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D EUXIEME PARTIE :

Chapitre 6 : Analyse des données

I. Analyse des entretiens

I.2 Démarche pratique d’analyse

L’analyse d’un entret ien consistait à repérer dans l’entretien les différents thèmes présents et les passages correspondants. Ces passages étaient ensuite classés sous la rubrique correspondante du Dictionnaire des Thèmes (DT)68. Au final, nous obtenions un document reprenant la quasi intégralité des propos de la personne interrogée, mais classés par thèmes. Un entretien de douze pages donnait ainsi un dictionnaire des thèmes de dix pages environ. Les passages non retenus étaient la plupart des questions et relances de l’intervi ewer ainsi que certaines répétitions n’apportant pas d’information nouvelle pour notre analyse.

Prenons un exemple concret, au travers de l’analyse d’un entretien au sein de l’entreprise Constructex dont le cas complet est détaillé dans le chapitre 7. Dans notre entretien69 avec J.D.L., directeur de Constructex, activité C, nous trouvons le passage suivant :

Fin 1996 on était un peu confronté, mon prédécesseur était confronté à la même problématique qui était de faire prendre conscience à l’entreprise que c e ces menaces étaient réelles, que soit la concurrence des importations ou celle des autres matériaux. Il faut voir qu’on sort d’une longue période d’après guerre dans laquelle le marché de la construction était très porteur. Donc on s’est trouvé dans une situation favorable pendant trente ans, pendant lesquelles finalement c’était le producteur qui fixait les règles et le rythme de la reconstruction de la France. Après le choc pétrolier, la situation s’est inversée. On a réussi à faire les restructurations industrielles qui ont permis de maintenir la rentabilité de l’entreprise alors que le marché a chuté fortement. Donc ça c’est une opération qui a été excessivement bien gérée par tous mes prédécesseurs. Mais cette opération a donné une sorte de sentiment d’invulnérabilité aux équipes, au personnel, en disant « Même en période de crise on est capable de faire ça. Alors pourquoi dites-vous qu’il y a des

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Pour plus de commodité le processus se déroulait par copié/collé sous Microsoft Word.

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menaces ? Puisque ces menaces sont toujours lointaines et que dans la pratique on continue bon an mal an à garder notre rythme. » Donc il y avait un problème de crédibilité ou de volonté de ne pas voir la réalité.

Donc ce qu’on a été amené à faire à notre arrivée en 1996, ça a été de redéfinir une vision, à l’horizon de trois ans et de traduire cette vision qu i était « d’être le leader du produit C et de ses substituts proches sur le marché français en pérennisant sur le long terme »70, en une série d’objectifs opérationnels.

Dans cet extrait le premier paragraphe traite des difficultés et problèmes rencontrés en terme de stratégie. Il sera donc classé dans le dictionnaire des thèmes dans le thème n°16 « Objectifs et stratégies : problèmes et difficultés ». Le second paragraphe porte lui sur la nature de la vision. Il va donc être classé dans le thème n°26 « Vision : Nature » de notre dictionnaire des thèmes de la façon suivante :

16. Stratégies et objectifs : difficultés et problèmes

« Fin 1996 on était un peu confronté, mon prédécesseur était confronté à la même problématique qui était de faire prendre conscience à l’entreprise que ce ces menaces étaient réelles, que soit la concurrence des importations ou celle des autres matériaux. Il faut voir qu’on sort d’une longue période d’après guerre dans laquelle le marché de la construction était très porteur. Donc on s’est trouvé dans une situation favorable pendant trente ans, pendant lesquelles finalement c’était le producteur qui fixait les règles et le rythme de la reconstruction de la France. Après le choc pétrolier, la situation s’est inversée. On a réussi à fai re les restructurations industrielles qui ont permis de maintenir la rentabilité de l’entreprise alors que le marché a chuté fortement. Donc ça c’est une opération qui a été excessivement bien gérée par tous mes prédécesseurs. Mais cette opération a donné une sorte de sentiment d’invulnérabilité aux équipes, au personnel, en disant « Même en période de crise on est capable de faire ça. Alors pourquoi dites-vous qu’il y a des menaces ? Puisque ces menaces sont toujours lointaines et que dans la pratique on continue bon an mal an à garder notre rythme. » Donc il y avait un problème de crédibilité ou de volonté de ne pas voir la réalité. »

Et :

26. Vision : nature

« Ce que nous avons été amené à faire à notre arrivée en 1996, ça a été de redéfinir une vision, à l’horizon de 3 ans, et de traduire cette vision qui était « d’être le leader du produit C et de ses substituts proches sur le marché français en pérennisant sur le long terme. » en une série d’objectifs stratégiques. »

Toutefois, le dictionnaire des thèmes était malaisé à analyser car encore trop long et trop complexe. Suivant la démarche préconisée par Huberman & Miles (1996)

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La vision est en réalité exprimée de façon beaucoup plus explicite. Toutefois, pour ne pas trahir l’anonymat de l’entreprise nous avons du transformer son expression en nous efforçant toutefois d’en gard er l’esprit.

nous avons donc du ramener le contenu de chacun des différents thèmes à une forme plus concise. Si Huberman & Miles (Ibid.) préconisent de faire cela sous forme de tableaux, nous avons préféré quant à nous garder une présentation sous forme de liste comme pour le dictionnaire des thèmes. Pratiquement la démarche était la suivante :

• De chaque passage classé dans le dictionnaire des thèmes était tiré un ou plusieurs items illustrant la façon dont le thème était classé par l’interviewé ; Les intitulés de ces items n’étaient pas définis a priori mais émergeaient de l’entretien. Cependant, pour favoriser ensuite la comparaison des dictionna ires des thèmes issus d’entretiens différents au sein d’une même entreprise nous avons été amené à standardiser au maximum le libellé de ces items au fur et à mesure de l’analyse des premiers entretiens. Il était également vérifié que le passage était classé dans le bon thème en le comparant aux autres thèmes du DT.

• A chaque item était ensuite rattaché une ou plusieurs citations illustrant particulièrement bien la façon dont l’item était abordé par la personne ;

• Ces citations, une fois francisées avaient vocation à servir de « verbatim » pour illustrer notre analyse (Cf. Partie III)

Nous obtenions ainsi un document appelé « Dictionnaire des Thèmes Résumé » (DTR), long en moyenne de cinq pages, et reprenant sous une forme synthétique et clarifiée les différents thèmes abordés durant l’entretien.

Dans le cas de notre exemple la démarche de construction du dictionnaire des thèmes résumé est donc la suivante :

A partir des passages surlignés, les citations se retrouvent dans le dictionnaire des thèmes résumés (DTR)71 en compagnie le cas échéant d’autres citations tirés d’autres passage de l’entretien qui traitent du même thème, comme présenté ci dessous :

16. Stratégies et objectifs : difficultés et problèmes

• Difficulté de faire prendre conscience des menaces à l’e ntreprise ;

« Mon prédécesseur était confronté à la même problématique [que moi] qui est de faire prendre conscience à l’entreprise que [les] menaces étaient réelles, que ce soit la concurrence des importations ou celle des autres

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matériaux. [...] Il faut voir que nous sortons d’une longue période [...] durant laquelle le marché [...] était très porteur. [Même] après le choc pétrolier. La situation s’est inversée mais nous avons réussi à faire les restructurations industrielles qui nous ont permis de maintenir la rentabilité de l’entreprise. [...] Mais cette opération à donné une sorte de sentiment d’invulnérabilité aux personnel en disant : « Même en période de crise nous sommes capable de faire cela. Alors pourquoi dites vous qu’il y a des menaces ? [...] »

Et :

26. Vision : nature :

Constructex Activité C : être leader sur le marché et ses dérivés proches ;

« Ce que nous avons été amené à faire à notre arrivée en 1996, ça a été de redéfinir une vision, à l’horizon de 3 ans, et de traduire cette vision qui était « d’être le leader du produit C et de ses substituts proches sur le marché français en pérennisant sur le long terme. » en une série d’objectifs stratégiques. »

Le groupe : développer un portefeuille équilibré de matériaux de construction ;

« L’appr oche générale du groupe est une ambition de développer un portefeuille équilibré de matériaux de construction. »

Afin de disposer d’un document encore plus synthétique sur les éléments du processus de pilotage fourni dans chaque entretien nous avons ensuite, à partir du dictionnaire des thèmes résumé (DTR) établi une note de synthèse. Celle-ci résumait sous une forme littéraire et en un maximum de deux pages l’ensemble des éléments présents dans le DTR. De plus, nous nous attachions notamment dans cette note de synthèse, à mettre en lumière la structuration de ces différents éléments au sein du système de pilotage de l’entreprise. Ce document résumait donc l’ensemble des items du DTR en les liant entre eux d’après les liens mis en lumière lors du processus d ’analyse. Le but était d’avoir une représentation globale de la façon dont notre interlocuteur se représentait le mode de pilotage de son entreprise.

Dans le cas de notre exemple, le passage précédent correspondant au thème n°26 (portant sur la nature de la vision) est résumé ainsi72 :

Au cours de notre entretien avec J.D.L. directeur de l’activité C en France, celui -ci a surtout détaillé la vision que lui même mettait en place dans son unité : « devenir le leader du produit C et de ses alternatives proches » Concernant la vision du groupe Constructex lui même, peut de choses ont été dites. Nous savons cependant que le groupe à une ambition de développer un portefeuille équilibré dans les matériaux de construction. Il n’est pas fait mention d’une volonté de leadership.

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Enfin, pour plus de facilité de visualisation de l’articulation des différents mécanismes de pilotage nous traduisions ce résumé en une représentation graphique73 synthétique sur le modèle de celles présentée dans la partie 1 de cette thèse.

Ainsi, dans le schéma récapitulant la représentation qu’à J.D.L du pilotage de son entreprise le passage portant sur la nature de la vision est représenté ainsi : comme sur les schémas présentés en première partie, la vision est le but à atteindre elle est donc situé à droite. La vision est supposée être meilleure que la situation actuelle, c’est pourquoi nous la situons en haut de notre représentation. La vision de l’activité étant une partie de celle du groupe, le cercle la représentant est inclus dans celui représentant ce que J.D.L déclare être l’ambition du groupe à savoir « Equilibrer le portefeuille des matériaux de construction . »

Toutefois, cette expression ne correspond à aucune des définitions de la vision telle que nous avons pu la définir dans le chapitre 2 (p.73). En effet, elle ne peut pas être considérée comme une représentation du futur de l’entreprise, ni de son environnement : Equilibrer son portefeuille est bien trop réducteur. Ce n’est pas non plus une intention stratégique car il ne s’agit pas d’être leader juste d’équilibrer le portefeuille. Nous ne pouvons par ailleurs pas la considérer comme une raison d’être puisque ce but n’est pas tourné vers l’extérieur de l’organisation. Nous considérons donc que « Equilibrer le portefeuille des matériaux de construction « est juste un objectif global de l’entreprise. Pour le différencier d’une vision nous le représentons donc par un cercle, mais un cercle en pointillé.

Le reste du schéma représente les autres éléments issus de l’analyse de l’entretien. Ils ont émergé de l’analyse de la même façon que la vision. Le processus utilisé est identique. Nous les avons dessinés en grisé car ils ne nous intéressent pas à ce stade de notre travail. Le chapitre suivant reviendra sur le schéma complet.

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V o le t d é fe n s if (c lie n ts , co u ts e tc .) V o le t o ffe n s if (d é v. d e n o u ve lles a p p lic a tio n s ) C u ltu re C o u p la g e M a rke tin g / R & D ;

P ro je ts ;

"A m b itio n " d u g ro u p e :

E q u ilib re r le p o rtefe u ille d e s m a té ria ux d e c o n s tru c tio n V is io n d e l' a c tiv ité : E tre le le a d e r s u r le p ro d u it C e t s e s a lte rn a tiv e s p ro c he s 3 a n s H is to ire d e l' e n tre p ris e D irig e a n t a c tue l S tra té g ies d e l' a c tiv ité P la n s d ' a c tio n C o m ité op é ra tio n n e l, R é u n io n s D irig e a n t d e l' a c tivité

P ro fit fina n c ier d e C .T. C o m ité E x é c u tif (s u r la b a s e de d o n n é es p ro v en a n t d e s u n ité s) t+ n t E x e rc ic e s c ib le s D is c o u rs ; R e n c o n tre s ; A c tivité q u o tid ie n ne D irig e a n t p ré c éd e n t C o n tin u ité d e s R .H . R A lim e nte Influ en ce

iN tera ction e n tre

C o m m u niqu é par R e nfo rc e A I N C R D I I I I A E E E I D N

Figure 7 : Représentation graphique issue de l' analyse de l' entretien avec J.D.L.

Nous avons procédé selon la même démarche pour tous les entretiens.

Le traitement d’un entretien par cette méthode prenait entre quatre et dix heures selon la longueur de l’entretien. Le codage et l’élaboration du dictionnaire des thèmes résumé étaient les opérations les plus consommatrices de temps.

Si le même processus a été appliqué à tous les entretiens, la question de la fiabilité de la méthode d’analyse utilisée se pose. Le point suivant aborde ce problème.