des actions de prévention primaire, comme si le "sida" apparaissait comme incontrôlable à l'aide de ces moyens.

"J'espère que les chercheurs vont trouver assez vite, parce que sinon ça va être quelque chose d'assez dramatique... au niveau de la contamination... de l'ampleur du... Je pense que ça va être un nouveau fléau !" Geneviève.

Parallèlement à l'attente du "magic bullet", l'évolution de la situation est perçue comme catastrophique et allant de pire en pire, ce qui apparaît au travers de l'expression de la fatalité et avec le recours aux métaphores des grandes épidémies du passé.

"J'espère qu'on va trouver un traitement, je pense qu'on va y arriver, ou un vaccin ou je ne sais quoi, on finira bien par trouver, je pense. On finira par en venir à bout comme on est venu à bout de différentes maladies hein. Il y a eu la peste, il y a eu plein de maladies, il y a eu des morts et des morts et à la fin on a trouvé un traitement, bin, c'est pareil. Enfin, moi je vois ça comme ça. Chaque époque a eu sa maladie, bon en 1980-90, c'est le sida, , en l'an 2000 ce sera autre chose." Bénédicte.

"Bon, en même temps quand on voit les pays d'Afrique, je sais pas, je me dis que en même temps, on est, on est peut être encore qu'à la veille de quelque chose d'encore pire quoi. Je sais pas. Muriel AS.

de nos entretiens et qu'elle n'ait pas non plus fait l'objet d'expression spontanée de la part des personnes interviewées.

Ces projections dans l'avenir donnent donc une représentation du "sida" qui oscille entre la réduction du phénomène à la condition de maladie maîtrisée par la science et la médecine modernes et son expansion épidémique comme catastrophe incontrôlable.

De façon globale, le thème de la maladie, qui représente une des perspectives principales d'évolution de la représentation du "sida", remplit une fonction défensive double : le thème de la maladie fonctionne d'une part, comme une forme de banalisation du thème de la faute et de la culpabilité. En prenant la forme d'une maladie, le "sida" perdrait ses caractéristiques liées à la faute; d'autre part, ce thème fonctionne comme une sorte de contenant réducteur de la dimension catastrophique associée à la dimension épidémique et au sentiment de perte de contrôle qui l'accompagne.

Sur un autre versant, la représentation du sida comme "maladie" replace celui-ci sous le contrôle sécurisant de la médecine; c'est à dire en en excluant les dimensions de condition globale et la possibilité de maîtrise par la gestion des comportements.

La gestion du phénomène "sida" au moyen d'une maîtrise des comportements apparaît comme illusoire voire même impossible dans la mesure où elle réactiverait les dimensions liées à la faute et à la culpabilité et placerait tout le monde sur le même plan. L'attribution du "sida" aux "autres" constitue, à ce stade, le mécanisme de défense le plus efficace sur le plan fantasmatique.

LE SIDA ET LES GROUPES: "NOUS", "EUX" ET

"LES AUTRES"

L'analyse de la catégorie "groupe" constitue le deuxième moment de l'analyse des représentations originelles. Elle nous a permis de repérer les caractéristiques et les attributs des personnages décrits sous forme de "groupe" ainsi que les situations dans lesquelles ils sont représentés par les locuteurs. Les énoncés regroupés sous la catégorie "condition-concept" constituent le versant à la fois abstrait (conceptuel) et concret (immédiat) de la représentation du "sida", alors que ceux qui sont traités dans la catégorie "groupe" constituent l'indicateur d'une première modalité de personnalisation du phénomène du "sida". Du fait de son caractère généralisateur, la catégorie de "groupe" se situe à mi-chemin entre la "condition" et "l'individu". En outre, le "groupe" constitue une catégorie centrale de notre schéma d'analyse du fait de la visibilité sociale de la notion épidémiologique de "groupes à risques" et de son utilisation par le sens commun qui structure l'opposition entre "nous" et "eux" (Goldstein: 1991). La présentation de notre analyse vise donc à montrer comment le recours à la catégorie du "groupe" apparaît, dans un premier temps, comme la poursuite des thématiques présentées dans la catégorie "condition" par l'équivalence attribuée aux "homosexuels et aux "toxicomanes" regroupés dans le registre

d'une contamination par voie sexuelle et coupable; dans un second temps, comment elle s'en détache, notamment par le biais de l'introduction d'une différenciation entre les "homosexuels" et les "toxicomanes" d'une part, et entre ces deux groupes et d'autres groupes (les jeunes, les enfants, les vieux, les femmes); enfin, comment l'apparition et l'utilisation de la catégorie de "malades" constitue un remaniement des premières catégories stigmatisantes. En outre, nous avons tenté de faire ressortir la double dynamique défensive qui est élaborée par les locuteurs, au moyen de la chronologie - c'est à dire comment certaines représentations sont situées dans le passé et d'autres dans le présent de leur expérience, au moyen de l'attribution à d'autres que soi-même de représentations, d'attitudes et de conduites à l'égard des personnes atteintes.

Dans le document DES INFIRMIERES FACE AU SIDA (Page 70-72)