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1. LE CONCEPT DE L’INTELLIGENCE ÉMOTIONNELLE

1.3 Le phénomène des émotions : définition, composantes et caractéristiques

1.3.1 Les caractéristiques des émotions, du processus émotionnel

D'après Reeve (2012), 30 les émotions surviennent généralement comme réactions aux évènements conjoncturels importants. Lorsque celles-ci sont activées, « elles génèrent des sentiments, éveillent le corps et le mettent en action, génèrent des états motivationnels, et

30 Johnmarshall Reeve est professeur de psychologie de l'éducation au département des fondements psychologiques et quantitatifs à l'Université de l'Iowa au collège d'éducation.

s'expriment publiquement » (p. 344). Damasio (2005) souligne que « l’émotion et les réactions connexes sont alignées sur le corps, les sentiments sur l’esprit » (p. 13). En d'autres mots, les émotions sont en partie, des réactions biologiques (physiologiques) liées aux émotions face aux évènements vécus qui émergent d'une situation (situationnelle) ayant une signification personnelle pour la personne. Ainsi l'organisme se prépare à s'adapter efficacement et la personne interprète le degré de menace, s'il y a lieu. En ce sens, Reeve (2012) attribue deux fonctions aux émotions, soit la fonction d'adaptation et la fonction sociale.

Vytgotski (1998) attribue une importance au rôle des sentiments sur le plan social, car « la diversité des modifications corporelles n'est pas qu'une question d'intensité d'activité physiologique, elle est liée à des qualités diverses des différents contenus des émotions » (p. 17). Selon Reeve (2012), « les émotions sont en partie, des réactions biologiques aux évènements importants de la vie [...] puis face à une situation ayant une signification personnelle (par exemple une menace), l'organisme se prépare à s'adapter efficacement » (p. 380) en activant les aspects biologiques et les aspects cognitifs, sociaux et culturels présentés au tableau 3. En fait, lorsque ces systèmes biologiques s'activent, la personne qui éprouve l'émotion est résolument plus préparée à faire face à la situation émotionnelle, telle une menace imminente (Ibid., 2012).

Tableau 3 : Les aspects biologiques et cognitifs de l'émotion

Aspects biologiques Aspects cognitifs, sociaux et culturels

1. Système nerveux autonome 2. Système endocrinien

3. Circuits neuronaux du cerveau 4. Taux de décharges neuronales 5. Rétroaction faciale 1. Évaluations 2. Connaissances 3. Attributions 4. Histoire de socialisation 5. Identités culturelles

Source : Reeve, J. (2012). Psychologie de la motivation et des émotions. Bruxelles : De Boeck.

En complémentarité, la figure 1 illustre bien les trois composantes de l'émotion qui représentent les aspects biologiques et cognitifs de l'émotion.

Figure 1 : Les composantes de l'émotion selon ses aspects biologiques et cognitifs Par ailleurs, les différentes théories de l’émotion provenant de cinq approches distinctives31 ont divulgué que, loin d’être un phénomène irrationnel, l’émotion occupe un rôle fonctionnel (Vytgotski, 1998), car « elle nous aide à mieux nous adapter, communiquer et décider » (Haag et Laroche, 2009, p. 85). En ce sens, Mikolajczak et al. (2014) indiquent différentes fonctions des émotions à savoir : comme source d’information, de facilitateur de l’action, de support à la décision et d’outil indispensable à l’adaptation. D’ailleurs, Damasio (2005) en fait également part en mentionnant l’importance de comprendre les émotions. Il traite plus particulièrement du rôle de l’émotion et du sentiment dans la prise de décision, en faisant référence à la théorie fonctionnaliste de William James. Si les théories actuelles mettent l’accent sur le caractère fonctionnel des émotions, il faut convenir que les émotions peuvent avoir un caractère dysfonctionnel. En effet, la colère peut conduire à dire des choses que l’on regrette par la suite, à poser des gestes de violence, alors que la jalousie risque de provoquer un comportement possessif, d’amener la personne à accomplir des actes répréhensibles. La vie quotidienne regorge d’exemples d’émotions potentiellement dysfonctionnelles. Dans le même ordre d’idées, l’environnement professionnel est un lieu où émergent des émotions de toute nature, dont les émotions

31 En rappel, l’approche darwinienne par Charles Darwin (1872) ; l’approche jamesienne par William James

(1884) ; l’approche cognitive par Madga Arnold (1960) ; l’approche constructiviste par Averill (1980) et la perspective des neurosciences affectives par MacLean (1973) (Descôteaux et al. 2011).

ÉMOTION Physiologique Réactions corporelles Situationnelle Évènement Situation Cognitive Interprétation

dysfonctionnelles. Alors, une question se pose : comment concilier les émotions et le travail en situation professionnelle ?

De manière à concevoir une vision panoramique de l’IE et mieux décrypter sa nature, certaines notions impératives doivent être approfondies afin de mieux comprendre la dynamique systémique qui émerge d’une situation émotionnelle. En ce sens, Damasio et Fidel (2012) relèvent notamment une distinction éclairante entre émotion et sentiment émotionnel :

Les émotions sont des programmes complexes et en grande partie automatisés d’action qui ont été façonnés par l’évolution. Les actions sont réalisées par un programme cognitif qui comporte certaines idées et certains modes de cognition, mais le monde émotionnel est en grande partie un monde d’actions menées à bien par notre corps, de l’expression du visage et des postures aux changements qui interviennent dans les viscères et le milieu intérieur (p. 136).

Tandis que les sentiments émotionnels sont des perceptions composites de la mise en relation de l’activité mentale et du changement physiologiques que nous éprouvons des émotions (Ibid., 2012). Damasio et Fidel (2012) précisent que le monde des sentiments est celui des perceptions exécutées dans des cartes cérébrales et que ceux-ci reposent « sur la relation unique entre le corps et l’esprit qui privilégie l’intéroception (sic) […], responsable de ce que nous appelons le ressenti de ces perceptions » (p. 137). Akoun et Ansart (1999) avaient déjà mentionné que « les sentiments sont des réactions affectives de longue durée, positives ou négatives, intervenant dans la socialisation, les motivations et la construction des actions collectives » (p. 476), donc une plus grande stabilité temporelle que les émotions. Les sentiments émotionnels surviennent après l’émotion et sont le résultat légitime, et ultime du processus émotionnel, mettant à découvert la perception composite du vécu pendant l’émotion (Damasio et Fidel, 2012). Selon Damasio et Fidel (2012) : « D’un point de vue neural, le cycle émotion-sentiment commence dans le cerveau par la perception et l’évaluation d’un stimulus potentiellement capable de causer une émotion et le déclenchement subséquent d’une émotion » (p. 138).

Un construit théorique (annexe V) élaboré à partir des travaux de Damasio (2005) présente les principales étapes du processus émotionnel et qui démontre les relations

existantes entre la chaîne émotionnelle et les sites de déclenchement cérébral. La dynamique de cette représentation démontre bien l’interrelation entre l’émotion et la cognition (processus cérébral). D'après Reeve (2012), « notre esprit (processus cognitifs) et notre corps (processus biologiques) réagissent de manière adaptative à des évènements marquants de la vie » (p. 350). Un grand nombre de psychologues de l'émotion s'est intéressé aux émotions selon une perspective biologique (Panksepp, 1994) ou une perspective cognitive (Scherer, 2001), se bataillant en quelque sorte sur cette vision à deux systèmes (Reeve, 2012).

Dans le cadre de cette recherche, une attention est portée sur les trois catégories d’émotions définies par Damasio (2005) et sur une quatrième catégorie qui émerge des travaux de Plutchik et Kellerman (1980). Il y a lieu de préciser que Plutchik et Kellerman (1980) apportent une nuance aux émotions primaires de Damasio (2005) en y ajoutant la confiance et l’anticipation. La figure 2 présente succinctement ces quatre catégories. Or, la liste des émotions secondaires et des émotions sociales n’est pas exhaustive, car celle-ci peut varier selon les relations entre les émotions et leurs nuances.

Figure 2 : Catégorie des émotions, selon la typologie de Plutchik (2003) et Damasio (2005) • Automatiques, universelles, permettent la survie liés au

système limbique

• Peur, colère, dégoût, surprise, tristesse, bonheur (Damasio, 2005), confiance, anticipation (Plutchik, 2003)

Émotions primaires

• Combinaison d'émotions simples

• Amour, soumission, frayeur déception, remords, mépris, agressivité, optimisme (Plutchik, 2003)

Émotions secondaires

• Le ressenti de l'émotion a une notion de durabilité • Plaisir, douleur, appétits (la faim, la soif, la curiosité,

l'exploration, le jeu et le sexe (Damasio, 2005)

Émotions d'arrière-plan

• Plutôt motivées socialement que biologiquement (Reeve, 2012) • Sympathie, embarras, honte, culpabilité, orgueuil, envie

gratitude, admiration, indignation, mépris (Damasio, 2005)

Émotions sociales

De manière à mieux circonscrire la prise en compte des émotions dans les données de recherche, la lecture de la théorie de l'évaluation de l'émotion (Roseman, 1996) permet de saisir une différenciation des émotions à valence positive ou négative. Les émotions positives sont : l'espoir, la joie, le soulagement, l'amour et la fierté. Les émotions négatives sont : la peur, la tristesse, la détresse, la frustration, le dégoût, la colère, le mépris, la culpabilité et la honte. Tandis que la « surprise » peut être positive ou négative dépendant comment la personne vit-elle cette émotion face à l'évènement ? Sur le plan culturel, il est à noter que cette configuration d'émotions peut être interprétée différemment selon l'analyse typologique des familles d'émotions de base. À titre d'exemple, la signification des émotions chez un peuple asiatique diffère d'un peuple anglophone, car sans approfondir sur cette différenciation, il est intéressant de savoir qu'il y a des aspects sociaux et culturels des émotions (Reeve, 2012). Avec une perspective sociologique, Akoun et Ansart (1999) précisent qu'« une émotion positive (admiration) ou négative (l'irritation) est simultanément des évaluations personnelles et culturelles de la situation, en relation avec les normes sociales » (p. 180). Dans le même ordre d’idées, Damasio (1995) mentionne le fait que nos décisions les plus rationnelles sont orientées par des émotions qui peuvent les faciliter si nous savons écouter les signaux qu’elles émettent. En ce sens, Le Boterf (2013) traduit ces capacités émotionnelles, dont l’écoute, comme étant le guidage émotionnel. La partie suivante expose le deuxième concept, soit le modèle conceptuel du savoir agir avec compétence qui met en évidence le guidage émotionnel et le guidage cognitif qu’il définit comme étant « celui des raisonnements et des opérations intellectuelles sollicitées pour agir » (Ibid., p. 117) couramment nommées capacités cognitives.

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