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2. MÉTHODE DE COLLECTE DE DONNÉES : LE RÉCIT D'EXPLICITATION DE

2.2 La méthode de l'entretien d'explicitation

L’approche d’explicitation « est centrée sur la verbalisation54 de l’interviewé, dans l’intention de canaliser cette verbalisation vers l’expression du vécu de l’action, de repérer des catégories de verbalisation et de guider par le biais des relances » (Vermersch, 2011, p. 55). Zapata (2004) définit le vécu « comme étant constitué d'une masse informe d'expériences subies, non dirigées, non structurées par un travail de pensée préalable et constructif » (p. 78). Il précise que c'est la verbalisation qui active la prise de conscience de la complexité de sa pratique par le praticien (Ibid., 2004). Les fondements épistémologiques de l’EdE émergent des conceptions « inconscience et conscience » de Piaget (1974a, 1974b) pour être abordés ultérieurement par Vermersch (1994) vers une visée de compréhension de l’action. Pour Argyris, Moingeon et Ramanantsoa (1995), l'action produit des effets délibérés parce qu'elle simule un comportement porteur de sens pour l'individu lorsqu'il interagit avec les autres, et dont le résultat attendu est de résoudre un problème. D'après Lhotellier et St-Arnaud (1994) « On peut aussi voir l'action comme une suite de séquences où les acteurs engagés dans des moments successifs doivent mobiliser des compétences diverses pour mener l'agir à son terme » (p. 107). En ce sens la verbalisation de l'action ou des actions qui concernent la situation professionnelle racontée va permettre de comprendre la démarche praxéologique des participants interrogés pour comprendre : comment les directrices et les directeurs généraux exercent leurs compétences émotionnelles en situation professionnelle. Vermersch, un chercheur ancré dans le champ de la psychologie, reprend cette théorie pour introduire un nouveau terme : l’explicitation comme prise de conscience provoquée (Chevallier-Gate, 2011). En privilégiant ce type d’approche, nous voulons comprendre les phénomènes humains plus particulièrement la problématique praxéologique55 de recherche soit à partir d’habiletés de communication, et celles de l'IE, tout en étant près des personnes et de leur vécu. Plus précisément, c’est donc, un effort d’empathie et d’écoute, que l’approche préconisée permet d’instaurer un climat de

54 La verbalisation est traitée comme le produit de l’action, sans que l’on s’interroge sur la nature de cette activité de verbalisation (Vermersch, 2011).

55 « La préoccupation praxéologique est déjà présente dans le pragmatisme de James (1890) puis dans l'objectif de Dewey (1929) » (Lhotellier et St-Arnaud, 1994, p. 94).

confiance ainsi qu’une compréhension des positions de parole. Selon Lhotellier et St- Arnaud (1994) ce travail de l'agir peut être instrumenté par un ensemble d'outils dont le récit de pratiques, le corpus de textes, le parcours praxéologique spontané ou organisé, le journal de bord et d'autres ressources empiriques. L’utilisation d’une technique de questionnement constitue l’assise méthodologique de l’entretien qui se conçoit pour cerner les représentations ou les préconceptions de sources de difficultés, touchant la problématique théorique de recherche. La technique d’entretien est ainsi décrite par Vermersch (2014).

Un ensemble de pratiques d’écoute basées sur des grilles de repérage de ce qui est dit et de techniques de formulations (sic) de relances (questions, reformulations, silences) qui visent à aider, à accompagner la mise en mots d’un domaine particulier de l’expérience en relation avec des buts personnels et institutionnels divers (p. 9).

L’efficacité d’un entretien n’est nullement garantie par sa simple utilisation, car décrire sa propre action dans un cadre professionnel présente plusieurs difficultés, d’où la pertinence d’apprendre la mise en œuvre de ce dispositif pour ces potentialités méthodologiques. Vermersch (2014) précise que le caractère de l’EdE est plutôt de viser la verbalisation de l’action qui procure notamment une source d’information précieuse et détaillée sur le déroulement d’une action, et ce, bien qu’elle puisse poser certaines difficultés d’ordre méthodologique. La complexité de l’action peut se heurter à diverses difficultés lorsqu’il s’agit de la verbaliser à une tierce personne. Pour surmonter ces difficultés, Vermersch (2014) suggère l’utilisation d’une technique de questionnement très précise qui nécessite de se former et même de s’y exercer.

Vermersch (2014) soulève trois difficultés qu’il associe à la verbalisation de l’action et une quatrième qui est propre à tous les questionnements qui se pratiquent a posteriori, c’est-à-dire la mémoire et la qualité du rappel des faits. La première tient au fait que l’action est une connaissance autonome, qui se construit en partie par le non-conscient de la personne, ce qui sous-tend que l’action comporte une part implicite dans sa réalisation. Rendre explicite l’action qui détient une part de sa réalisation implicite est la raison d’être de l’EdE. La deuxième, réside au fait que la personne n’est pas habilitée à verbaliser

l’action, c’est-à-dire qu’elle n’est pas habituée à expliciter ses gestes professionnels. En règle générale et de manière spontanée, la personne va plutôt émettre des commentaires, des jugements, des opinions ou propositions à caractère général soit décrire des circonstances, un évènement ou une situation. Vermersch (2014) affirme que la verbalisation de l’action demande préalablement que la personne prenne le temps d’un retour réflexif sur son action, afin qu’elle en prenne conscience permettant de rendre accessible la partie implicite de toute action. D’après Vermersch (2014), l’idée est la suivante « La verbalisation de l’action ne se fera pas sans aide, pour l’obtenir il y faut une médiation, un guidage, une aide » (p. 10) ; en ce sens cette technique se montre comme une prise de conscience provoquée chez le narrateur. La troisième difficulté, expose l’importance des techniques d’aide à l’explicitation pour remédier au fait que l’aide nécessaire au narrateur est contre-intuitive, c’est-à-dire que ce n’est pas une capacité innée chez le chercheur ou le professionnel qui occupe le rôle en médiation soit en guidage (Ibid., 2014). D’ailleurs, Vermersch (2014) porte attention à l’apprentissage de la technique d’entretien qui « est le produit de la formalisation d’une pratique empirique » (p. 10). Elle est façonnée à partir de problèmes de terrains. La quatrième difficulté, porte sur « l’évocation, une mémoire particulière […]. Être en évocation, c’est pour le sujet, être plus présent à la situation passée qu’à la situation présente. Subjectivement, c’est une activité où le sujet retrouve les images, les sons, les sensations de l’expérience passée » (Vermersch, 1990, p. 230). Cette dernière difficulté est propre à tous les types de questionnement, ce qui nous amène à vouloir guider le sujet dans une attitude d’évocation en adoptant une conduite d’EdE.

En ce sens, Vermersch (2011) nommera cette position « pensée incarnée » qui se « traduit, dans le langage spontané, par l’impression de revivre cette situation, de la retrouver, d’entrer en contact avec elle, etc. » (p. 57). Vermersch (2011, 2014) mentionne que pour comprendre et analyser le déroulement de l’action, il n’y a pas que les verbalisations. D’après Vermersch (2014), « Les données de verbalisation, pour être validées, doivent être mises en relation avec d’autres qui pourront les corroborer ou non […], elles peuvent être sollicitées et recueillies d’une manière qui accroisse leur validité a

priori » (p. 13). Pour une meilleure compréhension de l’EdE, l'annexe XI résume l’ensemble des repères de cette approche méthodologique. Enfin, la prochaine partie porte sur l’opérationnalisation de la méthode de collecte de données, soit la mise en pratique avec le REdEPP.

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