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Le modèle de l’intelligence émotionnelle : définition et axes de compétences

1. LE CONCEPT DE L’INTELLIGENCE ÉMOTIONNELLE

1.1 Le modèle de l’intelligence émotionnelle : définition et axes de compétences

Salovey et Mayer (1989) définissent l'IE comme : « l’habileté à guider les émotions de soi et des autres, à les discriminer et à utiliser cette information pour penser et agir » (p. 189). Au fil du temps, cette définition et d’autres composantes sémantiques ont émergé et semblent avoir appauvri le sens en parlant davantage de la perception et de la régulation de l’émotion en omettant d’introduire la notion des sentiments. D'après Belzung (2007), « le sentiment se distingue de l'émotion dans le sens qu'il désigne plus particulièrement la composante subjective, ressentie, de l'émotion et ne concerne pas les composantes comportementales et physiologiques » (p. 15). Mayer et Salovey (1997) proposent alors une nouvelle définition qui corrige ces problèmes de compréhension. Cette nouvelle définition est maintenue par Mayer, Salovey et Caruso (2004) :

Emotional intelligence involves the ability to perceive accurately, appraise, and express emotion ; the ability to access and/or generate feelings when they facilitate thought ; the ability to understand emotion and emotionnel knowledge ; and the ability to regulate emotions to promote emotionnel and intellectual growth (p. 10)27.

Le concept de l’IE, présenté par Salovey et Mayer (1990) puis Mayer et Salovey (1995) s’articule autour de trois groupes de CE qui comporte chacun deux dimensions. Les dimensions d'un concept se traduisent par les axes qui le définissent (Van Campenhoudt et Quivy, 2011).

 Le premier groupe : les CE tournées vers soi qui mesure deux dimensions : l’évaluation de ses propres émotions et la régulation de ses propres émotions.  Le deuxième groupe : les CE tournées vers les autres qui mesure deux

dimensions : l’évaluation des émotions chez les autres et la régulation des émotions chez les autres.

 Le troisième groupe : les CE tournées vers l’action qui mesure deux dimensions : l’expression des émotions et l’utilisation des émotions dans la résolution de problèmes (Bender et al., 2009, p. 23).

Puis, en 1997, Mayer et Salovey transforment ce concept en un construit de quatre compétences parfois désignées à titre de « quatre branches » dans la littérature : « la première branche : identifier ses émotions, la deuxième : utiliser ses émotions, la troisième : comprendre ses émotions et la quatrième : gérer ses émotions » (p. 11). Ce modèle d’IE évolue et se présente maintenant par quatre axes de compétences : 1) la perception et l’expression des émotions ; 2) la compréhension et l’analyse des émotions ; 3) la régulation réflexive des émotions ; 4) l’utilisation des émotions (Mayer et Salovey, 1997). Ces quatre axes se développent suivant quatre niveaux28, du plus élémentaire et particulier, au plus complexe et général. En d’autres mots, l’IE est l’habileté qui permet d’appréhender ou de développer les CE. Au tableau 1, nous présentons le modèle d’IE (Mayer et Salovey, 1997, p. 11) reproduit par Letor (2006) où l’IE est définie comme un ensemble d’habiletés.

27 Traduction libre : L'intelligence émotionnelle implique la capacité à percevoir avec exactitude, évaluer et exprimer l'émotion ; la capacité d'accéder et/ou de générer des sentiments quand ils facilitent la pensée ; la capacité de comprendre l'émotion et la connaissance émotionnelle ; et la capacité de réguler les émotions pour favoriser la croissance émotionnelle et intellectuelle.

28 Il est à noter que ces niveaux correspondent également à des étapes de développement dans la construction de cette intelligence chez l’enfant (Letor, 2006 ; Mayer et Salovey, 1997).

Tableau 1

Le modèle d’intelligence émotionnelle de Mayer et Salovey, 1997

Intelligence émotionnelle Axes/ Niveaux Perception, évaluation et expression des émotions Compréhension et analyse des émotions,

l’emploi de la connaissance émotionnelle Régulation réflexive des émotions ou Gestion des émotions Utilisation des émotions 1. Habileté (H.) à identifier les émotions, les sentiments et les pensées associées H. à nommer les émotions, à reconnaître les relations entre les mots et émotions

H. à être ouvert aux sentiments tant aux sentiments agréables que désagréables

Les émotions

influencent la pensée en attirant l’attention sur des informations importantes

2.

H. à identifier les émotions des autres personnes, et autres expressions

(artistiques), le langage, les sons, l’apparence, le comportement H. à interpréter les significations des émotions en les mettant en relation avec des évènements. ex. tel que la tristesse accompagne souvent une perte H. à s’engager ou de se détacher d’une émotion, en fonction de son caractère informatif ou l'utilité jugée réfléchie

Les émotions sont suffisamment claires et disponibles de telle sorte qu’elles peuvent être générées comme aide au jugement et à la mémoire concernant les sentiments 3. H. à exprimer les émotions avec précision, ses besoins en relation avec les sentiments

H. à comprendre les sentiments complexes simultanés (ex. amour, haine), ou des

émotions combinées (ex. crainte perçu comme un mélange de peur et de surprise)

H. à contrôler de manière réflexive les émotions de soi- même et des autres selon qu’elles soient claires, typiques, influençables ou raisonnables Les changements d’humeur modifient la perspective individuelle : de l’optimisme au pessimisme, encourageant la considération de multiples points de vue dans la planification des actions 4. H. à discriminer l’expression des sentiments : le vrai du faux, l’honnête du malhonnête H. à reconnaître les transitions probables entre émotions. (ex. comme le passage de la colère à la

satisfaction ou de la colère à la honte)

H. à diriger ses émotions et celles des autres en modérant les négatives et en favorisant les positives sans trop réprimer ou exagérer l’information qu’elles contiennent

Les états émotionnels encouragent de façon différentielle,

l’approche de

problèmes spécifiques. Ex. le bonheur facilite le raisonnement inductif et la créativité Source : Letor, C. (2006). Reconnaissance des compétences émotionnelles comme compétences professionnelles : le cas des enseignants. Analyse des représentations sociales d’acteurs pédagogiques. Les cahiers de recherche en éducation et formation, (5), 1-38.

Ce modèle comporte les 4 axes nommés précédemment disposés en colonnes tandis que les rangs décrivent les niveaux de complexité allant du plus simple (niveau 1) au plus complexe (niveau 4). Dans son étude, Letor (2006) soutient que « ce construit renvoie essentiellement à des habiletés, à des processus mentaux qui mettent en évidence les aspects symboliques et de production de connaissance, tout en rendant compte des fonctions d’adaptation et de résolution de problèmes » (p. 8). En ce sens, Letor (2006) interprète que Mayer et Salovey (1997) « semblent préférer une conception de l’intelligence référée à un objet émotionnel, mais décontextualisée et indépendante des situations dans lesquelles elle est mobilisée » (p. 8). Avec cet ordre de pensée, Letor (2006) relève la difficulté des chercheurs à vouloir définir une habileté indépendante du contexte d’action, et ce, en reconnaissant que l’adéquation des réponses émotionnelles, dans leur test, est dépendante de ces contextes.

Dans le cadre de cette étude, la filiation du modèle de l’IE avec le modèle du savoir agir avec compétence de Le Boterf (2013) permet justement d’ajouter la notion de contextualisation pour répondre à la question de recherche qui interroge l'exercice des compétences émotionnelles en situation professionnelle. Le Boterf (2013) définit la situation professionnelle comme étant « une activité clé à laquelle sont associés un ensemble de critères de réalisation ou (d’exigences professionnelles) » (p. 76). La situation est le point de départ qui mobilise les schèmes opératoires de l'agir compétent situé. Les éléments constitutifs font référence aux 4 composantes du modèle de l'agir compétent : 1) la situation professionnelle ; 2) le résultat ; 3) les exigences professionnelles ou les critères de réalisation ; 4) les ressources internes et externes (Ibid., 2013). Le modèle du savoir agir avec compétence sera interprété selon un cadre d'analyse théorique explicité plus amplement dans la prochaine partie. La prochaine partie présente plusieurs représentations théoriques quant à l'évolution de l'IE.

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