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Analyse de contenu : représentations originelles et représentations périphériques

Dans le document DES INFIRMIERES FACE AU SIDA (Page 48-50)

Pour mettre en évidence ces systèmes de représentations, leur organisation et leur évolution éventuelle, il a été nécessaire de définir des indicateurs thématiques permettant de distinguer les représentations considérées comme originelles des représentations supposées être liées aux situations de rencontre, dans les entretiens que nous avons recueillis.

Nous avons donc construit une grille d'analyse qui découpe l'objet "sida" en trois catégories:

CONDITION GROUPE INDIVIDU

Nous avons choisi d'utiliser ces catégories d'analyse, pour éviter de nous trouver enfermés dans les catégories pré-construites du discours bio-médical. C'est à dire de nous servir du discours bio-médical comme grille d'analyse de notre matériel. Dans la mesure où l'on sait que les représentations de la santé et de la maladie ne sont pas réductibles au discours médical (Herzlich: 1969), il importait de nous doter d'un instrument d'analyse permettant d'identifier les différents référents thématiques employés par les locuteurs ainsi que leur organisation structurale.

La catégorie de "condition" vise à repérer les énoncés qui prennent pour objet "le sida", à l'exclusion de toute référence principale aux groupes et aux

personnes. Cette catégorie nous permet donc de considérer que "le sida" n'est pas représenté uniquement comme une maladie (il peut l'être et il peut ne pas l'être) mais aussi d'envisager que "le sida" puisse être représenté comme tout autre état ou attribut. Il s'agit de la dimension restrictive de cette catégorie. En outre, cette catégorie a une visée extensive dans la mesure où elle vise à regrouper les énoncés qui traitent du "sida" et qui ne se situent pas seulement dans le registre de la maladie. Il s'agit notamment de prendre en compte les

métaphores (Sontag: 1989 ; Hughey et coll. 1988) utilisées par les locuteurs

pour désigner ou qualifier le "sida". Elle permet de considérer que la séropositivité ou le sida ne sont pas seulement des notions bio-médicales mais mobilisent d'autres réseaux de signification pouvant être empruntés à d'autres champs conceptuels et thématiques (Gilman: 1988 ).

La construction de la catégorie de "groupe" est fondée sur l'utilisation sociale de la catégorie épidémiologique de "groupe à risque" qui a fonctionné et qui continue de fonctionner dans le discours social. Par ailleurs le recours à cette catégorie renvoie à la psychologie sociale des relations inter-groupes et notamment des relations de stigmatisation dans lesquelles les oppositions entre soi et l'autre sont pensées en termes de valorisation du groupe d'appartenance et de dévalorisation des "out-groups" (cf. Adorno et al.: 1950). Dans le contexte qui est le nôtre, l'utilisation de la catégorie de groupe, comme catégorie d'analyse nous a permis d'une part, de repérer les processus d'attribution du "sida" à d'autres que soi, ainsi que les clivages et les hiérarchisations établies entre ces différents "autres" et, d'autre part les représentations de ces "autres" sous une forme collective plutôt que sous une forme individualisée. L'utilisation de cette catégorie vise donc à identifier, d'une part, le recours au "groupe" en tant qu'il signifie une désignation des individus sous l'angle du collectif plutôt que sous l'angle de l'individualisation et d'autre part, les "groupes" qui sont pris en compte dans le discours, ainsi que ceux qui ne sont pas abordés par les locuteurs, et les hiérarchies qui sont établies entre les différents groupes représentés.

La catégorie d'"individu" nous a permis de prendre en compte les énoncés dans lesquels un individu identifié comme tel et bien distingué d'autres individus, est décrit par les locuteurs. La présence de tels énoncés constitue l'indicateur thématique de l'évolution de l'expérience individuelle dans le registre d'une relation individualisée et forte avec un patient ou avec toute autre personne. Ceci repose sur le principe selon lequel l'expérience effective des locuteurs peut faire l'objet d'une énonciation dans l'une ou l'autre des trois catégories et que le recours à cette dernière catégorie témoigne de l'instauration d'une telle relation. Par ailleurs, la distinction entre la catégorie de "groupe" et la catégorie d'"individu" nous a permis de repérer les situations où les individus sont nettement singularisés et celles où ils ne sont que des illustrations du groupe auxquels ils sont référés.

Sur les plans dynamique et structurel, on a supposé que les deux premières catégories (condition et groupe) renvoient préférentiellement au stéréotype et

aux représentations originelles et que la troisième renvoie plus spécifiquement à la dimension périphérique directement liée à l'expérience actuelle.

Le choix de cette construction est fondé sur une première lecture de nos entretiens. Ceux-ci ont débuté avec la consigne: "Quel est votre plus ancien souvenir du sida ?" A cette consigne de départ, les personnes interrogées ont choisi spontanément de situer les premières séquences de leur discours autour du thème du "sida" considéré comme "condition", d'évoquer une personne bien spécifiée porteuse de cette "condition", ou bien enfin d'aborder le problème en parlant d'un "groupe" (et souvent d'un "groupe à risque"). Suivant les cas, ces trois dimensions ont été abordées par les locuteurs, exclusivement ou complémentairement en fonction de l'évolution de leur récit.

Par ailleurs, ce choix est aussi fondé sur l'expérience de nos précédentes recherches dans le champ des représentations du handicap (Giami et al.: 1988) ainsi qu'à d'autres recherches sur les attitudes à l'égard des personnes handicapées (Siller: 1986; Altmann: 1981) qui ont fait apparaître le caractère flou et polysémique du stimulus "Handicap" lorsque celui-ci est utilisé comme consigne d'interview ou comme objet référent dans les échelles visant à mesurer les attitudes. En effet, le terme de "Handicap" peut être compris comme désignant la "condition handicapée" ou bien comme renvoyant à une ou des personnes porteuses de cette condition. On a donc supposé que le terme de "sida" fonctionnait de façon comparable au plan de l'organisation de ces différentes catégories.

Dans le document DES INFIRMIERES FACE AU SIDA (Page 48-50)