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Les trajectoires d’affectation scolaire

1. L ES MODALITES D ’ ACCUEIL ET D ’ AFFECTATION

1.2. L’effectivité des procédures d’affectation

1.2.5. Les procédures d’affectation des EFIV

À Bordeaux, la scolarité des EFIV est particulièrement marquée localement par une solide importance des liens entre enseignants des dispositifs (UPS, camions-écoles) et les familles, ainsi que d’un travail mutualisé entre acteurs scolaires et municipaux.

Pour l’académie de Bordeaux et sans doute plus globalement, la scolarisation en UPS s’effectue par différentes voies : la demande peut venir de la famille qui met en avant son

« identité de Voyageur », de la mairie qui le précise lors de l’inscription, et / ou des sollicitations des collègues enseignants (pour des raisons diverses : apprentissages, comportements…). Globalement, les élèves qui sont détectés « du voyage et en difficulté » sont envoyés vers ces dispositifs. De manière générale, ce sont les enseignants qui déterminent eux-mêmes les élèves qui ont besoin d’être suivis. En effet, il n’y a pas d’évaluation ou de bilan d’accueil prévu de manière officielle. Les responsables associatifs soulignent qu’« il n’y a pas de règle précise »  ce qui n’est pas sans poser de question sur la labilité des critères.

Pour les EFIV, l’opinion de la famille est alors particulièrement prise en compte, au regard du flou des critères. Les démarches des responsables légaux pour inscrire les enfants sont les suivantes :

- Liens forts des familles avec les enseignants d’UPS et les directeurs d’école référents, qui sont bien repérés et connus de l’ensemble des familles concernées.

- Les familles qui voyagent une partie de l’année louent la facilité d’accès à la réinscription de leurs enfants chaque année lorsqu’ils sont de retour dans la commune, et a contrario, se plaignent des difficultés rencontrées pour scolariser leurs enfants dans d’autres (notamment en raison des modalités et lieux d’habitat, où on leur demande parfois nombre de pièces justificatives souvent incongrues et difficiles à obtenir).

Dans la commune où ont été conduites les observations, une « stratégie » est mise en place par les acteurs scolaires : il s’agit de conserver, sur les listes des écoles, les enfants du voyage qui ne sont scolarisés dans l’école (car présents sur la commune) qu’une partie de l’année, pour les comptabiliser dans les répartitions dans les classes avant leurs retours / après leurs départs.

Dans l’académie de Montpellier, les pratiques relatives au bilan d’accueil semblent différentes d’un département à l’autre. Ainsi, dans les Pyrénées-Orientales, « il y a rarement des évaluations diagnostiques », à proprement parler (entretien avec le référent institutionnel CASNAV-EFIV). Ce sont les enseignants qui décident si l’enfant doit être pris en charge ou non en dispositif. Le référent institutionnel CASNAV justifie cela en soulignant la simplification que cela représente pour un enfant qui, le cas échéant, aurait à subir une évaluation diagnostique

à chaque inscription. Dans l’Hérault, le référent institutionnel CASNAV évoque un « livret d’accueil » qui « rassemblait quelques compétences de base ». Ce carnet était donné à l’élève et l’idée était qu’il circule avec l’élève dans chaque établissement. Ce référent institutionnel CASNAV mentionne le dysfonctionnement de ce livret, qui soit était perdu, soit n’était pas distribué par les acteurs éducatifs, etc. Ce livret est devenu « obsolète » avec le livret de compétences et notamment la version adaptée aux élèves à besoins éducatifs particuliers, démarche qui vise à se centrer sur « l’élève et non pas sur le public appartenant à une communauté donnée » précise le chargé de mission EFIV des Pyrénées-Orientales. Les référents institutionnels CASNAV-EFIV de l’académie se sont rassemblés pour l’adapter aux EFIV :

« Finalement on a fait un pré-pallier 1. Le livret de compétences qui ne va plus exister à la rentrée prochaine : y a trois paliers de compétences, dont deux paliers sur l’école élémentaire. Et si on prenait ce livret, tel qu’il est fichu aujourd’hui, la moitié des élèves voyageurs n’auraient rien de validé. Ça rentre pas dans les cases, alors on a fait un pré-pallier un petit peu intermédiaire entre les compétences de fin de grande section, début CP, parce que le pallier 1 c’est la fin du CE1. Si tu veux, on a quand même plein d’élèves qui sont dans un bon niveau CP ou début CE1 et on voudrait leur valider des compétences et ces compétences, elles existent pas puisque les premières, c’était fin de CE1 » (Idem).

Pour autant, ces deux référents notent les limites de ce livret, qui sont les mêmes que pour le livret d’accueil, à ceci près que le « petit niveau » scolaire de ces élèves amène une prise en charge parfois « à la va-vite ». Pour autant, le référent institutionnel CASNAV des Pyrénées-Orientales souligne que cet outil « fait sens » car « les familles qui scolarisent en maternelle et dont les premiers enfants arrivent sur l’élémentaire, demandent et font vivre cet outil-là », même si « le suivi est quand même toujours compliqué ».

Avant ces livrets, le CASNAV avait élaboré des « évaluations particulières pour les EFIV », mais cette démarche est aujourd’hui refusée par le CASNAV académique, au premier comme au second degré, qui considère que ces élèves sont « Français » et que tout enseignant doit être en capacité de les évaluer en français, car ces élèves n’ont « pas besoin de plus », d’autant plus dans le second degré où les professeurs de français sont « des professeurs de langue » et donc, en capacité d’évaluer les élèves en lecture (entretien avec un cadre de l’Éducation nationale). Le CASNAV fournit le document aux enseignants qui réalisent le test d’évaluation eux-mêmes ; les élèves sont donc évalués non pas par des membres du CASNAV, mais par les enseignants. Le référent institutionnel CASNAV en charge des EFIV de l’Hérault précise qu’il s’agit d’évaluations de positionnement car : « Il n’y a pas d’attente à ce niveau d’une capitalisation scolaire, parce que derrière, il n’y a pas d’orientation, il n’y a pas de parcours qui va mener à une formation. Comme n’importe quel enfant ». Il mentionne également la politique des établissements qui est plutôt de chercher à se « dépatouiller de ces enfants-là, qui arrivent en plein milieu de la classe ». Ce même référent précise certaines limites de ces évaluations, notamment le possible risque de stagnation d’un élève pendant plusieurs années car l’évaluation stipule qu’il n’a pas évolué.

Il existe aussi un décalage entre la législation qui dit « on inscrit dans la classe d’âge » et la situation d’élèves analphabètes âgés de dix ans. Dans ces situations, quand il en a les moyens, le CASNAV détache un enseignant en soutien. Sinon, les établissements « se dépatouillent de la situation » et organisent « des cloisonnements […]. Et cette organisation dépend de nombreux facteurs, de l’implication des acteurs éducatifs envers ce public, du nombre d’élèves par classe, etc. ».

Dans les départements des Pyrénées-Orientales, du Gard et de l’Hérault, la démarche de scolarisation s’effectue, au moins dans un premier temps, essentiellement par le biais du référent institutionnel CASNAV en charge des EFIV ou de la médiatrice EFIV vers les familles.

En revanche, progressivement, la connaissance quasi personnalisée des familles ou le fait que certaines familles suivent le même parcours et s’inscrivent dans des « circuits courts », et reviennent régulièrement, permet de construire un mouvement inverse, mais non nécessairement pérenne, à celui précédemment évoqué.

Dans les Pyrénées-Orientales et l’Hérault, les familles sont directement en contact avec le référent institutionnel CASNAV en charge des EFIV, qui organise avec eux l’inscription de leurs enfants. La relation établie avec lui constitue une base solide de travail en collaboration afin de fluidifier les démarches administratives, facilitant une inscription et scolarisation rapide après l’arrivée des familles dans le département. L’accompagnement peut aller de l’aide dans la réalisation du dossier administratif à la mise en lien avec l’école par téléphone ou en personne. Plus rarement, il se peut qu’une école contacte le référent institutionnel CASNAV en charge des EFIV.

L’accompagnement des familles et de leurs enfants par les référents institutionnels CASNAV en charge des EFIV de l’Hérault, des Pyrénées-Orientales et du Gard s’effectue jusqu’aux portes de l’école. Ensuite ce sont les enseignants « qui peuvent prendre le relais et les enseignants des classes qui les accueillent et des écoles qu’ils fréquentent, qui s’emparent de la problématique » (Référent institutionnel CASNAV-EFIV, Pyrénées-Orientales). Le fait que le référent institutionnel CASNAV en charge des EFIV considère, à juste titre si l’on suit les circulaires à la lettre, qu’il n’a pas de rapport direct à entretenir avec les parents, laisse un espace d’action vide entre l’arrivée des familles et le premier contact avec l’école de scolarisation, pour peu que l’école en question ne dispose pas de médiateur EFIV.

À Strasbourg, lors d’un entretien mené en juin 2015 avec plusieurs agents de la municipalité en charge des inscriptions des élèves « allophones » et des élèves des familles de

« voyageurs », nous avons appris que pour eux, la procédure d’inscription est davantage fragmentée. Concernant les enfants de famille itinérante, un acteur municipal explique :

« En général pour l’inscription scolaire, les familles se voient remettre, du moins quand elles sont sur l’aire […] un document, une attestation de stationnement, et munies de ce document, nous accueillons sur rendez-vous, les familles qui sont dans des situations spécifiques. C’est-à-dire que la majorité des inscriptions scolaires peut se faire en mairie de quartier ou au centre administratif, et comme ces agents ont également d’autres fonctions, ils ne sont pas formés, si vous voulez, pour les publics qui sont dans des situations un peu particulières, donc il y a un renvoi automatique sur notre équipe basée ici à Saint-Urbain… […] Nous les recevons ici sur rendez-vous… […] Voilà, et donc nous accomplissons les formalités d’inscription avec les familles. Ensuite, les personnels de la ville en charge de l’accompagnement scolaire des familles roms et de voyageurs font un travail d’accompagnement pour la complétude des dossiers d’inscription, la fourniture des pièces, […] d’un quotient familial dans certains cas, […] mais en général ils ne fréquentent pas la restauration, donc ça… donc, on leur remet donc un certificat d’inscription. Souvent, on fait un travail de lien aussi avec la direction de l’école. Quelquefois, l’école du Rhin est saturée, à certaines périodes de l’année, auquel cas on a une réflexion avec les familles […] présentes ou non l’année précédente, dans ce cas on cherche l’école fréquentée avant et on procède à l’inscription ».

Lors du même entretien qui concerne les procédures administratives d’inscription, l’accent est progressivement porté sur le problème de l’absentéisme scolaire de ces publics.

Tout d’abord, une des interlocutrices de la ville souligne que « dans la plupart des cas, ce sont des ressortissants de l’Union européenne mais […] avec la différence de taille qui est qu’en tant que citoyens européens, ces familles n’ont pas de droits sociaux hormis de pouvoir voyager ». Ce constat conduit ensuite à justifier la centration de cette intervenante sociale sur les enfants des bidonvilles, dans un contexte de politique publique municipale qui en vise la résorption. Enfin, est pointé ce qui est présenté comme un problème endémique du rapport à l’école de ces populations, alors que le propos de l’entretien ne sollicitait pas nécessairement cette question : « Aujourd’hui, en termes de scolarisation des enfants […] aujourd’hui, il est de plus en plus restreint […] le bidonville […]. Il n’empêche que […] les enfants soient inscrits.

95 inscrits, je parle du primaire, mais cela ne veut pas dire qu’ils sont à l’école ».

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