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TROISIEME PARTIE : PRESENTATION DES RESULTATS

Ecart 33 Fonction liée aux récompenses et punitions 3 9

1. Les Rapports Epistémiques

1.1. Etudes de cas

1.1.4. Malek « apprentissage et lien social »

Malek est âgée de 6 ans et 9 mois. Elle est l’ainée d’une fratrie de deux filles. C’est une petite fille d’allure chétive mais qui paraît malgré tout très sûre d’elle. Elle est débordante d’énergie et entre très facilement en contact avec les autres et se distingue par des capacités relationnelles et sociales extraordinaires.

Les parents de Malek sont issus d’un milieu que nous qualifions de moyen-favorisé. Ils travaillent tous les deux. Ils ont des diplômes universitaires et des emplois stables. Nous avons identifié le style éducatif des parents comme « stimulants ». Ces derniers ont les mêmes objectifs éducatifs et la même vision de leur fille, mais ne sont pas tout à fait d’accord sur son éducation. La mère de Malek est plus sévère que son père. Cependant, les parents sont d’accord sur les mêmes principes éducatifs tels que le respect des normes sociales. A long terme, tous les deux formulent des projets de réussite scolaire et professionnelle pour leur fille. En somme, les parents de Malek sont d’accord sur les mêmes principes éducatifs et défendent les mêmes valeurs mais adoptent des attitudes éducatives différentes : La mère veille au respect des règles alors que le père prend plus de distance et apporte plus de souplesse.

Ce modèle familial, basé sur un consensus autour des valeurs de respect des normes sociales, laisse une place importante au dialogue et à la négociation (entre père et mère et entre

parent et enfant). A cet égard, nous citons Prêteur et al., (1998, 9) qui expliquent que « l’intersubjectivité dialogique qui se construit précocement dans la famille est source

d’expansion pour d’autres formes interactives ». Ces propos illustrent fort bien les capacités de

socialisation extraordinaires de Malek aussi bien dans sa relation avec ses pairs qu’avec l’adulte. Mais dire que le rapport au savoir de Malek repose uniquement sur ses capacités de socialisation nous induirait en erreur combien bien même elles en constituent le fondement. En effet, ce sont les interactions sociales et les conduites argumentatives, indispensables aux apprentissages qui vont amener l’enfant à construire des opérations logiques (Piaget, 1969), grâce à l’étayage et la médiation de l’adulte dans la relation pédagogique (Vygosky, 1985). A ce titre, Wallon (1952, 124), rappelle combien il serait « utile de rattacher les opérations

intellectuelles dont l’enfant devient capable, avec des relations sociales qui lui deviennent également accessibles ».

Nous faisons l’hypothèse que le travail des parents a conditionné le mode de fonctionnement de la famille de Malek. En effet, les parents de la petite fille ont su combler leur absence par la mise en place d’une organisation rigoureuse qui a favorisé l’émancipation de Malek. Durant l’absence des parents, le suivi scolaire est assuré par un autre support éducatif : « la garderie scolaire »38. Toutefois, cette organisation ne saurait être suffisante sans la présence d’un climat familial aimant qui apporte la sécurité affective nécessaire. C’est donc grâce à la multiplication des espaces de socialisation (famille, école et garderie) mais surtout grâce à une éducation « autonomisante » que Malek a pu développer ses capacités de socialisation. Ainsi, c’est « la prise d’autonomie de l’enfant qui déterminera pour une grande

part son rapport ultérieur à autrui, au groupe et à la société en général, autrement dit sa propre capacité d’intégration sociale » (Prêteur et al., 1998, 9).

Par ailleurs, s’agissant de sa propre perception des pratiques éducatives, Malek fait beaucoup référence aux punitions dans son récit à l’épreuve des histoires à compléter. Ces punitions ne sont pas vécues comme arbitraires, mais justifiées en cas de manquements aux règles édictées par les parents, comme par exemple : « mentir, ne pas faire ses devoirs ou ne pas dormir à l’heure ». Mais si Malek accepte les punitions, nous repérons clairement dans son discours une volonté de s’affirmer : elle n’hésite pas à avoir recours à la ruse pour déjouer les

38 Ce sont des prestataires de service qui proposent d’assurer le suivi scolaire en l’absence du parent. Ils proposent

notamment de récupérer l’enfant à la sortie de l’école, rencontrer l’enseignant si besoin et s’assurer du bon déroulement des devoirs. 

punitions et envisage de recommencer les mêmes « bêtises » ou transgressions. Malrieu (1969, 244) ne définit-il pas la personnalisation comme « une conquête d’autonomie qui s’origine

dans une réaction du sujet à un sentiment d’aliénation » ? En outre, il ne faut pas oublier que

ce sont les conflits (à travers leur résolution) qui vont permettre à l’enfant de construire sa personnalité (Malrieu, 1979). Pour comprendre le processus de personnalisation, il faut considérer le développement au cours d’une vie comme étant jalonné de questionnements sur soi et sur le milieu et de tentatives pour mieux comprendre le monde et soi-même. Cependant, les exigences des éducateurs sont pour l’enfant source d’oppositions et de conflits. Ces derniers introduisent un doute sur soi et des incertitudes, alors même que l’enfant n’est pas encore capable de construire un système de valeurs érigées en système pour les résoudre (Malrieu, 1995).

En intégrant ces différents éléments, nous pensons que Malek réussit à dépasser les conflits internes occasionnés par les situations problématiques dans lesquelles elle se trouve, grâce notamment à la construction d’un système de valeurs élaboré sur la base d’une interstructuration des influences familiales et scolaires. Ainsi, quand nous lui demandons quelle est la chose la plus importante qu’elle ait apprise, elle répond : « le plus important, c’est que papa et maman m’ont bien éduqué ». Pour Malrieu, le système de valeurs est « un système

de réseau de fins plus ou moins clairement hiérarchisées, qui peuvent, de façon partielle, rester subconscientes, et qui sont évoquées chaque fois qu’un conflit se présente au sujet à propos de l’organisation de ses entreprises, sa fonction étant de réguler les conduites »

(Malrieu, 1979, 198). Malek réussit à intérioriser le système de valeurs élaboré par ses parents et à l’intégrer dans la fonction du travail scolaire d’une part, et développe une capacité « à se déplacer sur la position des autres », avec l’aptitude à se distinguer d’eux pour affirmer son identité singulière, d’autre part.

Parallèlement, son rapport au savoir épistémique se traduit par une très forte mobilisation subjective. Elle adopte une position d’acteur dans le travail scolaire. Nous repérons dans son discours l’expression de plaisir à apprendre mais aussi un choix et des préférences très marqués. Elle « aime beaucoup venir à l’école », lieu privilégié de socialisation. Elle veut apprendre de nouvelles matières (surtout la lecture) ou contenus scolaires spécifiques (de nouvelles lettres, de nouvelles formes géométriques, etc…), ce qui témoigne de son appropriation de « l’objet-savoir ». Par ailleurs, elle insiste sur son désir d’autonomie et veut apprendre à « faire toute seule ». En classe, elle veut aller au tableau et