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Grégarisme et dispersion sur le marché

§ 3.1 Les tests statistiques

3.1.2 Grégarisme et dispersion sur le marché

3.1.2.1 Mesure de Christie et Huang (1995)

Christie et Huang (1995)1 proposent une mesure alternative fondée sur les implications du grégarisme, en terme de dispersion des rentabilités. Des comportements indépendants supposent une certaine dispersion des rentabilités par rapport à la rentabilité moyenne, en fonction de la variété des signaux individuels. Dans le cas de comportements grégaires, cette dispersion devrait théoriquement diminuer. Un comportement mimétique signifie, en effet, que les acteurs abandonnent leurs informations privées pour se rapprocher du consensus du marché, donc que les rentabilités individuelles ne s’éloignent que peu de la rentabilité moyenne du marché.

Afin de mesurer la dispersion entre les rentabilités, les auteurs emploient l’écart-type suivant :

1 ) ( 2 1 − − = = n r r S n i i

avec ri la rentabilité observée des actions de l’entreprise i et r la moyenne de l’ensemble des

n rentabilités du marché2. Si la rentabilité des actions i est très dispersée, alors S est important. En cas de mimétisme, les rentabilités des actions des différentes sociétés se rapprochent de la rentabilité moyenne du marché, et S devrait être plus faible3.

Le comportement grégaire implique une dispersion faible. Celle-ci n’est pourtant pas en elle même garante de mimétisme : un manque d’information pendant une période entraîne logiquement peu de dispersion, sans que celle-ci soit attribuable au comportement imitatif.

L’étude de Christie et Huang est réalisée aux périodes pendant lesquelles la présence d’un comportement mimétique est le plus probable : lors de périodes de fortes variations des

1

CHRISTIE, W., HUANG, R., 1995, « Following the Pied Piper: Do Individual Returns Herd around the Market? », Financial Analysts Journal, pp.31-37

2

Dans les études sectorielles, seules les rentabilités du secteur étudié sont compris dans cette moyenne. 3

On peut noter que cette mesure est discutable quand le grégarisme ne porte que sur certains titres. Voir infra la critique de Richards (1999).

marchés. L’investisseur individuel adoptant un comportement mimétique abandonne à ces moments là son information privée, pour suivre le consensus du marché, et les rentabilités des actions devraient être très proches de celles du marché.

Les auteurs proposent de tester la régression suivante, mettant en évidence les importantes variations de prix lors d’une journée t, St1 :

t U t L t t D D S =α +β1. +β2. +ε

Les Dt correspondent à des variables muettes indiquant les fortes dispersions de rentabilité du

marché dans son ensemble, dans les queues de distribution supérieures U t

D et inférieures L t D

(aux seuils 1% et 5%). Ainsi, L t

D =1 si la rentabilité du marché du jour t est située dans la

queue de distribution inférieure. Sinon, L t

D =0. De même U t

D =1 si la rentabilité du marché du jour t est située dans la queue de distribution supérieure et U

t

D =0 dans le cas inverse. Le

coefficient correspond à la dispersion moyenne de l’échantillon en excluant les deux queues de distribution prises en comptes par les variables muettes. Ainsi, la régression ne s’effectue que lorsque le mouvement de rentabilité du marché est très important, i.e. dans une queue, supérieure ou inférieure de la distribution.

La présence d’un comportement imitatif devrait correspondre à des estimations négatives de 1

β et β2. Dans les périodes de fort mouvement du marché, si les agents adoptent un comportement mimétique, alors les rentabilités des actions i devraient être moins dispersées, et S plus faible.

3.1.2.2 Les résultats empiriques

Les auteurs utilisent les rentabilités journalières de juillet 1962 à décembre 1988 sur le NYSE et l’Amex, ainsi que et les rentabilités mensuelles de fin 1925 à fin 1988 uniquement sur le NYSE. Les résultats obtenus sur les données journalières d’un ensemble moyen de 2 292 entreprises durant les périodes de forte variation des marchés -i.e. quand les variation correspondent aux queues de distribution- figurent dans le tableau suivant.

1

Seuil de 1% Seuil de 5% Dispersion moyenne des rentabilités 1 β β2 β1 β2 Ensemble des entreprises 2.90% 2.87 1.09 1.99 2.83 0.39 1.04

Tableau 3. Coefficients de régression des dispersions journalières de 1962 à 1988 (Christie et Huang [1995], p.34)

Les résultats semblent contredire les hypothèses liées à l’existence de grégarisme1. Les signes de β1 et β2 sont positifs, la dispersion observée augmentant lors de la période pendant laquelle les prix changent significativement. La régression sur les données mensuelles donne des résultats concordants.

Devant cette déficience de détection du grégarisme, les auteurs émettent alors l’hypothèse que le comportement ne s’effectue pas en fonction du marché dans son ensemble, mais sur des secteurs économiques particuliers. L’étude menée révèle là encore une augmentation de la dispersion autour de la rentabilité des secteurs, lors de périodes de grandes variations de prix. Christie et Huang concluent ainsi que le grégarisme n’est pas un facteur important dans la détermination des rentabilités des actions lors de fortes variations des marchés.

Cependant, ce test ne met pas forcément en évidence l’ensemble des comportements grégaires. Richards (1999)2 montre que seule la composante spécifique des rentabilités de l’actif est révélée. Quand l’ensemble des prix d’une classe d’actifs subit la même variation, celui-ci n’est pas mis en évidence par le test, car la moyenne de référence servant de base varie elle aussi. Cette étude ne remet donc pas en cause l’existence même des comportements grégaires.

1

Les auteurs parlent des implications théoriques des comportements imitatifs, mais ne peuvent tester empiriquement que les comportements corrélés sur le marché.

2

RICHARDS, A., 1999, « Idiosyncratic Risk: An Empirical Analysis, with Implications for the Risk of Relative-Value Trading Strategy, IMF Working Paper WP/99/148