• Aucun résultat trouvé

1. RÉPONSE AU PREMIER OBJECTIF DE RECHERCHE

1.2 Le regroupement des situations professionnelles par axe de compétences

À partir de l’analyse des données, il appert que toutes les situations professionnelles correspondaient aux activités-clés des compétences professionnelles, ce qui a permis la classification par axe de compétences. De surcroît, le tableau 13 montre le nombre de situations professionnelles que les directrices et les directeurs généraux ont géré lors de leur semaine de travail. La moyenne calculée est de 11,5 situations professionnelles par participant. De plus, les situations professionnelles ont été classifiées par axes de compétences. Par ailleurs, il est intéressant de remarquer la prédominance du côté de l'axe de l'environnement collégial puis en second lieu celui de la pratique et conduite professionnelle. En troisième lieu, l'axe de la gestion des personnes et des équipes se démarque aussi par sa proximité du nombre avec celui de l'axe de pratique et conduite professionnelles. Finalement, le nombre de sept situations professionnelles selon l'axe de la gestion administrative démontre que les directrices et les directeurs généraux ont particulièrement effectué leur travail autour des trois autres axes de gestion.

Tableau 13 : Regroupement des situations professionnelles par axe de compétences. Laurent (S1) Benoit (S2) Marie (S3) Caroline (S4) Marguerite (S5) Anne (S6) Sophie (S7) Fabien (S8) Total Rang Situations professionnelles 12 12 12 10 11 10 14 11 92 Pratique et conduite professionnelles 7 3 6 0 1 6 3 4 30 2e Gestion administrative 0 2 0 3 1 0 0 1 7 4 e Environnement collégial 3 2 3 3 6 3 9 5 34 1 er Gestion des personnes et des équipes 2 5 3 4 3 1 2 1 21 3 e

Légende : (S1) sous-tend sujet 1 (S2) sous-tend sujet 2 et ainsi de suite

À partir de ce résultat de recherche, nous avons voulu mettre en exergue le contexte de réalisation de chacune des situations professionnelles pour bien situer l’agir compétent. Pour y parvenir avec justesse, il y a eu lieu de refaire une lecture attentive des récits, et ce,

en concomitance avec les transcriptions des EdE, de manière à bien saisir tous les éléments de contextualisation. Selon Dejours (2009a), « Chaque compétence est indissociablement liée au contexte de son effectuation. Les compétences ne sont pas régulièrement transposables d’un contexte à un autre » (p. 38). Cette analyse complémentaire a permis de circonscrire le contexte où la directrice ou le directeur général a exercé ses compétences professionnelles en situation professionnelle, et donne un aperçu intéressant sur la nature des activités qu'il a eu à gérer lors de la semaine de travail racontée. Dans un premier temps, l'analyse a été effectuée de façon individualisée pour être ensuite regroupée dans un tableau synthèse disponible à l'annexe XIX. Le tableau 14 présente un exemple de l'analyse individualisée de Laurent. Dans la colonne de droite, le chiffre entre parenthèses représente le nombre de situations professionnelles concernées par l’axe de compétences. Cette dernière information a permis de contextualiser les situations professionnelles.

Tableau 14 : Regroupement et contextualisation des situations professionnelles par axe de compétences

Sujet 1 (S1) Laurent

SITUATIONS PROFESSIONNELLES CONTEXTUALISATION

Axe de compétences Environnement collégial

Définir autrement la gestion des activités de

recherche Positionnement stratégique des centres de recherche (1) Environnement collégial

Créer un contexte de recherche et d'étude Partenariat avec l'externe (1) Rétablir le climat organisationnel Gestion de conflits (1)

Axe de compétences Pratique et conduite professionnelles

Assurer le transfert des dossiers à son successeur

Insertion professionnelle (1) Assumer les responsabilités de la DRH Règlement de dossiers litigieux (1) Résoudre les difficultés de nature complexe

Gestion d'activités complexes (1) Gérer des situations complexes, d'urgence et

de crise Gestion des priorités (1)

Prendre, assumer et expliquer ses décisions Gestion d’activités multiples (1) Créer un comité institutionnel de recherche

Créer une jonction entre le comité institutionnel de recherche et la régie

Développement d'une coopération (2)

Axe de compétences Gestion des personnes et des équipes

Proposer un changement au plan d'effectif

Restructuration organisationnelle (1) Intervenir auprès de personnes en grande

souffrance Gestion de crise (1)

Axe de compétences Gestion administrative

En complément, l'annexe XIX présente le portrait global des 92 situations professionnelles racontées par les 8 sujets. Ce nombre ne peut être limitatif quant au nombre de situations professionnelles verbalisées, car on peut imaginer que les directrices et les directeurs généraux ont effectué d’autres tâches managériales pendant ladite semaine, mais qu’ils ont choisi ou omis de les raconter lors de cette semaine de travail spatiotemporelle. Dans le cadre de cette recherche exploratoire, il n’y avait pas de restrictions en ce qui concerne le nombre de situations professionnelles. La conduite des entretiens permettait de s’assurer de la position incarnée du sujet, de la verbalisation des actions et du vécu émotionnel qui explicitait le déroulement opératoire des situations professionnelles. La classification de ces situations professionnelles a donc permis de relever les contextes auxquels les directrices et les directeurs généraux sont le plus impliqués. Indépendamment du contexte, la situation professionnelle (parfois imprévue ou inédite) peut mobiliser plusieurs compétences et plusieurs ressources internes ou externes, d’où l’importance d’intégrer l’agir compétent situé dans la pratique pour développer l’intelligence des situations. C’est le cas de Laurent qui raconte son aisance à gérer des situations professionnelles de plus en plus complexes avec de plus en plus de facilité. Laurent (DG, cégep urbain) : « Même si, les situations sont délicates et les difficultés

différentes, l'expérience et le fait que j’en ai tellement vu me permettent de toujours avoir une idée pour résoudre le problème auquel je suis confronté et définir une solution. Pour régler les difficultés plus complexes, j’ai toujours un plan général que j’adapte aux situations plus particulières.

L’intuition, une compréhension fine des tenants et des aboutissants de la situation et une lecture systémique de la réalité sont essentiels. Il faut apprendre à écouter et à lire les gens. Il y a une foule de compétences que l’on doit maîtriser et adapter selon la subtilité des moments, des situations et des personnes en cause ».

Puis, il y a Sophie qui exerce un leadership stratégique auprès de son personnel- cadre, afin que celui-ci développe cette intelligence de situations.

Sophie (DG, cégep urbain) : « Un moment donné, je les ai avisés qu’ils risquaient d’être

témoins d’affrontements entre des individus qui sont pour et contre les actions de grève. Je leur ai dit : si vous pensez que ça vous affecte fortement, que ça vous stresse trop et que vous allez perdre le contrôle, il vaut mieux se retirer.

Ensuite, vous allez directement à la direction des ressources humaines pour avoir son appui. Elle va vous conseillez sur le retour à faire et vous apprendre à gérer une situation stressante en gardant le contrôle ».

L’importance de la contextualisation et l’adaptation de compétences en rapport à la situation professionnelle sont des éléments qui ont été maintes fois soulevés lors des entretiens. En d’autres mots, l’agir compétent doit être situé. Plusieurs ont rappelé la pression sociale envers le rôle ou l’image du personnel d’encadrement d’un collège, d’où l’importance d’adapter les compétences selon les situations professionnelles à gérer. En ce sens, Sophie amorce un changement de culture organisationnelle afin d’encourager une gestion qui favorise la proximité entre les personnes, le dialogue, la collégialité dans la réalisation des mandats à réaliser.

Sophie (DG, cégep urbain) : « Je leur ai dit et redit à maintes reprises : tout le monde vous

regarde tout le temps que ça soit dans la rue ou dans les corridors du collège ! On observe l’accueil que vous avez envers les autres, on regarde votre tenue vestimentaire, on examine votre positionnement et votre posture. Tout le monde vous regarde tout le temps ! Prendre conscience de cette réalité à créer une onde de choc chez eux. En fait, les modèles sont des personnes qu’on regarde constamment parce qu’on veut s’en inspirer ».

En fait, l’art de bien agir, et ce, avec compétence semble être une préoccupation partagée par les sujets. En plus de reconnaître l’importance d’agir avec compétence en tant que directrice ou directeur général, on reconnaît aussi cette nécessité envers le personnel d’encadrement. En ce sens, 6 des 8 sujets l’ont mentionné.

Anne (DG, cégep urbain) : « En somme, je m'attends que l'équipe de cadres soit l'équipe de

leaders au collège avec une posture de leadership à l'endroit de son équipe puis au sein de l'ensemble des employés […], car le reflet de nos comportements se transpose en modèle pour ceux qui nous observent, c’est-à-dire le personnel du collège ».

Fabien (DG, cégep urbain) : « Avec les directions, on se rencontre régulièrement, car s’il

surgit un problème, ils viennent ici. J’ai une politique de portes ouvertes, c’est-à-dire que je ne suis pas inaccessible. Pour moi, c’est la manière la plus naturelle de m’assurer que les directions sont aux faits des situations professionnelles qu’ils gèrent ».

Benoit (DG, cégep en milieu rural) : « Au sein de mon équipe de direction, j’ai eu des

divergences d’opinions et des discussions sur les habiletés relationnelles avec trois personnes […]. Ces trois personnes ne donnaient pas l’heure juste à leur monde, par souci de ne pas les blesser et de ne pas altérer les relations. Pour moi, quand tu as une relation de confiance avec quelqu’un, tu peux dire n’importe quoi, et pour eux ça semblait être perçu différemment. J’ai eu plusieurs discussions avec eux, de manière à travailler ces aspects relationnels ».

À partir du regroupement des situations professionnelles par axe de compétences, nous avons relevé les contextes de réalisation communs entre les directrices et les directeurs généraux. La lecture fine de ces situations a permis aussi de mettre en exergue les contextes auxquels ils sont le plus impliqués, et parfois confrontés. Le processus d'analyse permet de présenter 10 contextes de réalisation sous forme de thème, et les situations professionnelles qui s'y attachent. L’annexe XX présente la contextualisation des 92 situations professionnelles, à savoir l’agir compétent situé. En ce sens, le code numérique situé à droite du contexte représente le nombre de situations professionnelles racontées par les sujets. Sous le libellé du contexte, nous regroupons les situations professionnelles adjacentes. En fait, ce schéma offre une vision globale sur l’ensemble des situations professionnelles, de manière à situer le contexte de réalisation. Or, il y a lieu de constater que les dix contextes mis en exergue font appel aux habiletés interpersonnelles, voire les compétences émotionnelles. Par ailleurs, le contexte de conflit en milieu de travail semble être le plus fréquent, car l'on y retrouve 17 situations professionnelles sur les 92 recensées. À titre d’exemple :

Sophie (DG, cégep urbain) : « Depuis mon entrée en fonction, j’ai vécu plusieurs situations

de gestion très difficiles, et ce, à des niveaux de difficulté assez différents. Ici, c'était la guerre entre la haute direction, c’est-à-dire entre la direction générale, le directeur des études, le directeur des ressources humaines et les trois syndicats, notamment le syndicat des enseignants. De plus, c'était la guerre au conseil d'administration. Bref ! C'était la guerre partout ! »

Benoit (DG, cégep en milieu rural) : « La plus grande difficulté dans ce processus-là fut

des résistances à l’école […]. Les gens avaient une attitude de méfiance, mais on composait avec ça. Des tensions historiques, des vieux de la vieille de l’école étaient porteurs de cette tradition de tensions là. Des héritiers du passé ! »

Marguerite (DG, cégep urbain) : « Ici, ça fait des années que c’est la guerre avec […], ce

qui me porte à croire que la solution passe par une étape de médiation, sinon je ne vois pas comment on peut s’en sortir sans l’aide d’une personne externe […], car il y a énormément de guerres ».

Ce constat est étonnant, car cela induirait que la gestion des conflits est un phénomène très présent. Pour plusieurs, les émotions demeurent au centre de ces situations conflictuelles, et adhèrent que la gestion des émotions joue un rôle dans le fait d’assumer une responsabilité et même un rôle de leader. Par exemple :

Benoit (DG, cégep en milieu rural) :

« La gestion des émotions est la plus importante à considérer dans la pratique. Pendant

toutes ces années passées en gestion, je n’ai jamais vu autant de travail social qu’à la direction générale du cégep. Je gère tout le temps des émotions, tu gères tout le temps des humains. Ce sont des humains qui sont pris avec des problèmes, et non des problèmes en soi. On ne gère pas des problèmes ; on gère du monde qui vit des problèmes, ce n’est pas pareil ! Alors la communication, c’est la clé ! J’aurais tendance à dire que c’est 90 % de mon travail. Je crois, beaucoup vraiment beaucoup à la gestion de corridors, pas dans mon bureau, le moins possible dans mon bureau. Tu gères sur le terrain ! »

Marie (DG, cégep urbain) : « La gestion des émotions, il faut absolument la développer,

c'est l'outil primordial, cette compétence-là. En fait, la gestion des émotions ou la gestion des relations de travail occupe 80 % de mon temps ».

Par ailleurs, nous avons perçu chez d’autres participants l’importance des habiletés relationnelles au sein de leur travail. Pour illustrer, la présentation de cette dimension, plus de quatre d’entre eux, énonce même un pourcentage en temps dédié aux relations de travail. À titre d’exemple :

Marguerite (DG, cégep urbain) : « À titre de direction générale, je réalise que les habiletés

relationnelles, dont tous les aspects liés à la communication, occupent une place extrêmement élevée dans notre tâche. Pour ne pas dire 90 %, je vais plutôt déclarer 80 %, car nous avons de moins en moins besoin d’expertises pointues. Mon travail de DG se traduit par des activités relationnelles, puis le 10 % ou 20 % restants sollicitent énormément d’habiletés stratégiques et politiques ».

Anne (DG, cégep urbain) : « En fait, ça explique mes nombreux efforts de communication,

car je trouve qu’une grosse partie de notre travail se situe dans des activités de communication, dans le partage d’information puis oblige la maîtrise d’habiletés en communication. […] C'est un peu l’importance du phénomène “relationnel” qui occupe un bon 75 % de mes activités ».

Fabien (DG, cégep urbain) : « Pour y arriver, j’ai dû développer des habiletés

relationnelles pour justement mieux faire connaître le collège. Aller chercher des partenaires, des ententes, tout ça. En réalité, les habiletés relationnelles mobilisent 90 % de mon temps. J’assume toutes sortes d’activités qui m’amènent à communiquer. Je suis continuellement en réunion, je rencontre des groupes ici et là, je siège sur des comités, j’ai des rencontres à l’interne et à l’externe, et ce, sans oublier les suivis téléphoniques et les courriels à faire ».

Rappelons que Aktouf (2006) et Mintzberg (2006) avaient mentionné que 70 % des activités de gestion nécessitent l’apport de compétences émotionnelles. En second lieu, nous faisons un retour sur ces différents contextes de gestion avec l’intention d’identifier

les compétences émotionnelles qui peuvent soutenir une directrice ou un directeur général lors de telles situations professionnelles, en réponse au deuxième objectif de recherche.

Outline

Documents relatifs