• Aucun résultat trouvé

Organisation, stratégie et complexité

représentation collective

Chapitre 4 : Vision stratégique et diversité

I. Organisation, stratégie et complexité

I.1 Organisation et environnement

« Au niveau organisationnel, le modèle béhavioriste a présidé à des travaux sur les relations entre la structure de l’entreprise et la structure de l’environnement. L’entreprise est alors vue comme un système ouvert dont les états successifs sont fonction des modifications de l’environnement. La survie de l’organisation passe par l’adaptation à cet environnement. [...] Pour être performante, l’entreprise doit répondre aux sollicitations de l’e xtérieur. » (Leroy & Ramanantsoa, 1996).

Certes, la perception des enjeux de l’entreprise a évolué depuis l’introduction de cette perspective. Il est relativement clair aujourd’hui que l’entreprise ne fait pas que s’adapter aux états de l’environnement. L’ organisation possède également un pouvoir qui lui permet de mener des stratégies volontaristes. Retenons toutefois que le lien environnement entreprise est important et que la survie de l’entreprise sur le long terme implique que le lien entre l’environnem ent et l’entreprise ne se distende pas. La pérennité de l’entreprise, système ouvert sur son environnement passe par le maintien d’un certain degré d’ouverture sur l’extérieur.

I.2 L’organisation comme système chaotique

Sur un autre plan, nous pouvons voir l’organisation comme un ensemble continu de feed-back d’où les comportements émergent d’un processus dialectique. L’étude de la complexité précise ces propos : ces boucles de feed-back sont non linéaires. « Chaque fois que des individus interagissent les actions d’une personne ont des conséquences sur l’autre, le conduisant à réagir d’une manière qui a des conséquences pour le premier. » (Stacey, 1995)

Plusieurs théoriciens ont réalisé l’importance de ces boucles et proposé que les systèmes sociaux et donc les organisations soient fondées non pas sur des hiérarchies statiques mais sur des boucles d’influences (Weick, 1979, Hall, 1984).

Comme nous l’avons noté au cours du chapitre précédent, pour Weick (1979), le processus d’organisation était un processus inter actif d’évolution des perceptions, cognitions et actions des participants. Par exemple, les choix des agents sont basés sur leurs perceptions. Cela induit une conséquence importante : « leurs réactions sont souvent non proportionnelles. Ce qui les conduit à des sur ou des sous réactions. » (Stacey, 1995). Les petits changements peuvent ainsi donner des résultats majeurs. » L’organisation apparaît alors comme dynamique, composée de boucles formant un ensemble plus ou moins chaotique.

Toutefois, malgré cela, les comportements tendent progressivement vers une certaine forme de stabilité et de régularité. Le paradigme organisationnel, la culture d’entreprise etc., (Johnson, 1988, Schein, 1985) contribuent à ce que les activités quotidiennes soient effectuées de manière aussi efficientes que possible. Ils participent à la résistance aux changements et au maintien du statu quo dans l’intérêt de l’efficience à court terme de l’organisation. En effet, « les organisations ont besoin d’ordre pour assurer leur mission d’organisation, pour permettre aux acteurs de se situer, de décider, de clore un système trop complexe pour un décideur cognitivement limité, pour créer de la certitude afin que les schémas classiques rationnels puissent prendre leur pleine mesure. » (Thiétart & Forgues, 1993)

I.3 D’un état stable à un fonctionnement au bord du chaos

Ce besoin d’ordre et la tendance de l’organisation à se concentrer sur l’efficience poussent l’entreprise vers un état stable. Ainsi, dans les modèles stratégiques dominants dans les dernières décennies : planification stratégique, analyse concurrentielle, etc., la dynamique de succès est supposé passer par la stabilité et la régularité. L’objectif de la gestion est alors de permettre à l’entreprise d’atteindre un optimum d’adéquati on entre ses ressources et l’état de l’environnement.

Cependant, comme nos propos du chapitre précédent l’ont montré, cette stabilité peut mettre la compétitivité, voire l’existence même de l’entreprise en péril . La poursuite de la stabilité et l’évitement de l’incertitude interfèrent avec l’adaptation sur le long terme et la survie de l’organisation. (Miller & Mintzberg, 1974) car l’environnement change.

Cette recherche de la stabilité, qui trouve son origine dans la physique newtonienne est ainsi actuellement remise fondamentalement en question (Stacey, 1995) Ainsi, pour certains auteurs (Stacey, 1991, 1995 ; Nonaka, 1988 ; Brown & Eisenhardt, 1998) la pérennité de la performance de l’entreprise passe par une modification de la trajectoire des organisations. D’un fonctionnement à l’équilibre, où l’on recherche la meilleur adéquation entre l’entreprise et son environnement, on passe à un fonctionnement basé sur un certain degré de déséquilibre.

Il ne s’agit toutefois pas de passer d’un extrême à l’autre en p laçant le curseur à l’autre pôle (c’est -à-dire à un fonctionnement totalement chaotique). Si tous les agents impliqués dans un système changent les règles qui le gouvernent, le comportement de chacun ne pourra pas s’appuyer sur celui des autres. Le système est alors conduit par un « feed-back amplificateur » (Bougon & Komocar, 1990) sur un chemin explosif le conduisant à un équilibre instable. (Stacey, 1995)

Les tenants des théories de la complexité proposent de passer à un fonctionnement de l’entreprise « au bord du chaos » (Brown & Eisenhardt, 1998). Le bord du chaos, tel que défini par Kauffman (1995) est « l’état naturel entre l’ordre et le chaos, un grand compromis entre la structure et l’inattendu. » Cette idée rejoint les idées déjà émises par les auteurs qui se sont penchés sur l’organisation qui s’auto -renouvelle43. (Hedberg & al., 1976 ; Pascale, 1990 ; Bartlett & Ghoshal, 1994a, 1995c) Pascale (1990) par exemple, décrit ce type d’organisation comme celles qui crée de manière délibérée une instabilit é interne.

« Le problème majeur qui [...] est alors posé est de savoir comment [maintenir ...] un minimum de stabilité44 permettant [aux organisations] de gérer [leurs activités]

tout en gardant une forte réactivité. » (Thiétart & Forgues, 1993) qui va lui permettre de s’adapter aux états successifs de l’environnement.

43

« Self Renewing Organization » Certains auteurs parlent également d’auto -organisation. Dans les deux cas, nous entendons « une organisation qui soit capable de découvrir [notamment] par expérimentation, les réponses à ses problèmes et les modes de gestion adaptés aux conditions changeantes de fonctionnement auxquelles elle est soumise. » (Thiétart & Forgues, 1993) Le concept d’auto -organisation trouve notamment son origine dans les travaux du physicien chimiste belge Ilya Prigogine sur les structures dissipatives.

44

Cette stabilité étant conférée par les divers éléments (paradigme, culture, etc.) de notre processus visionnaire de pilotage tel que nous avons pu le définir jusque-là.