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L’hétérogénéité des pilotages institutionnels via les CASNAV

3. L A MISE EN ŒUVRE DU PROJET INSTITUTIONNEL ET SON APPROPRIATION PAR LES ACTEURSPAR LES ACTEURS

3.2. Des configurations intra-institutionnelles qui composent l’action à l’échelle territoriale

3.2.2. Les relations du CASNAV avec les autres instances du rectorat : le poids des DSDEN

Les académies de Bordeaux et de Montpellier : de l’existence de liens faibles à une collaboration plus soutenue

Les relations avec les autres acteurs des rectorats diffèrent sensiblement selon les académies. À Bordeaux, bien que le CASNAV soit géographiquement éloigné des locaux du rectorat au sein de la métropole, les liens effectifs ont été renforcés à partir du moment où un inspecteur devait devenir correspondant académique. À Montpellier, le DASEN adjoint favorise le lien avec le recteur, qui appuie les activités du CASNAV. On note aussi l’existence d’un IA-IPR chargé de mission français langue seconde travaillant avec le directeur IEN-CASNAV.

Plus généralement, les collaborations du CASNAV avec d’autres acteurs institutionnels sont nettement moindres à Bordeaux qu’à Montpellier. Le CASNAV de Bordeaux semble même relativement assez isolé, comme en atteste notamment l’absence de retours sur les propositions de positionnement des élèves évalués, qui sont transmis par l’inspection académique, dans des locaux encore distincts du rectorat et du service du CASNAV. À Montpellier en revanche, on observe un fort maillage entre les antennes CASNAV départementales, les IEN, le DASEN, et l’IPR en charge du dossier FLS. Le CASNAV représente même le recteur dans des instances hors Éducation nationale concernant les populations immigrées (programmes régionaux d’intégration des populations immigrées  PRIPI, plateformes d’accueil, etc.). Il existe aussi des commissions consultatives avec les chefs d’établissement pour la répartition des élèves.

Dans l’académie de Montpellier, quels que soient les acteurs rencontrés, la collaboration entre les différents niveaux d’action, à l’intérieur d’une académie, est mise en avant : « on travaille avec les équipes du CASNAV, qui sont en lien avec la direction départementale, parce que c’est la direction départementale qui a les moyens » nous explique un cadre de l’Éducation nationale et « c’est un travail de collaboration ». Selon un autre cadre, cette organisation offre l’opportunité d’huiler les rouages administratifs de l’action à destination des élèves allophones. Il évoque une « harmonisation » qui « passe par le plan de travail du CASNAV et la relation avec les décideurs locaux ». Cette coopération, si elle est posée comme fluide et naturelle, répond aussi à une exigence hiérarchique :

« Le département met en avant une politique académique. Ça, c’est important à garder à l’esprit. Le département n’est pas une entité détachée de l’académie. […] La lettre de mission sera signée par le recteur, et il est spécifié que le personnel dépend administrativement du recteur, mais qu’il est sous l’autorité fonctionnelle conjointe du DASEN et du responsable du CASNAV. C’est-à-dire que ça pose le cadre » (cadre de l’Éducation nationale).

Pour autant, si le « département n’est pas une entité détachée de l’académie » le rôle qu’il joue dans les décisions n’est pas négligeable, pour des raisons liées à l’histoire spécifique du CASNAV de l’académie de Montpellier, comme nous le rappelle cet acteur : « le CASNAV a été d’abord départemental. Donc d’abord dans le Gard, et après ça s’est étendu. Donc en fait je pense qu’on est… le résultat de cette histoire qui fait que le poids des départements est important » (référent institutionnel CASNAV).

Cette dimension départementale est d’autant plus forte que les moyens déployés selon les besoins répondent à la nécessité de s’adapter aux contraintes locales : « Le DASEN prend la décision pour les collèges, on peut discuter mais si à un moment donné, euh, il a euh, un, un avis différent… généralement, l’avis différent ne tient pas uniquement compte du nombre d’élèves. C’est-à-dire qu’il y a des réalités de terrain qui parfois m’échappent sur la complexité de gérer tel ou tel établissement, ou telle situation » (cadre de l’Éducation nationale). Il s’agit aussi de s’adapter à une logique comptable : les directeurs académiques de chaque département gèrent les moyens pour ce qui concerne les écoles du premier degré et les collèges, alors que pour ce qui est des lycées : « On va discuter mais au final c’est moi qui prendrai la décision » (cadre de l’Éducation nationale). La départementalisation de l’action est confirmée dans la diffusion d’une circulaire départementale, a minima dans le Gard et dans l’Hérault, qui reprend localement les attendus et « fixe le cadre », comme le dit l’un des chargés de mission CASNAV. L’importance des territoires n’entrave cependant pas la dimension académique du CASNAV, qui se retrouve dans la fonction de mise en synergie des forces et de mise en circulation des initiatives considérées comme efficientes : « C’est là l’intérêt de la fonction académique du CASNAV, c’est que malgré tout il y a des expériences qui se transfèrent d’un territoire à l’autre » (cadre de l’Éducation nationale).

Quant au travail en lien avec d’autres services de la DSDEN et des partenaires extérieurs, il semblerait que cet aspect puisse bénéficier d’amélioration, soit en termes de communication, soit de définition des rôles.

Dans l’académie de Strasbourg : des fonctionnements historiquement différents entre départements

Avant la création du CASNAV, le CRAVIE (Centre de ressources Alsace ville intégration écoles) fonctionnait déjà à l’échelle régionale alsacienne en tant que dispositif académique, hébergé dans les locaux de l’inspection académique du Bas-Rhin. Il prenait en charge les apprentissages en français des élèves dits, avant 2012, « non francophones » mais également les apprentissages des enfants et des adolescents relevant du schéma départemental d’accueil, pour lesquels un document de suivi avait été mis en place en 2010.

Depuis l’instauration du CASNAV, les liens avec les autres instances du rectorat sont plutôt bien engagés. Une chargée de mission du CASNAV de Colmar (Haut-Rhin) explique ainsi

le fonctionnement des liens entre le rectorat et les services du CASNAV, au moment de l’ouverture d’un nouveau dispositif :

« C’est clair que par exemple, moi, j’attire toujours l’attention des services et de la direction en disant “attention, on installe un dispositif à tel endroit, il faut abonder le fond social de cet établissement qui héberge le dispositif”, parce qu’on sait que ces élèves-là demandent à ce niveau-là, ont des besoins dont il faudra tenir compte. Mais ça se fait normalement, le rectorat fait attention et moi, j’ai des retours des chefs d’établissement qui trouvent que le fonds social a été correctement abondé ».

En revanche, les liens sont plus distendus avec les usagers : « Là, je n’ai pas de retours.

[…] Moi je n’ai pas de visibilité là-dessus. Mais en général les gens sont professionnels. » explique la même chargée de mission.

Par ailleurs, comme dans l’académie de Montpellier, le poids des départements est historiquement ancré. Ainsi, concernant la formation des professionnels et du personnel (non enseignant) au niveau des établissements, la formatrice souligne l’existence de fonctionnements historiquement différents entre les deux antennes du CASNAV (Strasbourg et Colmar), même si la volonté de l’académie de Strasbourg revient aujourd’hui à harmoniser l’action de ces deux antennes :

« Le CASNAV forme de plus en plus, au-delà des enseignants, […] on a lancé des formations à destination des COP [Conseiller d’orientation psychologue], des CPE [conseillers principaux d’éducation], on a travaillé en lien avec les assistantes sociales pour sensibiliser. […] En fait on a de plus en plus une vision académique, ces formations sont proposées à l’échelle académique, pour les deux départements. On a vraiment cette envie de faire un CASNAV académique, c’est vraiment une volonté de nos inspecteurs, voilà. Et justement, c’était le problème au départ, parce qu’on avait historiquement deux départements qui ne fonctionnaient pas de la même façon […] et la volonté de la direction académique a été de donner un fonctionnement aussi ici dans le Haut-Rhin plus académique et plus harmonisé » (chargée de mission).

Dans l’académie de Créteil : la Seine-Saint-Denis, une « académie dans l’académie »

Dans l’académie de Créteil, les communications interservices de l’Éducation nationale apparaissent moindres et il existe une confusion entre le niveau académique et le niveau départemental, produisant des tensions entre les acteurs de ces deux échelles et une faible articulation entre elles. Cette situation est, selon les acteurs, due à la spécificité sociologique de la Seine-Saint-Denis au sein de l’académie de Créteil, qui fait fonction d’« académie dans l’académie » du fait de ses difficultés économiques, sociales et scolaires et qui nécessiterait un traitement institutionnel dédié. En l’absence de visibilité du CASNAV de Créteil sur le terrain en Seine-Saint-Denis, particulièrement en ce qui concerne le second degré, le partage des rôles et des tâches apparaît être le suivant pour les professionnels de terrain : le CASNAV organise le DELF et le reste est en sommeil, à négocier avec la DSDEN et un référent pédagogique qui propose, en parallèle du CASNAV192, des formations et la production d’outils.

On peut alors s’interroger sur les enjeux de légitimité d’une part, de pouvoir de l’autre pour ces différents acteurs. Le rapport de la Cour des comptes d’octobre 2012 relatif à l’accueil et l’accompagnement des gens du voyage pointe, en ce qui concerne le suivi des EFIV, un

192 Jusqu’à l’été 2017 où l’organigramme du CASNAV de l’académie de Créteil a été refondé.

déficit de légitimité des coordinateurs : suite à cela, il a été décidé que les postes de coordinateurs seraient occupés par des inspecteurs d’académie uniquement. Cette recherche révèle que ce déficit de légitimité concerne également, dans certains territoires, le suivi des EANA, alors que les pilotes de ces espaces sont régulièrement inspecteurs d’académie. On voit bien ici combien le seul statut hiérarchique ne suffit pas à construire une légitimité auprès des acteurs éducatifs de terrain.

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