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Renouvellement, droit à l’erreur et expérimentation

représentation collective

Chapitre 4 : Vision stratégique et diversité

II. Stratégie et diversité au sein de l’entreprise

II.2 Renouvellement, droit à l’erreur et expérimentation

Pour Hedberg & al. (1976) : « l’organisation qui s’auto -renouvelle, reste prête à remplacer les vieilles méthodes, et à détruire les anciennes même si elles restent adéquates, pour en essayer de nouvelles, en regardant chaque développement comme une expérience qui en suggère de nouvelles. » Politique qui sera réaffirmée vingt ans plus tard par Collins & Porras (1996b) pour qui les entreprises visionnaires se doivent de renouveler leurs gammes même si celles-ci ne sont pas encore obsolètes. Ils citent ainsi l’exemple de 3M dont la politique est de renouveler 20% de ses produits tous les 5 ans. Ligne de conduite d’ailleurs suivie par d’autres entreprises performantes dans les années 90 comme Intel (Grove, 1997).

A la suite de Hedberg, Nystrom & Starbuck, Weick (1977) met également en exergue les mérites de l’expérimentation et de l’exploration. Quant à Quinn (1985) il constate

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Dans ce chapitre, nous traitons de l’innovation au sens large que nous entendons comme tout mécanisme susceptible de favoriser la diversité au sein de l’entreprise et donc d’éviter que l’action organisationnell e ne se limite progressivement à une réplication des pratiques connues et habituelles.

que les entreprises de son étude46 « adoptaient les solutions où qu’elles soient, sans se préoccuper de plans formels qui pourraient limiter l’horizon de leur imagination. » De même, March (1981) suggérait que « le développement d’activités reliées seulement de manière lâche à leur mission peut constituer pour l’organisation un moyen d’améliorer sa capacité de réponse à la complexité et aux mutations de l’environnement. » (Koenig & Thiétart, 1995)

Quant à Collins & Porras (1996b) ils tirent les conclusions suivantes de leur étude empirique de douze entreprises visionnaires américaines :

« En examinant l’histoire de [ces] entreprises [...] nous avons été frappés de constater à quel point elles ont accompli certaines de leurs plus belles performances, non pas une planification stratégique détaillée, mais plutôt par expérimentation, essai et erreur, opportunisme et - presque au sens propre du terme - par accident. Ce qui apparaît a posteriori comme une brillante stratégie a souvent été le résultat résiduel d’une expérimentation opportuniste et « d’accidents voulus » » (1996b:200)

D’après cette littérature, cette expérimentation peut s’env isager de deux manières. D’une part une recombinaison des outils et des ressources existantes (Hamel & Prahalad, 1995), d’autre part l’exploration de nouvelles voies totalement inédites . Les deux n’étant, bien entendu, pas exclusives l’une de l’autre. Si l a seconde a suscité plus de recherches (voire tous les écrits sur l’innovation et sa gestion au sein de l’entreprise) la première est également importante comme le souligne Koenig (1996b) :

« La capacité à utiliser intelligemment les ressources disponibles est essentielle. Fréquemment, elle suppose de recourir à d’habiles bricolages. [...] c’est -à-dire à : a) détourner un objet, un instrument, une idée, une institution, etc. de leur système de référence et de leur finalité propre, pour les intégrer dans un système nouveau et leur donner une finalité nouvelle ; b) transformer un assemblage d’éléments pour le doter de propriétés et de finalités nouvelles. » (1996:37)

« Dans cet esprit [d’encouragement de l’expérimentation] les travaux sur l’intrapreneuriat son t révélateurs de l’existence, dans certaines organisations, de cette volonté

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Quinn (1985) a étudié durant 2 ans et demi le management de l’innovation dans un groupe de petites et de grandes entreprises européennes, japonaises et américaines.

de créer en leur sein les conditions nécessaires à la mise en œuvre d’expériences en matière d’innovation. » (Thiétart & Forgues, 1993) « [Ainsi,] l’organisation se doit d’offrir aux « entrepreneurs de l’intérieur » la liberté d’explorer de nouvelles manières de faire et de le fournir suffisamment de ressources pour approfondir de nouveaux domaines de croissance. » (Koenig & Thiétart, 1995).

Au niveau collectif, Alter (1995), suggère l’idée de faire cohabiter au sein même de l’organisation des « déviants » chargés d’innover et d’explorer de nouvelles voies au côté des « légalistes » partisans du système existant. Poursuivant sur cette piste, Romelaer (1996) précise :

« [Ces déviants] sont sanctionnables, mais leur action est tolérée par la direction générale, qui les laisse, si c’est raisonnable, agir tout le temps nécessaire pour que leur innovation sauvage aboutisse à un mode de gestion raisonnablement stabilisé. [...] Tout ce fonctionnement a bien entendu des conséquences stratégiques profondes, et il se déroule presque entièrement en dehors du processus officiel de formation de la stratégie, et même en contradiction avec lui. » (1996:68)

Ce processus hétérodoxe possède plusieurs avantages :

• Procéder à un essai limité permet de démontrer le bien fondé de la démarche. L’exercice permet ainsi un premier déminage ;

• Limiter l’expérimentation à une partie de l' organisation permet de mieux apprécier les effets directs des innovations, l’entreprise peut modifier à tout moment l’orientation de ses efforts et maintenir le fonctionnement organisationnel à l’intérieur de plages prédéterminées, sans risquer une dérive complète ;

• « En dernier lieu, [...] le retour d’apprentissage des unités conf rontées à une logique nouvelle permet à la direction [...] d’apprendre comment son propre système fonctionne et d’affiner peu à peu ses actions. » (Koenig & Thoétart, 1995)

Au niveau plus individuel, et de manière encore plus pratique, Collins & Porras (1996b) suivant l’exemple de certaines entreprises de leur échantillon recommandent ainsi de laisser un certain temps aux salariés pour développer des idées qu’ils estiment prometteuses pour l’entreprise. Pour ces deux auteurs, développer l’initiative au sein de

l’entreprise passe également par la mise en place de prix de l’innovation, récompensant les entrepreneurs les plus performants au sein de l’organisation.

Toutefois, il ne suffit pas d’encourager l’expérimentation et la prise de risque pour rendre l’ent reprise réactive. Collins & Porras (1996b) soulignent à juste titre que l’expérimentation n’est pas toujours payante. Quinn (1985) remarque ainsi que 90 à 99% des tentatives se soldent par un échec. Comme le note Grove (1997) elle s’apparente alors à une « prise de pari », il convient donc de concéder un droit à l’erreur aux innovateurs. Ce que, dans leur style flamboyant, Collins & Porras (Ibid.) confirment :

« Acceptez que des erreurs soient commises ! [Suivez] le principe de Darwin : » Multipliez, variez, que les plus forts survivent et que les plus faibles meurent. » Les échecs peuvent apprendre beaucoup, et peuvent resservir plus tard. » (1996b:228)

Cette expérimentation47, que ce soit par l’intermédiaire de l’innovation « sauvage » ou bien encore de la mise en place de modes de fonctionnement différents de ceux existants permet de créer un répertoire de réponses nouvelles à des demandes de l’environnement que l’on ne peut prédire. » (Thiétart & Forgues, 1993). Notons que ces conclusions sont en accord avec les travaux sur l’apprentissage organisationnel. « [... En effet,] on peut voir l’apprentissage comme une volonté d’expérimentation et de recherche de voies différentes de celles empruntées par le passé. [...] Ainsi se crée « un catalogue de configuration dans laquelle l’organisation peut puiser lorsque les forces de changement l’emportent sur la viscosité et les résistances de cette dernière. » (Ibid.)

« [Cependant,] favoriser l’apprentissage nécessite d’enrichir le travail interprétatif » (Koenig, 1996b) Ce qui passe notamment par une mise en commun des savoirs aux sein de l’entreprise et donc le développement de la coopération et de la communication.