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Les trois sous-ensembles:

Dans le document DES INFIRMIERES FACE AU SIDA (Page 176-178)

Le sous-ensemble 1 (les élèves) est donc nettement bipolaire. On peut admettre que les tout-débutants vis-à-vis du VIH (qui ne sont pas tous en première année d'études, et qui sont souvent, dans notre population, des élèves en psychiatrie) sont sensiblement représentatifs des membres tout-venant de leur classe d'âge. On n'est pas surpris de constater que ceux qui ont reçu un enseignement sont capables d'en rendre compte avec exactitude et brio, tandis que ceux qui ont seulement une expérience pratique expriment le vif besoin d'un enseignement. Les plus à leur aise sont ceux qui ont bénéficié d'un stage bien encadré et de cours magistraux intégrés dans un ensemble intelligemment structuré. Tout semble alors se passer, sans surprise, comme s'ils accédaient rapidement, de plain-pied, à un bon niveau de qualification. A la différence de leurs aînés, ils ont atteint l'âge adulte dans un monde où le sida les avait précédés, ils n'ont pas eu à considérer comme fautives des pratiques auparavant tolérées, ils n'ont pas eu à lutter contre des automatismes lentement acquis et longuement consolidés; d'emblée, par exemple, ils sont entraînés à travailler à mains gantées; ils n'ont pas été pris au dépourvu par un afflux de patients présentant des particularités déroutantes, des exigences insolites. Ils semblent moins vulnérables aux paniques que leurs aînés.

Le sous-ensemble 2 est en fait un rassemblement. C'est en lui que se situent la grande majorité des personnes rencontrées. A l'image des établissements de la région Ile-de-France, où elles travaillent, ces infirmières diffèrent entre elles par bon nombre de traits: les conditions matérielles et psychologiques de leur travail, le degré de spécialisation et le niveau technique du service, leur parcours professionnel, leurs connaissances, leur âge, leur degré de satisfaction, etc. Cependant il a paru possible d'atteindre et de décrire en une seule fois leurs représentations des porteurs du VIH, du virus et de la maladie (cf. travaux d' Alain Giami).

Le sous-ensemble 3 (infirmières particulièrement expertes en sida) est constitué par un noyau de six infirmières (Angèle, Anita, Astrid, Aude, Audrey, Augustine) travaillant dans les services de pointe de trois hôpitaux différents de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Il est opportun d'en rapprocher un groupe institutionnel (Audierne) observé dans un de ces services. On a étudié parallèlement à titre d'élément de comparaison les comptes rendus des entretiens de trois des infirmières ayant une grande expérience du travail dans les services non spécialisés dans la lutte contre le VIH mais accueillant constamment des sidéens parmi d'autres malades gravement atteints. Les six infirmières des services de pointe ont entre elles des points communs,

notamment de se plaindre beaucoup moins que d'autres de l'insuffisance de leur formation. Elles sont dans la force de l'âge (aucune n'a moins de 25 ans, une seule a plus de 35 ans). Plusieurs se déclarent spontanément satisfaites de leur travail: "J'adore ce que je fais", dit Angèle. Le ton général est détendu, sauf exception sur laquelle nous reviendrons. Plusieurs de ces entretiens ont été ponctués de rires, non pas de rires gênés mais de rires francs, événement rare, on s'en doute, dans une telle enquête (moins rare cependant dans les groupes, où les rapports sont autres). En revanche, les neuf infirmières insistent immanquablement sur le fait qu'elles ne peuvent s'habituer à voir mourir tant de malades qu'elles finissent par bien connaître et avec qui elles ont souvent une relation sincère, voire intense et profonde. Les deuils à répétition sont épuisants.

C'est aussi dans des termes analogues que toutes font état de la forte "demande" dont elles sont l'objet de la part des malades et de leur entourage:

Tous les malades ont besoin de parler, tous les malades ont besoin d'écoute, mais eux plus que les autres, surtout. Aviva

Elles ne se plaignent pas de cette sollicitation, que pour la plupart elles disent même considérer comme une composante fondamentale de leur rôle professionnel, mais cette charge qui pèse constamment sur elles est difficile à gérer.

En quelques phrases toutes simples, Aurélie rend compte de ce qu'elle ressent. R: ... on peut pas passer au vestiaire et et rentrer chez soi sans penser aux gens qu'on a laissés ici, on passe une grande partie de notre temps ici. Surtout que moi je dors beaucoup, alors (petit rire)

Q: alors finalement ça se continue en dehors de la présence R : oui bien sûr

Q : comme une relation personnelle

R : oui. Ben oui ça fait partie, enfin moi ça fait un peu partie de ma vie. C'est des gens que je rencontre, on discute, on approfondit plus ou moins nos relations

Q : ils vous racontent leur vie R: oui.

Q: et vous avez du temps pour les écouter R: ben on le prend le temps

Q: comment ça se passe quand vous voyez qu'ils sont eux-mêmes attachés, qu'ils ont besoin de vous ?

R: ben moi ça me fait plaisir, au moins je me dis que je sers à quelque chose, que, bon ça me fait plaisir

Q : ça ne vous pèse pas trop ? R : non au contraire, j'aime bien.

Un peu plus tard, elle dit:

Q: ...quel genre de relations vous avez avec une personne qui est tout à fait en phase

terminale, comment est-ce que vous vous en occupez, qu'est-ce que vous faites?

R: discuter quoi, on a beaucoup de travail et et en fait c'est pendant les soins qu'on peut discuter, qu'on peut établir une relation avec le malade. Et c'est dans ce moment-

là précis, au moment de la toilette, c'est le moment où on reste le plus longtemps avec le malade

Q: ils veulent qu'on leur prenne la main ou ? R: quelquefois ils nous la prennent

Q: et qu'est-ce que ça vous fait à ce moment-là ? R : ff ça me fait mal au coeur, mais je suis contente Q : est-ce que pour vous c'est important ces moments-là ?

R: bien sûr oui. Oui parce que c'est dur de se retrouver seul, de savoir qu'on va mourir (silence)

Q : à ce moment comme vous disiez vous êtes contente d'être là R: oui. mm. Oui je crois que je suis contente oui.

En quoi les infirmières du sous-ensemble 3 diffèrent-elles de

Dans le document DES INFIRMIERES FACE AU SIDA (Page 176-178)