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Relation principal-agent et réputation

Introduction de la deuxième partie

Section 1. Une modélisation de la réputation : Scharfstein et Stein (1990) Scharfstein et Stein (1990)

1.1.2 Relation principal-agent et réputation

La théorie de l’agence est aussi utilisée pour caractériser le lien entre l’employeur et l’employé2. Dans le cadre de décisions d’investissement, le principal est constitué par l’employeur, l’agent par le gérant. On retrouve dans cette situation les deux problématiques du rapport principal-agent :

- La divergence d’intérêts : l’employeur cherche à ce que l’agent prenne des décisions d’investissement optimales, et en juge par rapport aux autres gérants. L’agent cherche, lui, à maximiser sa réputation auprès de l’employeur afin de se maintenir à son emploi et d’augmenter son salaire.

- L’asymétrie d’information : Le principal délègue le choix d’investissement à son agent et ne connaît pas toutes les informations qui l’ont amené à agir.

1

Voir par exemple VERNIMMEN, P., 2002, Finance d'Entreprise, Quiry, P., Le Fur, Y., Dalloz, Paris, 1131p, p.630

2

Le postulat essentiel du modèle de Scharfstein et Stein est que le gérant cherche à prendre des décisions qui maximisent sa réputation aux yeux de son employeur. Dans la formalisation, celui-ci le rémunère en effet, de façon linéaire, en fonction de l’estimation qu’il a de ses compétences1.

Selon la théorie classique, une décision d’investissement est effectuée par l’agent en utilisant toute l’information disponible sur la société cotée et son environnement, de manière efficiente2. A l’inverse, Keynes pense que les agents sont influencés par d’autres informations, comme le comportement des autres investisseurs, ce qu’il illustre par la métaphore du concours de beauté. Cette influence est de tout premier ordre et pourrait même, selon Keynes (1942)3, être incontournable pour bien comprendre le comportement des investisseurs :

« […] l’individu qui investit à long terme et qui par là sert le mieux l’intérêt général est celui qui, dans la pratique, encourra le plus de critiques, si les fonds sont administrés par des conseils, des comités et des banques. Son attitude en effet doit normalement le faire passer aux yeux de l’opinion moyenne pour un esprit excentrique, subversif et inconsidéré. S’il connaît d’heureux succès, la croyance générale à son imprudence s’en trouvera fortifiée ; et si, comme c’est très probable, il subit des revers momentanés, rares sont ceux qui le plaindront. »

Ce passage illustre ce que Scharfstein et Stein appellent le « partage de la faute4 ». En cas d’erreur, la faute est considérée comme étant « partagée » par l’ensemble des acteurs. Le principal, qui juge l’agent sans disposer de la totalité des données sur les décisions de ce dernier, pensera en effet qu’un ensemble d’intervenants met en exergue leur compétence individuelle, car ils sont tous arrivés aux mêmes conclusions. S’ils ont pris conjointement une mauvaise décision, c’est donc qu’ils ont été trompés collectivement par des événements non prévisibles, affectant la valeur de l’investissement. L’erreur n’est par conséquent pas imputable aux seuls agents, mais plutôt à l’incertitude de leur environnement. En revanche, si l’acteur prend seul une décision qui se révèle mauvaise ex post, ses propres compétences, personnelles, seront mises en cause par le principal, son employeur.

1

Cette hypothèse peut être critiquable, notamment dans la mesure où elle réduit le salaire du gérant à sa part variable.

2

Pour Fama (1965) « Un marché est dit efficient si et seulement si l’ensemble des informations disponibles concernant chaque actif financier coté sur le marché est immédiatement intégré dans le prix de cet actif. » 3

KEYNES, J.M., 1942, Théorie générale de l’emploi et de la monnaie, Payot, Paris, 407p., p.172-173 4

Le modèle développé cherche à modéliser cette notion de réputation dans un choix d’investissement, notamment le choix d’un gérant de portefeuille. Les auteurs voient dans cette notion une explication majeure à la hausse importante des marchés avant octobre 1987.

§ 1.2 Environnement du modèle

1.2.1 Structure d’information

L’environnement du modèle est à l’origine celui d’un investissement d’entreprise dans une technologie de réduction de coûts. Deux firmes distinctes sont dirigées par deux gérants, A et B. Ces gérants investissent de manière séquentielle, A investit le premier.

L’investissement a deux issues possibles, nommées « high state » et « low state ». « High state » correspond à l’état pour lequel l’investissement génère un profit net1 positif de

H

x > 0. A l’inverse, le « low state » correspond à un profit net négatif, de x < 0. Les L

probabilités a priori de ces deux événements sont respectivement de et (1- ), soit P (x ) = H

et P (x ) = (1- ). L

Lorsqu’il prend sa décision, A dispose d’un signal d’information, qui peut prendre une des deux valeurs suivantes : SG pour un signal positif ou SB pour un signal négatif. L’interprétation de ce signal est complexe dans la mesure où le manager ignore la catégorie dans laquelle il se trouve : « smart » ou « dumb ». Les agents « smart », « intelligents »

reçoivent un signal les informant d’un des états du monde, selon une certaine probabilité. Au contraire, les agents « dumb » sont des agents mal informés, et dont le signal ne donne aucune

indication sur l’état de l’investissement La probabilité a priori qu’il soit dans la catégorie

« smart » est de , soit P(smart) = et P(dumb)= (1- ).

S’il est dans la catégorie « smart », le signal reçu est informatif, ce qui signifie que le bon

signal a une probabilité a priori plus forte de se produire dans l’état « high » que dans l’état

« low », ce qui donne :

P(SG / x , smart) = p H P(SG / x , smart) = q < p L

1

Si le manager fait partie de la catégorie « dumb », ce qui arrive avec une probabilité (1- ), il

reçoit des signaux totalement non informatifs, i.e. il a la même probabilité de recevoir le signal SG que le signal SB :

P(SG / xH, dumb) = P(SG / xL, dumb) = z

On postule en outre que la distribution des signaux ex ante est la même pour les deux

catégories de managers1 : ils ont la même probabilité de recevoir SG . Ainsi, le signal, bon ou mauvais, ne contient donc pas d’information sur le type du manager, « smart » ou « dumb » : P(SG / smart) = P(SG / dumb)

En développant de part et d’autre cette dernière égalité:

P(SG / dumb) = P(SG / x , dumb). P (H x ) + P(SH G /x , dumb). P (L x ) L = z. + z. (1- ) = z (1.2.1.1)

et

P(SG / smart) = P(SG / x , smart) . P (H x ) + P(SH G / x , smart). P (L x ) L

= p. + q . (1- ) (1.2.1.2)

On obtient :

z = p. + q . (1- ) (1.2.1.3)

Etant donné que chaque manager ne sait pas s’il est « smart » ou « dumb », on peut calculer

grâce à la règle de Bayes la probabilité estimée d’un état « high » lorsqu’un signal « good » ou « bad » ait été reçu :

P (x /SH G) = P (x ,SH G) / P(SG ) = P(SG / x ). P (H x ) / P(SH G )

Avec

P(SG / xH) = P(SG / xH, smart) . P(smart) + P(SG / xH, dumb) . P(dumb)

= p. + z.(1- ) (1.2.1.4)

Et

P(SG ) = P(SG / smart). P(smart) + P(SG / dumb). P(dumb) = z. + z(1- ) = z (1.2.1.5) Soit P (xH/SG) = θ θ α z z p+(1− ) = G (1.2.1.6) 1

Ottaviani et Sorensen (2000, p.698-700) montrent que cette condition n’est pas absolument nécessaire au modèle et que relâcher cette hypothèse permet d’obtenir des décisions mimétiques sans corrélation de signaux.

De manière symétrique, on trouve : P (xH/SB) = θ θ α )