• Aucun résultat trouvé

La représentation de T.N., Conseiller du Président : 1 La vision proprement dite :

T ROISIEME PARTIE : E TUDE EMPIRIQUE

Chapitre 7 : Le cas Constructex :

III. Représentations individuelles de la vision de Constructex :

III.1 La représentation de T.N., Conseiller du Président : 1 La vision proprement dite :

Dans notre entretien avec le conseiller du président, celui-ci utilise le mot vision. Nous supposons que notre interlocuteur utilise ce terme pour faciliter le dialogue avec le chercheur, mais que le terme en vigueur au sein de l’entreprise est celui « d’ambition ». En effet, le document récapitulant les principes d’actions et qui a servi de support à une partie d e notre entretien, parle d’ambition.

Celle-ci est actuellement « d’être un leader mondial des matériaux de construction ». Les propos de T.N. sont donc cohérents avec le noyau collectif.

Contrairement au noyau, dans lequel n’apparaissant pas d’éléments sur l’élaboration de la vision, le conseiller du président de Constructex, nous fournit un certain nombre de renseignements quant à ce processus.

86

Ces représentations ne sont qu’un moyen commode de résumer les éléments issus de notre analyse de contenu. Ce sont des traductions graphiques de la note de synthèse issue de l’analyse de ch aque entretien (Cf. Chapitre 6). En croisant les différents informations issues des déclarations de des interviewés nous cherchons à retranscrire l’articulation réelle des mécanismes de pilotage de l’entreprise à laquelle ces personnes appartiennent. Vouloir établir des cartes causales (i.e. cognitives puisque la plupart des chercheurs assimilent les deux (Huff, 1990)) aurait supposé d’une part d’adopter les méthodologies adéquates et d’autres part de se focaliser dans chaque entretien sur une question du type : « Pour vous la vision de votre entreprise qu’est ce que c’est ? ». Nous n’étudions pas les perceptions des personnes, mais nous tentons d’étudier des faits au travers des déclarations de personnes (Certes ces déclarations qui impliquent éventuellement leur perception, mais nous nous essayons de corriger ce « biais perceptuel » en croisant les informations venant de plusieurs personnes.)

Ainsi, il nous indique que si la volonté d’être leader est un élément permanent au sein du groupe Constructex, le « terrain de jeu » de l’entreprise change sous la double influence du décloisonnement des marchés et des modes ou des tendances managériales (diversification vs recentrage par ex.). La nature de la cible est alors périodiquement réactualisée par l’équipe dirigeante actuelle en tenant compte de ces deux influences.

D’après notre interlocuteur, le processus de construction de la vision tient plus de l’émergen ce que de l’élaboration méthodique :

« En terme d’élaboration ou d’émergence, c’est une respiration. [... La vision] n’émerge à un moment donné que parce qu’il y a eu beaucoup de travail qui a été fait auparavant. [...] Mais tout à coup [une cohérence apparaît], quelque chose apparaît qui produit du sens. Et c’est là qu’est l’émergence, uniquement parce qu’il y avait quelque chose avant. [...] C’est un mélange subtil de respiration avec des temps longs de construction, des temps d’anticipation puis tout à c oup quelque chose qui fait sens. »

Cette précision quant au mécanisme d’émergence de la vision est original par rapport au contenu du noyau. Bien qu’ici nous ne sachions pas exactement qui est à l’origine de ce travail d’élaboration de la vision (est -ce un processus collectif ? l’œuvre d’un homme ?) ce processus d’émergence relativement soudaine de la vision après un temps d’accumulation n’est pas sans rappeler la construction de la vision chez le visionnaire « bricoleur » de Mintzberg & Westley (1989) (Cf. chapitre 1)

Pour T.N., nous sommes encore loin d’avoir au sein de Constructex, une perception uniforme des valeurs et de la vision :

« Nous avons fait de très gros efforts de communication. [Mais] nous sommes encore très loin d’avoir une perception unifo rme de ces valeurs, de cette ambition. C’est extrêmement difficile. [...] Dire que nous sommes satisfaits de la situation, certainement pas. [...] C’est un problème qui reste très important dans la société. La communication est loin d’être optimale, même si nous faisons de gros efforts. »

Cette communication se fait principalement, par ce que notre interlocuteur appelle la « dégoulinade hiérarchique » : la communication en cascade du sommet vers la base par l’intermédiaire des différents niveaux de manageme nt, par les différents journaux d’entreprise, des formations rapides à l’entrée, des conventions etc. Cependant, la personne

interviewée souligne les limites de ces outils : l’information est souvent altérée et elle reste trop figée. Il note toutefois que les nouvelles technologies devraient apporter des solutions notamment en terme d’interactivité.

III.12 Objectifs & stratégies :

Les propos du conseiller du président nous apportent également des données quant à la définition des concepts d’ambition et de stratég ie. Pour lui, les deux sont étroitement liés :

« Il est bien évident, comme le disait Sénèque : « Il n’y a pas de vents favorables pour celui qui ne sait pas où il veut aller. » [...] En ce sens là, [...] la vision conditionne la stratégie. Mais on ne peut avoir de vision sans stratégie derrière : elle serait stérile et ne mènerait nulle part. »

La stratégie définit donc le chemin et les moyens utilisés pour atteindre la vision. Si celle-ci est un peu irréaliste, la première se doit d’être proche du terrain , très réactive pragmatique et opportuniste :

« Je crois que la stratégie c’est avoir suffisamment d’anticipation pour être en mesure de savoir tirer parti des opportunités. [...] Donc la stratégie c’est deux choses pour nous : d’une part une très forte a nticipation : se donner beaucoup de cibles en sachant que beaucoup d’entre elles ne seront pas atteintes, donc être prêts, et ensuite avoir une capacité de réaction lorsque l’opportunité se présente. »

Concernant la nature des objectifs du groupe, T.N. nous indique que Constructex poursuit deux objectifs différents :

• un objectif de croissance : doubler de taille tous les 10 ans ;

• un objectif d’équilibre de portefeuille, à la fois géographique et par type de métiers et de produits en se concentrant sur les secteurs où l’entreprise, peut espérer devenir leader dans les 3 à 5 ans s’il elle ne l’est pas d’ores et déjà.

Si le premier objectif cité par T.N. n’apparaît pas dans le noyau, le second recouvre 3 des objectifs présents dans la représentation commune : l’objectif de développement international (afin d’avoir un équilibre en terme de zones géographiques), celui de développement de l’ensemble de la gamme de produits et celui d’être 1 er ou second sur chacun de ces marchés. Ceci dans un horizon temporel de trois à cinq ans.

Enfin, T.N. précise que ces objectifs sont définis en fonction de l’environnement et des actions des principaux concurrents notamment.

III.13 Valeurs fondamentales et culture d’entreprise :

Le socle, le fondement sur lequel se base cette ambition, est constitué des valeurs fondamentales, appelées « principes d’actions » au sein de Constructex. Pour T.N., ceux-ci s’articulent autour de trois thèmes : volonté de leadership et de professionnalisme, respect des hommes et éthique & honnêteté. Sur ces trois thèmes, un seul, le respect des hommes, fait partie des valeurs présentes dans le noyau.

D’après notre interlocuteur, ces principes d’action sont présents depuis longtemps dans l’entreprise. 1960 pour certains, 1978 date de la première charte des valeu rs pour d’autres. Cependant, nous apprenons au cours de cet entretien, que ces thèmes se sont articulés de différentes manières au cours de l’histoire de l’entreprise afin de mettre l’accent sur telle ou telle facette. Nous retrouvons donc ici tout à fait les éléments contenus dans le noyau.

Si aujourd’hui, l’entreprise souligne plus clairement les attentes des clients et des actionnaires dans sa définition du professionnalisme et met d’avantage l’accent sur le multiculturalisme dans sa formulation du respect des hommes, il n’en était pas de même dans les années 70. A cette époque l’entreprise se définissait par ce qu’elle appelait le triptyque des « 3 I » : Constructex voulait être un groupe Industriel, Indépendant et International. Nous retrouvons l’espri t des deux premiers dans le professionnalisme et la volonté de leadership actuels. Le 3è est quant à lui le précurseur du multiculturalisme. Quant au respect des hommes, comme le déclare T.N., il se manifestait implicitement par des politiques proches de l’emploi à vie.

A travers cette illustration le conseiller du président distingue une évolution de la culture de son groupe : le passage d’une culture industrielle à une culture plus orientée vers le client.

Constructex a formalisé ces principes d’action d ès les années 1978, soit bien avant la plupart des entreprises françaises. Ce processus a donné lieu à la consultation d’une large palette de personnes à différents niveaux de l’organisation (plus de 500 à l’époque, alors que le groupe n’était pas aussi gr and qu’actuellement)

Si ces principes d’actions ont émergé de l’organisation, ils doivent également beaucoup à certains dirigeants, leaders d’opinions comme les deux PDG précédents. Ces influences et interactions provoquent un bourgeonnement, la naissance d’un style, d’une ambiance, d’un embryon de culture qu’il convient de normaliser de temps en temps. Ce double travail : faire émerger, clarifier la culture voulue par ses prédécesseurs et préparer, faire bourgeonner, celle qu’aura l’entreprise dans vingt a ns, est du ressort du dirigeant.

Ces informations : la consultation relativement large présidant à la première formalisation des valeurs, l’influence des PDG successifs ainsi que le rôle dévolu au PDG, sont des éléments originaux qui n’apparaissaient pas d ans le noyau.

III.14 Rôle du dirigeant et style de direction :

En dehors de ce rôle vis à vis de la culture de l’entreprise, le dirigeant a, selon le conseiller du président, d’autres missions. Il lui revient ainsi de préparer l’avenir en dosant permanence et changement.

Pour notre interlocuteur, la permanence de la culture compte plus que la personnalité du président :

« Nous sommes dans des métiers anciens, lourds, à long constante de temps et ce qui compte c’est une permanence de la culture, plus que la brillan ce de tel ou tel dirigeant. »

Nous retrouvons ici la continuité présente au niveau du noyau.

Toutefois, T.N. reconnaît que l’entreprise a eu la chance d’avoir, au cours de son histoire, un certain nombre de dirigeants charismatiques dont le rayonnement débordait largement de l’entreprise. Quant au président actuel, il a lui aussi imposé sa marque à l’entreprise, même si, issu de l’interne, il a également été construit par l’organisation. Ainsi, parmi ses apports, notre interlocuteur distingue notamment la rigueur et la rationalité :

« Ce qu’ont apporté, le président et l’équipe actuelle c’est une beaucoup plus grande rigueur, une beaucoup plus grande rationalité et un mode de gestion beaucoup plus anglo-saxon. A l’inverse, il y a peut être une moins grande intuition que celle que pouvait avoir le président précédent. » III.15 Politiques de ressources humaines :

La continuité de la culture et la cohérence des différentes visions et stratégies au cours du temps est assurée notamment par une politique des ressources humaines qui privilégie le développement du management en interne et insiste sur la légitimité des dirigeants vis à vis de l’entreprise. Ainsi en cinquante ans, Constructex n’a connu que cinq présidents dont aucun n’était parachuté.

Cependant, pour contrebalancer les risques de monolithisme, risques qui sont réels du fait, notamment, du secteur d’activité (structure d’activité lourde ; constante de temps longue) et du caractère encore peu innovateur du groupe (Cf. supra) Constructex « inocule » périodiquement au sein de son comité de direction une personne venant de l’extérieur et ayant un profil atypique : physicien, chimiste etc. Cette influence étant matérialisée sur notre schéma par une flèche noire orientée vers la culture de l’entreprise. Par ailleurs, l e comité est renouvelé par le président une dizaine d’années avant son départ prévu, afin de faire entrer des jeunes dirigeants venus des différentes unités du groupe et ainsi préparer sa succession.

Encore une fois, tous ces éléments sont cohérents avec le noyau de la représentation collective.

III.16 Attitude de l’entreprise face au profit financier de court terme :

Pour notre interlocuteur, le profit financier représente également un objectif même si ce n’est pas ce qui en soit détermine la stratégie. Construc tex étant une société cotée, la valeur de son titre est conditionnée par la croissance du résultat ou l’atteinte d’objectifs en terme de création de valeur.

Si l’avis exprimé ici par le conseiller du président ne diverge pas fondamentalement de celui présent dans le noyau, T.N. souligne toutefois le fait que la recherche de profit à court terme, la création de valeur est devenue une contrainte forte.

III.17 Dynamisme, innovation et coopération :

Notre interlocuteur l’avoue :

« Il faut dire honnêtement que nous avons une culture peu innovatrice. [...] Nous ressemblons plus à un pétrolier qu’à une vedette rapide. »

Pour le conseiller du président, il est en effet difficile de motiver le personnel sur la nécessité de changement dans un métier à constante de temps long. C’est pourquoi, le groupe essaie d’intégrer des incitations au changement dans la gestion quotidienne, notamment par

une gestion par objectif incluant des objectifs de changements. T.N. participe également à la mise en place d’un prix de l’innovation. C e dernier apparaît d’ailleurs au sein du noyau.

Notre interlocuteur souligne d’ailleurs que le changement n’est pas linéaire dans les métiers de la construction. Au contraire, il procède plus de longues périodes de stabilité suivies de grands bouleversements nécessitant une adaptation rapide. C’est pourquoi affirme - t-il Constructex met en place des cellules de veille pour étudier toutes les opportunités.

Concernant les efforts en matière de coopération, cet entretien nous apprend que Constructex disposerait de tout l’éventail de la méthodologie projet. L’entreprise utilise également des benchmarking internes et externes. Elle dispose également de centres de know- how et est en train de mettre en place des forums intranet afin que le savoir faire soit beaucoup plus distribué.

Tous ces éléments n’apparaissent pas dans le noyau. De plus, les éléments cités sont nombreux et témoignent d’une relative richesse dans les mécanismes destinés à encourager le dynamisme, ce qui peut paraître contradictoire avec le constat d’une entreprise peu innovante.

III.18 Regard global sur la représentation de T.N.

Ainsi, à travers les propos du conseiller du président, nous pouvons faire un constat : La structure globale mise en lumière par le noyau est respectée. Nous retrouvons une ambition qui conditionne des stratégies encadrées par des principes d’action, eux -mêmes fondements d’une culture d’entreprise. De même nous retrouvons les mêmes politiques de ressources humaines, caractérisées par leur continuité, ce qui témoigne de leur ancrage profond.

Plusieurs éléments originaux apparaissent cependant : notamment l’attitude de l’entreprise face au profit financier qualifiée de contrainte forte, ou sur les mécanismes destinés à favoriser la diversité puisque la coopération apparaît sur le schéma au travers de l’intranet, des centre de Know -How etc.

Mais l’apport le plus important est sans doute une conséquence probable du fait que notre interlocuteur est présent depuis longtemps au sommet de l’entreprise. En effet, les données issues de cet entretien permettent une mise en perspective plus grande historiquement parlant avec l’analyse des tendances et facteurs clés de succès de l’organisation et du secteur dans lequel elle évolue.

Ainsi, les principes d’actions sont reliés aux grands dirigeants charismatiques que l’entreprise a connus, tout en remarquant toutefois que dans un métier ancien comme celui de

Constructex la brillance du PDG est moins importante que la culture. La trajectoire de l’entreprise est également influencée par celle des concu rrents, par les modes managériales mais aussi par le rythme d’évolution du métier : des périodes de stabilité entrecoupées par de brusques périodes de changement. Autant d’éléments qui se matérialisent sur notre représentation graphique par un nombre important de flèches en direction des principes d’action ou de l’ambition de l’entreprise.