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L’affectation des élèves dans des dispositifs variés et les choix pédagogiques associés

2. L’ ARTICULATION ENTRE DISPOSITIFS ET INCLUSION

2.4. Le rôle et la place du professeur d’UPE2A / UPS

Dans différents terrains observés ce sont les professeurs d’UPE2A qui arbitrent sur le nombre d’heures de présence effective en dispositif, la constitution des groupes, et jouent un rôle référent dans la vie scolaire des EANA à l’école. Lorsqu’il y a des problèmes avec un élève, les collègues enseignants se réfèrent directement au professeur UPE2A. Celui-ci se doit d’entretenir la communication avec l’ensemble de l’équipe puisque les élèves du dispositif sont inscrits dans des classes différentes ; aussi, au collège, les interlocuteurs se multiplient en raison du découpage disciplinaire des enseignements. Souvent, l’enseignant d’UPE2A constitue le seul lien entre les différents acteurs scolaires (les autres professeurs du dispositif et des classes ordinaires où les élèves allophones sont affectés, le personnel scolaire et les différents professionnels présents dans l’établissement) et les élèves allophones, leurs familles et leurs réseaux, souvent au détriment du temps dédié à l’enseignement en classe.

Bien que normalement chaque enseignant puisse dédier une partie de son volume horaire hebdomadaire aux questions administratives et d’organisation, l’enseignant responsable du dispositif UPE2A reste souvent surchargé de tâches administratives, au détriment de la composante didactique et de ses relations avec ses collègues.

Dans les établissements enquêtés, les enseignants d’UPE2A sont apparus relativement isolés et ceux des dispositifs NSA encore davantage. Cet isolement est apparu plus fort encore au collège où certains enseignants d’UPE2A n’ont presque aucune relation avec leurs collègues et ne se rendent quasiment jamais en salle des professeurs ou à la cantine, dans la salle où déjeunent les enseignants. Cet isolement est plus fort dans le second degré notamment parce que les enseignants n’ont pas toujours de tache commune avec leurs collègues : par exemple dans les écoles élémentaires, les professeurs des écoles doivent surveiller les récréations – tandis que dans le secondaire, ce sont des surveillants qui exécutent cette tâche ; ceci leur permet d’échanger avec leur collègue « d’astreinte » au sujet des élèves.

Cette place de l’enseignant à l’écart du reste de la communauté enseignante est illustrative. Pourtant, les acteurs du CASNAV rencontrés nous assurent que leurs formations font tout ce qu’il est possible de faire pour favoriser l’inclusion des élèves et du dispositif – donc de « son » enseignant dans les établissements scolaires. Voici comment cette situation théorique est décrite par un cadre de l’Éducation nationale dans l’académie de Montpellier :

« Le fil rouge du plan de formation, déjà l’an dernier, mais particulièrement cette année, c’est l’inclusion en classe ordinaire. Comment est-ce que je fais ? Qu’est-ce que l’inclusion en classe ordinaire ? Comment est-ce que je fais pour inclure en classe ordinaire de français, en classe ordinaire de maths, en classe ordinaire d’histoire-géo. Euh, euh, toutes les formations sont conçues sur ce principe-là. C’est le fil rouge. L’inclusion. L’inclusion est inscrite dans le projet académique […] on a mis en place des formations sur l’inclusion en français, en maths et en histoire-géo, mais pour les enseignants qui sont des enseignants de classe ordinaire. Pas sur les enseignants d’UPE2A ».

Et un autre cadre de préciser : « une des vocations du CASNAV, je le disais tout à l’heure, consiste à former, certes, les professeurs exerçant en UPE2A, mais aussi toutes les équipes éducatives, en proposant des stages d’établissement, pour favoriser l’inclusion des enfants ».

Plus généralement, c’est la participation sociale et scolaire des acteurs exprimant une diversité qui peine à se mettre en place dans le fonctionnement général de la scolarité, comme l’explique un cadre de l’Éducation nationale de l’académie de Montpellier : « Les formations sont aussi organisées pour les chefs d’établissement et les inspecteurs sous forme de modules, demi-journée ou journée obligatoires. Ces formations ciblent la question de “l’accueil des enfants [pause] en situation… de besoins éducatifs particuliers” ».

La formation vient aussi répondre au constat de la mise en difficulté de professeurs en classe ordinaire :

« Il y a encore beaucoup à faire, pour changer cela, dans une [pause] perspective d’inclusion.

Euh, on, on appelle de nos vœux une école inclusive. C’est beau. Tout le monde est d’accord sur le principe. Mais dans la réalité, quand vous… tu as des… une classe d’histoire, euh, réunissant, euh, 25 enfants, euh, dits ordinaires, et cinq enfants, euh, allophones, plus deux enfants, euh, en situation de handicap, si le professeur n’est pas formé, très rapidement, et c’est tout à fait sain, il va dire “Ils n’ont rien à faire dans ma classe”. C’est une façon de se préserver pour lui aussi. Euh, sinon il va battre sa coupe constamment et être malheureux. Mais, partant de là, pour éviter d’entendre trop souvent ce constat, qui ne mène à rien mais qu’on comprend, il faut, euh, développer une forme de formation, rassurer les professeurs. Un professeur qui est conscient, non seulement de son rôle inclusif, mais qui est aussi compétent pour le faire, va être un professeur heureux, et qui ne sera plus effrayé par la [pause] le… pfff… l’hétérogénéité, quoi ! […] C’est quelque chose qui oblige chaque, chaque enseignant et chaque élève à tenir compte de cela, dans une diversité humaine qui est finalement la vie… avec tout ce qu’elle a de grand et de plus problématique » (cadre de l’Éducation nationale).

Un témoignage d’un cadre de l’Éducation nationale sur l’inclusion d’enfants désignés comme EFIV ou EANA

« Récemment, je suis allé dans un établissement, j’ai pu constater que… le dispositif qui avait été choisi consistait à…, regrouper ces enfants dans une classe, non seulement pour qu’ils soient ensemble, c’était confortable, mais aussi pour que… les autres classes puissent respirer.

Pour dire les choses d’une manière assez douce. Donc ça satisfaisait tout le monde, donc pour obtenir une forme de paix scolaire, et pour obtenir aussi une forme de… [pause et inspiration], de statu quo. Voilà. Satisfaction de tout le monde.

Dans tout le monde, tu mets qui ?

 Tout, tout, tous, euh, les enseignants, les élèves, d’autres élèves qui auraient eu avoir peur de se mélanger. Voilà. Parce que le problème de l’accueil il est, il est d’abord dans l’esprit des élèves. Pas dans celui des adultes mais celui des élèves. Et puis, en ayant observé cela et ayant été alerté, j’ai pu contribuer, euh… avec d’autres, à… la mise en place d’une formation [pause] mettant en œuvre quelques gestes qui avaient été décidés avec le chef d’établissement, qu’on avait pu sensibiliser, qu’on avait pu former, consistant à [pause] inclure dès le début, ces enfants, dans plusieurs classes. À raison de deux maximum par classe. Étant eux-mêmes, les enfants, suivis par un professeur, qui avant, les, les… les accueillait dans sa classe, plusieurs heures par semaine, et qui là va dans les différentes classes ordinaires, et qui de temps en temps aussi, les regroupe en fonction des besoins. Je ne dis pas que ça fonctionne parfaitement, mais en tout cas [pause] c’était une façon aussi de sensibiliser aussi le, le chef d’établissement, qu’on a mis en contact avec d’autres chefs d’établissement, ayant vécu cela, et ayant une bonne formation en termes d’accueil des enfants allophones, ou gitans. Voilà ».

La formation pose aussi la question de l’identification du CASNAV par les acteurs académiques. Le CASNAV reste un référent pour les établissements qui disposent de dispositifs pour EANA et UPS et « les professeurs impliqués. Voilà. Pour les autres professeurs, c’est moins sûr » (cadre de l’Éducation nationale). Effectivement, telles que sont aujourd’hui proposées les formations, il y a, a priori, peu de raison de suivre une formation de ce type si l’enseignant n’a pas d’élève EANA ou EFIV. C’est souvent quand l’un de ces élèves arrive en classe que l’enseignant va formuler, le cas échéant, un tel besoin et demander à se former. Il ne l’aura donc pas été au moment où survient le besoin.

Dans les établissements enquêtés, il s’avère que l’enseignant d’UPE2A est peu visible et parfois peu repéré dans sa fonction par ses collègues, dont certains ne savent pas toujours ce qu’est une UPE2A (en partie parce que le terme familier pour eux est celui de « CLA »). Au-delà de cette non ou faible identification du professeur UPE2A / UPS, certains des acteurs éducatifs interviewés parlent de « marginalisation » de ces professeurs, marginalisation qui participe à les positionner comme « pivot » dans l’inclusion. Cette situation participe d’une dévalorisation de leur position, comme l’indique un cadre de l’Éducation nationale comparant leur situation à celle des professeurs spécialisés dans le handicap en distinguant deux types d’enseignants : le spécialiste vs le généraliste : « Étant considéré comme marginal, touchant peu d’élèves, finalement, il est hiérarchiquement, euh, dans l’imaginaire collectif, euh, subordonné, euh, ou en tout cas, euh, considéré comme un spécialiste, qui n’est pas généraliste. Mais à l’inverse du milieu médical, cette personne observe que le généraliste vaut [appuyé] plus que le spécialiste ».

Pour autant cette situation de marginalisation peut participer d’un certain confort professionnel :

« N’ayons pas peur non plus de la vérité, c’est parfois confortable d’être un professeur marginal. À qui on va… demander moins… pfff… de pourcentage de réussite au brevet. Voilà. Donc c’est, c’est aussi une forme de confort. » (Idem).

Un des points emblématiques de ce travail de coopération entre l’enseignant d’UPE2A et le reste de l’équipe éducative est la gestion et la comptabilisation des absences, qui peuvent être très préjudiciables à l’élève. Il s’agit parfois là d’une des difficultés majeures dues à la coordination entre les enseignants de classe ordinaires et ceux du dispositif d’UPE2A. Dans de

nombreux terrains d’enquête, il arrive qu’un élève qui se trouvait encore dans le dispositif en accord avec l’emploi du temps qui lui a été attribué, soit noté comme absent dans sa classe ordinaire, alors qu’il est bien présent dans l’établissement, comme l’explique un ancien enseignant :

« Effectivement c’est des problèmes d’organisation et de compréhension. Je sais que quand moi j’étais dans le dispositif, j’expliquais au début que l’élève est dans ma classe et il est sur votre liste, mais vous ne le noterez absent qu’une fois que je vous aurais dit qu’il vient dans votre cours.

Donc, ça, c’était le principe au début, après au fur et à mesure, j’informais les professeurs qu’un élève devait aller dans leur classe, mais il y en avait toujours qui n’étaient pas nouveaux dans l’établissement et qui n’intégraient pas ces consignes ».

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