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Les préoccupations sociales concernant le personnel d'encadrement d’établissement

2. LA PROBLÉMATISATION : ÉTAT DE LA QUESTION

2.1 Les préoccupations sociales concernant le personnel d'encadrement d’établissement

Certaines études empiriques portent sur les préoccupations exprimées quant à l’importante charge de travail du personnel de direction, dont la complexification de leur tâche, l’augmentation des compétences multidisciplinaires et les répercussions qui en découlent sur leur état de santé et sur celle de leur organisation (OCDE, 2008). L’étude de Poirel et Yvon (2011) démontre que les principales sources de stress chez les directions d’école au Québec proviennent des contraintes administratives, des relations interpersonnelles et du renouveau pédagogique. Deux études dont, celle de Dubois et associés inc. (2012a) ainsi que celle du Gouvernement du Québec (2006) apportent un éclairage quant aux préoccupations des cadres d’établissement d'enseignement québécois. À titre d'exemple, l'étude de Dubois et associés inc. (2012a) s'intéresse aux préoccupations se rapportant au climat organisationnel des collèges, les comportements au travail, les critères de santé psychologique et physique des cadres. Une troisième étude, celle de l’OCDE (2008) vient confirmer que la direction d’établissement est une priorité de l’action gouvernementale en matière d’éducation à l’échelle mondiale. Pour débuter, Dubois et associés inc. (2012a) ont mené une étude auprès du personnel-cadre des cégeps au Québec qui s’intitule : Étude des effets du climat organisationnel des collèges sur les

comportements au travail et la santé des cadres. Dans les faits, l’étude a été revendiquée par l’ACCQ afin de répondre aux préoccupations exprimées par les membres lors de l'assemblée générale qui a eu lieu pendant le colloque : L'équilibre au travail...j'y travaille, en 2011 (ACCQ, 2013a). Le but ultime de l’enquête est de mesurer les effets possibles du travail en rapport à la santé psychologique et physique des cadres. Assurément, l’ACCQ s’interroge sur les conditions de travail de ses membres et par le fait même, sur les responsabilités managériales qu’amènent les nouveaux défis au réseau collégial. La démarche méthodologique comporte plusieurs volets, dont une enquête auprès de 1008 cadres, avec un taux de participation de 61 %. Les résultats de l’étude amènent Dubois et associés inc. (2012a) à formuler cinq conclusions dont notamment :

Les cadres des collèges québécois rapportent une charge de travail excessive (68,5 % vs DBA16 : 36,8 %) qui entraîne un stress quotidien considérable ressenti par 65,5 % d’entre eux. De plus, 69,7 % des cadres restent préoccupés par leur travail, même une fois à la maison. Cette situation est alarmante et exige un correctif prioritaire (diapo 61).

À la lumière de l’étude, plusieurs indicateurs préoccupants dont « la dépression et difficulté relationnelle, le stress au travail, la surcharge au travail, la clarté des rôles, la satisfaction générale au travail » (Ibid., diapo 62), permettent de proposer des recommandations pour diminuer la charge de travail et le stress professionnel des cadres des collèges du Québec (Dubois et associés inc., 2012a, diapo 65). La principale recommandation de l’étude est de réduire la surcharge de travail et le stress professionnel des cadres des collèges du Québec en soumettant l’objectif suivant : « Diminuer de 68,5 % à 50 % d’ici à 201517 la perception de surcharge de travail des cadres (DBA : 36,8 %), et atteindre un maximum de 40 % en 2018 » (Ibid., diapo 66). Les conclusions de l'étude présentent notamment des résultats d'ordre relationnel et certain d'ordre émotionnel ayant une incidence sur leur charge de travail qu'on qualifie d'excessive et qui entraîne un stress quotidien considérable ressenti par 65,5 % d'entre eux. Or, l'étude juge que « cette situation

16Le standard DBA constitue le résultat moyen de cadres de 84 organisations de services aux mêmes questions de la présente étude. Ces sondages ont été réalisés par la firme en 2011. Il convient de noter que celle-ci ne dispose pas d’un DBA pour les facteurs de santé psychologique et de santé physique (Dubois et associés, 2012a).

17 Selon les informations recueillies auprès de l’ACCQ, il n’y a pas de nouveau rapport pour vérifier si la cible de 2015 a été atteinte.

est alarmante et exige un correctif prioritaire » ((Ibid., diapo 61). Dans sa thèse de doctorat (Poirel, 2009) soutient que « L'importance accordée à l'étude du vécu émotionnel et des stratégies d'ajustement pour faire face aux stresseurs organisationnels des directions d'école ne pourrait se faire sans aborder la relation entre ces facteurs18 et la santé » (p. 68). À cet égard, Poirel (2009) reconnaît comme Lhuillier (2006) une interrelation entre la régulation des émotions, les compétences émotionnelles et les pratiques managériales en admettant que « si on est conscient de son état émotionnel, si on est capable de bien réguler, si on fait preuve d'empathie envers les autres, si on est capable de réguler leurs émotions, on obtiendra une augmentation des performances personnelles et organisationnelles » (Lhuillier, 2006, p. 56). Par conséquent, ces résultats d'étude portent attention, et interroge l'exercice des compétences émotionnelles au sein des pratiques managériales. Est-ce que ces résultats d’étude émergent de situations professionnelles qui laissent présager un déficit des compétences émotionnelles ? Les compétences émotionnelles renvoient notamment aux différences dans la manière dont les individus identifient, expriment, comprennent, utilisent et régulent leurs émotions et celles d'autrui selon l'environnement ou le contexte de travail. Il y a lieu de s’interroger à savoir si le développement de CE chez ces cadres est pour eux une ressource envisageable afin de les aider à réduire ces indicateurs préoccupants.

La seconde étude menée par le Gouvernement du Québec (2006) s’intitule : Étude des pratiques de soutien et d’accompagnement des nouvelles directions d’établissement, puis elle renvoie aux directions d’établissement des ordres d’enseignement primaire et secondaire. Les objectifs de cette étude sont d’abord, de répertorier et ensuite d’analyser les pratiques existantes de soutien et d’accompagnement des nouvelles directions pour les ordres d’enseignement primaire et secondaire du Québec afin de favoriser leur amélioration et leur adaptation aux besoins des individus visés et à ceux des organisations scolaires

concernées (Ibid., 2006). La recherche s’est effectuée auprès de

44 commissions scolaires répondantes et comprend plusieurs volets, dont l’envoi de

18 Dantzer et Goodall (1995, dans Poirel, 2009, p. 25) avaient déjà mentionné que « le terme de stress s'applique à la fois aux facteurs de l'environnement responsables (les stresseurs ou plus exactement les facteurs d'agression), à la réaction initiée par l'organisme pour tenter de contrecarrer les effets (la réaction de stress) et à l'état de délabrement dans lequel se trouve l'organisme (l'état de stress) ».

745 questionnaires aux accompagnés, avec un taux de réponse de 50 % ; 324 questionnaires destinés aux accompagnants, soit un taux de réponse de 40 % ; 664 questionnaires destinés aux aspirants, soit un taux de réponse de 49 %, et autre participant. L’étude mentionne notamment les faits suivants :

Au cours des dernières années […], le Québec a souscrit à un mouvement de restructuration généralisée de son système scolaire […] que les directrices et les directeurs tiennent une position stratégique dans la mise en œuvre des rénovations envisagées […] que la direction de l’établissement y joue un rôle important […] découle de ce mouvement de restructuration une modification profonde, voire une complexification, de la tâche des directrices et des directeurs des établissements scolaires (Ibid., 2006, p. 9).

En rapport au contexte, l’étude précise que le personnel de direction a vécu de profondes transformations outre les changements démographiques, comme le vieillissement, la féminisation et l’accélération du remplacement. De plus, les cadres ont connu une complexification de leur tâche, et ce, dans un contexte de décroissance de la population scolaire au secteur jeune, de remise en question des pratiques professionnelles et de mutation de l’école (Ibid., 2006). L’étude est ancrée dans une perspective pratique plutôt que théorique permettant d’offrir une description et une analyse de la situation des nouvelles directions d’établissement, leurs représentations et perceptions, leurs besoins et les caractéristiques des dispositifs de soutien et d’accompagnement vers une visée d’insertion professionnelle. Elle fait aussi ressortir les compétences liées à la fonction de direction d’établissement d’enseignement soit la compétence relationnelle, la compétence managériale, le leadership, le savoir-être, la dimension collective de la compétence, la métacompétence, les savoirs et les connaissances nécessaires et préalables au développement de toute compétence. L’étude spécifie que l’on accorde une importance capitale notamment à la compétence de leadership et à la compétence relationnelle. À celles-ci, on y ajoute les douze compétences professionnelles de l’enseignement qu’on qualifie adaptables et transférables reconnues dans le référentiel du Gouvernement du Québec pour assumer la fonction de direction d’établissement (Gouvernement du Québec, 2001). D’ailleurs, depuis cette recherche, d’autres travaux ont eu lieu sur le développement des compétences chez les directions d’établissements primaire et secondaire (Gouvernement du Québec, 2008b).

Ces deux études s’intéressent aux directions d’établissement d’enseignement. Une première porte sur les compétences des cadres dans le réseau collégial et une deuxième, sur les fonctions des directions d’établissement des ordres d’enseignement primaire et secondaire. Au sein des deux études, il y a lieu d’observer la complexité du rôle et des fonctions de la direction d’établissement par la mouvance actuelle qui oblige le développement de nouvelles compétences dont les compétences interpersonnelles (Dejoux, 2013 ; Mintzberg, 2010). Bien que la deuxième étude porte exclusivement sur les ordres d’enseignement primaire et secondaire, il y a des raisons de croire que les mêmes préoccupations existent au sein du réseau collégial. Quand bien même que les configurations organisationnelles (Mintzberg, 2004) seraient différentes entre les ordres d'enseignement, il existe de grandes similitudes sur la structure et la dynamique des établissements. Par ailleurs, même si les structures des organisations sont variées et dépendantes de leurs environnements, il s'en dégage certains types de configuration structurelle, soit des idéaux types ou des catégories distinctes puis certaines régularités dynamiques liées à ces types de configuration (Mintzberg, 1998).

L’étude de Dubois et associés inc. (2012a) permets justement de poser la question puisque dans une perspective de professionnalisation auprès des cadres de direction du réseau collégial, les deux études permettent de rendre compte du besoin imminent de réduire la surcharge de travail et le stress professionnel. En ce sens, l'IE est fondée sur des habiletés qui peuvent amener la personne dirigeante à appréhender ou à développer des compétences émotionnelles dans un contexte professionnel, en réponse à certaines situations professionnelles qui nécessitent des changements. À titre d'exemple, mettre en place des mesures de gestion particulières pour permettre la réduction de la surcharge de travail. Dans le même ordre d'idée, Lhuillier (2006) mentionne que « l'analyse du travail émotionnel conduit à s'intéresser aux ressources nécessaires au développement des compétences émotionnelles et notamment à la fonction de régulation de la charge émotionnelle par les collectifs de travail » (p. 91). Considérant les deux dernières études, nous interrogeons la place de l’intelligence émotionnelle qui peut soutenir le travail des directrices ou des directeurs généraux. D’ailleurs, Schermerhorn, Hunt, Osborn et De Billy

(2010) mentionnent que « Le travail émotionnel […], renvoie aux situations dans lesquelles une personne déploie des efforts pour manifester les émotions attendues par l’organisation lors des échanges interpersonnels qui ont lieu au travail » (p. 76). Ils précisent l’importance à accorder à l’IE et au processus émotionnel qui en découle en précisant que : « à une époque où les hiérarchies traditionnelles et les structures verticales cèdent la place aux relations latérales et aux structures collégiales, les compétences humaines telles que l'IE se révèlent primordiales » (Ibid., p. 21).

Enfin, la troisième étude menée par l’OCDE (2008) confirme que la direction des établissements d’enseignement est une priorité de l’action gouvernementale en matière d’éducation dans le monde entier. D’ailleurs, l’étude précise que les pays industrialisés cherchent à adapter leur système éducatif aux besoins de la société contemporaine, à combler les attentes de plus en plus croissantes envers les établissements et de soutenir ceux qui les dirigent (OCDE, 2008). Toujours selon l’OCDE (2008), il y a lieu d’offrir un soutien à celles et ceux qui exercent la fonction de direction à l’instant présent. Ainsi, cette étude reconnaît la place que doivent occuper les directions des établissements d'enseignement dans l’amélioration des résultats en l’occurrence sur la motivation et l’accompagnement des enseignantes et des enseignants quant à la valeur éducative des jeunes tout comme sur l’environnement et le climat de travail. Plusieurs pays se sont d’ailleurs orientés vers un mode de gestion qui commande une décentralisation. Ils ont par le fait même élargi l’autonomie et la responsabilisation des établissements dans leur prise de décisions en les rendant imputables 19 de leurs actions et redevables quant à l’obligation de la reddition de compte. L’autonomie ou la responsabilisation élargie, l’attention plus portée à la qualité de l’enseignement scolaire et aux résultats de diplomation, le vieillissement des directions en poste et la pénurie générale de candidats qualifiés pour assurer la relève sont des facteurs de taille pour réexaminer le rôle des directions d’établissement et de prendre les mesures qui s’imposent pour professionnaliser la fonction

19L'imputabilité est reconnue au sein de la société par le processus de reddition de compte accomplie par la direction assurant la gouvernance de l'organisation. Le devoir d’explication et de justification propre à la reddition de compte assure l’imputabilité qui permet l’attribution de la responsabilité et, dès lors, la sanction politique applicable, s'il y a lieu (OCDE, 2008).

de direction. D’après l’OCDE (2008), l’influence de ces nouvelles tendances sociétales et de ces réalités managériales modifie assurément la fonction des directions d’établissements d'enseignement. En effet, les directions subissent immanquablement des changements au niveau de leurs pratiques ayant des responsabilités élargies quant à la gestion des ressources financières et humaines ainsi que du pilotage de l’établissement. L’OCDE (2008) soumet notamment certaines inquiétudes mondiales, à savoir que :

Les pays craignent que le rôle des chefs d’établissement conçu pour répondre aux besoins du passé ne soit plus adapté. Dans de nombreux pays, les chefs d’établissement sont accablés de travail ; beaucoup atteignent l’âge de la retraite et il est de plus en plus difficile de les remplacer. Les candidats possibles hésitent souvent à se présenter en raison des responsabilités excessives, d’une préparation et d’une formation insuffisantes, des perspectives d’évolution de carrière limitées et de l’inadéquation de l’accompagnement et des rémunérations. Du fait de ces évolutions, la direction des établissements scolaires est une priorité dans le système éducatif dans le monde entier. Les décideurs publics doivent renforcer de façon durable la qualité de cette fonction (p. 9).

Ainsi, l’étude de l’OCDE (2008) révèle que les directions ont besoin d’une formation spécifique pour faire face à l’élargissement et à la complexité des rôles et des responsabilités qui leur incombent. D’ailleurs, l'OCDE (2012a) souligne l’influence et l’importance du développement des compétences sur la vie des individus et les retombées positives de ces compétences sur leur santé. L'OCDE (2012b) mentionne notamment que les bouleversements en profondeur de l’emploi du XXIe siècle20 « entraînent une hausse de la demande de compétences particulières cognitives et interpersonnelles, et une diminution de la demande de compétences manuelles habituelles et de tâches physiques et répétitives » (p. 21). En somme, l’évolution de la structure de l’emploi chez différentes catégories de professions dont les directions et les cadres administratifs supérieurs réclament de nouvelles compétences interpersonnelles (OCDE, 2012b). Enfin, les conclusions de ces diverses études (Dubois et associés inc., 2012a ; Gouvernement du Québec, 2006 ; OCDE, 2008) montrent la nécessité de comprendre les compétences nécessaires pour la direction d’établissement scolaire du XXIe siècle. Face à ce constat, la

20Le profond bouleversement de la nature et de la structure de l’emploi au cours des dernières décennies s’est accompagné d’une évolution analogue de la demande des compétences dans les pays de l’OCDE et au-delà. (OCDE, 2012b, p. 20).

prochaine partie traite d’un nouveau paradigme de gestion, qui semble devenir un levier de changement pour les directions d’établissement scolaire.

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