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3. Apports de la psychanalyse à la théorie du rapport au savoir (CREF)

3.2. Relation d’objet et rapport au savoir

Dans la lignée de Bion, la théorisation de Winnicott en termes de milieu de vie « suffisamment bon » et d’espace transitionnel nous éclaire sur la compréhension de l’espace d’enseignement en classe. Dans ce contexte, la relation entre l’enseignant et l’élève peut être assimilée à la relation entre l’enfant et sa mère, dans un espace équivalent à la zone intermédiaire que décrit Winnicott, l’objet-savoir étant considéré comme un objet transitionnel.

Mosconi (1996) tente de comprendre comment la relation d’objet devient rapport au savoir en examinant la manière dont le savoir se constitue « objet » et comment la place du savoir dans la société et dans les rapports sociaux transforme la relation à « l’objet-savoir » à un rapport au savoir. Pour répondre à la question, nous allons d’abord nous référer à ce que dit Freud de la théorie des pulsions. Dans « Pulsions et destin des pulsions », Freud (1915) distingue quatre dimensions : la poussée, le but, l’objet et la source, l’objet étant ce par quoi la pulsion peut atteindre son but. Il faut cependant préciser que le terme « objet » correspond soit à un objet réel, soit à un objet imaginaire et peut être un objet total ou un objet partiel.

L’objet de satisfaction de la pulsion étant très variable, celle-ci peut opérer des changements selon un mécanisme de défense du « déplacement ». La pulsion, en se déplaçant d’un objet à un autre, cherche ainsi par différentes voies un objet de substitution pour sa satisfaction. C’est ainsi que des buts intermédiaires tels que le savoir peuvent apparaître et garantir sa satisfaction. Freud nomme « sublimation » le processus par lequel s’opère le « déplacement », le sujet substituant à l’objet primaire un objet de remplacement valorisé par la culture qui devient source de satisfaction de la pulsion. Ainsi, « l’objet savoir » peut, au

moment de la crise oedipienne, remplacer l’objet du désir oedipien pour apporter une satisfaction substitutive à sa satisfaction impossible.

Ainsi, la relation d’objet est corrélative de la pulsion et devient de ce fait un élément constitutif principal dans la construction du psychisme. Sa construction s’opère par le passage d’une relation à l’objet partiel (le sein), à une relation d’objet total (la personne totale de la mère). Dans la relation d’objet, il existe un lien entre la nature-même de l’objet et le but de la pulsion d’une part, et entre le sujet et l’objet d’autre part. L’objet exerce une action sur le but de la pulsion, bien que le sujet est constitué par ses choix d’objet. Alors que Freud (1915) a montré qu’il existait plusieurs types de relation d’objet qui évoluent au fur et à mesure de la maturation du psychisme, Klein (1975) a surtout mis l’accent sur la primauté de l’objet partiel et sur le clivage de l’objet « bon objet- mauvais objet », cependant que Winnicott (1971) a décrit la constitution de la relation d’objet, selon l’influence de l’environnement.

Nous allons particulièrement nous intéresser à la théorie de Winnicott afin de mieux comprendre comment le savoir se fait objet et à travers quels mécanismes s’opère le passage de la relation d’objet à la relation d’objet-savoir. Winnicott (1971) pose les principes de sa théorie en expliquant comment au départ, la dépendance du nourrisson par rapport à l’objet maternel est absolue et tend à diminuer par la suite au cours de la première année de la vie de l’enfant. Dans la période de dépendance absolue, le bébé ne fait pas la différence entre sa mère et lui et se perçoit comme « confondu avec l’objet ». Puis arrive le stade de « répudiation de l’objet », en tant que non-moi, l’enfant va alors distinguer sa mère du « Soi » et la concevoir comme un objet existant séparément de lui. C’est seulement à ce moment là qu’apparaît une relation d’objet véritable.

Pour Winnicott (1971), si la théorie de la sublimation de Freud peut apporter une meilleure compréhension du passage de la relation d’objet à la relation d’objet savoir, elle ne peut pas recouvrir à elle seule l’ensemble des phénomènes de l’expérience culturelle. C’est pourquoi nous pensons que l’apport de la théorie des objets transitionnels de Winnicott apporte une vision plus générale et contribue à mieux comprendre la genèse du rapport au savoir chez l’enfant.

Selon Winnicott (1971), une fois que le processus de séparation et de reconnaissance de la mère comme objet séparé est amorcé, l’enfant se sent en confiance et devient capable d’aller de la dépendance à l’autonomie grâce à l’instauration d’un « espace potentiel ». Selon qu’elle

donne ou non à l’enfant un sentiment de confiance, l’aire transitionnelle dans laquelle se situent les objets transitionnels, pourra ou non se développer. Elle correspond à un moment transitoire où la mère est tour à tour soit confondue avec la réalité interne du bébé soit perçue comme un objet séparé appartenant au monde de la réalité externe. Cet espace correspondrait donc à une zone intermédiaire ente la réalité psychique interne du sujet et la réalité extérieure partagée par tous. Il représente le produit de l’expérience individuelle vécue par le petit enfant mais dépend également de la qualité de son milieu de vie. Les caractéristiques de cette aire offrent ainsi « une variabilité infinie qui contraste avec la stéréotypie relative des phénomènes

en rapport soit avec le fonctionnement du corps propre, soit avec la réalité de l’environnement » Winnicott, 1971, 193).