• Aucun résultat trouvé

1. RÉFLEXION SUR LA RÉDACTION D’UN RÉFÉRENTIEL DE COMPÉTENCES

1.1 Découverte de nouvelles compétences professionnelles et transversales

À la lumière des résultats présentés, il s’avère évident que les directrices et les directeurs généraux ont besoin de fortes compétences émotionnelles pour répondre aux exigences de leur travail. Si les données obtenues montrent une prépondérance aux compétences émotionnelles, et ce, par la démonstration d’habiletés intrapersonnelles (soi) et interpersonnelles (autrui), il n’en demeure pas moins que l’étude relève d’autres compétences professionnelles de nature managériale par exemple : entretenir, maintenir et créer des espaces de délibération collective telle que présentées au tableau 22 du 4e chapitre. Ces compétences professionnelles de nature managériale, dont les responsabilités et les obligations qui leur sont dévolues sont d’abord par leur mandat à titre de direction générale du réseau collégial. L’actualisation de ces compétences s’observe par le regroupement des situations professionnelles selon des axes prédominants : pratique et conduite professionnelles (axe 1) ; l’environnement collégial (axe 3), puis gestion des personnes et des équipes (axe 4). Selon les résultats de l’analyse transversale, les directrices et les directeurs généraux ont géré 92 situations professionnelles rendant explicites les réalités des directrices et des directeurs généraux, et ce, selon les 4 axes de compétences du référentiel des compétences des cadres du réseau collégial. Si les données obtenues montrent des prédominances envers certains axes, il faut néanmoins considérer les limites inhérentes à ce résultat. De tels résultats ne peuvent se généraliser à l’ensemble du personnel de direction générale, car ces 92 situations professionnelles ne peuvent représenter l’entièreté du travail accompli. Rappelons la visée temporelle mentionnée à la question introductive de l’EdE, soit : « Je souhaiterais que vous me racontiez votre semaine de travail ». En fait, il ne s’agit pas d’une recherche longitudinale qui interrogeait le travail des directrices et des directeurs généraux tout au long d’une année scolaire. De ce nombre, nous remarquons qu’il y a eu 34 situations professionnelles classifiées à l’axe de l’environnement collégial et 30 situations professionnelles à l’axe de la pratique et conduite professionnelles. Or, nous constatons qu’il y a eu 21 situations professionnelles classifiées à l’axe de la gestion des personnes et des équipes et seulement 7 situations professionnelles sont classifiées à l’axe de la gestion administrative. À la lumière des compétences et des

actions clés qui servent de filtres au travers desquels sont inscrits les comportements attendus, nous remarquons la nécessité d’habiletés intrapersonnelles et interpersonnelles. En grande partie, ces situations professionnelles sont vécues en communauté collégiale, c’est-à-dire dans un environnement de travail qui se traduit par une relation avec les autres. D’après les dires de Aktouf (2006) et Mintzberg (2006), 70 % des activités de gestion nécessitent l’apport de compétences émotionnelles. En fait pour ces directrices et ces directeurs généraux, les habiletés interpersonnelles, voire les compétences émotionnelles sont inhérentes à la fonction. D’ailleurs, plus de quatre participants mentionnent l’importance du temps exigé aux relations de travail en le traduisant en pourcentage (80 % à 90 %). Une vue d’ensemble de ces résultats permet de constater l’utilisation accrue des huit compétences professionnelles et des sept compétences transversales inhérentes à l’outil pragmatique, puis d’y adjoindre trois nouvelles compétences professionnelles et trois compétences transversales telles que nommées au tableau 24. Ces trois nouvelles compétences professionnelles et transversales sont soutenues par les témoignages des directrices et des directeurs généraux selon la nature des situations professionnelles.

Tableau 24 : Fréquence d’utilisation des nouvelles compétences professionnelles et compétences transversales

Compétence professionnelle Axe de

compétence

Fréquence d’utilisation 1) Entretenir, maintenir et créer des espaces de

délibération collective

Pratique et conduite

professionnelles

9 % 2) S’impliquer dans des activités de nature politique,

stratégique propre au développement du collège de la région, du réseau collégial et de cabinets politiques

Environnement collégial

3,4 % 3) Favoriser une approche de résolution des conflits

basée sur la recherche de solutions efficaces pour chaque personne ou pour des groupes de pression

Gestion des personnes et des équipes

2,4 %

Compétence transversale Fréquence

d’utilisation

Leadership pédagogique 4,4 %

Créativité 1,7 %

Innovation 1,5 %

Compétence du référentiel bonifiée Fréquence

d’utilisation

Les résultats montrent donc que les habiletés interpersonnelles sont sous-jacentes à ces compétences managériales. À l’instar de Poirel (2012) nous constatons que les habiletés intrapersonnelles demeurent néanmoins difficiles à cerner, car malgré l’appui de la méthode de l’EdE, l’accès à la dimension « conscience de ses émotions » s’avère difficile à moins de les interroger de manière explicite. Toutefois, il y a lieu de croire que les habiletés intrapersonnelles telles que « gérer ou réguler ses émotions » soit également subjacent aux compétences managériales étant donné que l’habileté « gérer ou réguler ses émotions » est aussi destinée à gérer les émotions d’autrui. Comme donnée manifeste, voici une vignette d’explicitation de Marie qui expose l’importance de la conscience de soi en terme de compétence :

Marie (DG, cégep urbain) : « Il y a la conscience de soi et la conscience des autres. Avoir

une grande conscience de soi est un aspect que je ne crois pas que les DG utilisent naturellement en cours d’action, qui soit suffisamment développé. En somme, la compétence de “la conscience de soi” devient nécessaire pour nous, quant au niveau de responsabilités à gérer et la représentation lourde sur nos épaules par rapport à nos émotions. Pour eux, je suis le phare ! Il faut en prendre conscience ».

En référence au REdEPP de Marie, et ce, à maintes reprises, elle souligne l’importance des compétences intrapersonnelles, « pour effectuer la gestion des émotions transcendante […] et pour éviter de se faire rentrer dedans ». Tandis que :

Laurent (DG, cégep urbain) mentionne notamment « qu’il est important de se garder des

moments pour respirer, pour réfléchir, pour se retrouver bref pour s’asseoir sur une roche et regarder l’univers comme je le fais moi-même de temps en temps. Il s’agit de faire le point » !

D’après Piaget (1974a), la prise de conscience est un processus de conceptualisation qui se soutient par un mouvement d’abstraction ; « la prise de conscience d’un schème d’action transforme celui-ci en un concept, cette prise de conscience consistant donc essentiellement en une conceptualisation » (p. 261). Comme le mentionne Piaget (1974a, 1974b), l’action est une connaissance autonome, précisant que l’action constitue une connaissance, c’est-à-dire un savoir-faire autonome, dont la conceptualisation ne s’effectue que par prises de conscience ultérieures. Piaget (1974a) confirme « En ce qui concerne la conceptualisation, celle-ci est loin de ne constituer qu’une simple lecture : elle est une

reconstruction, et qui introduit des caractères nouveaux sous la forme de liaisons logiques, avec mise en connexion de la compréhension et des connexions, etc. » (p. 277). En ce sens, on y reconnaît un des fondements de sa posture constructiviste en rendant explicite que « la connaissance procède à partir, non pas du sujet, ni de l’objet, mais de l’interaction entre les deux » (Ibid., p. 263). La conscience de soi et la conscience des autres demeurent des habiletés intrapersonnelle et interpersonnelle qui permettent la prise de recul vers l’accomplissement d’une action nouvelle.

Les compétences transversales issues de l’analyse à savoir : la créativité, l’innovation et le leadership pédagogique deviennent nécessaires pour soutenir le développement pédagogique et le développement organisationnel d’un cégep. Les résultats de la présente recherche permettent de constater l’inexistence du leadership pédagogique dans le référentiel de compétences de l’ACCQ (2013b), alors qu’il est bien présent dans les discours recueillis. De Ladurantaye, (2011) ; Héon et al. (2008), mentionnent une frustration ressentie par la communauté collégiale lors de l’expansion rapide du nombre des cégeps qui provoqua des problèmes relationnels entre le personnel-cadre et leurs équipes puis a engendré des problématiques pédagogiques et organisationnelles. Il y a donc lieu de croire que le leadership pédagogique est une compétence nécessaire au sein d’un modèle managérial pour les directrices et les directeurs généraux. D’ailleurs, cette compétence pédagogique est en soutien à la mission de l’établissement d'enseignement et en conformité aux cadres légaux et organisationnels. Il reste que l’émergence de cette compétence demeure une limite à notre recherche, mais demeure une perspective d’étude intéressante pour le futur.

Lors du processus d’analyse, nous avons bonifié la compétence transversale nommée leadership, par le libellé leadership stratégique. Selon les données recueillies, ce nouveau libellé correspondrait davantage à la réalité du travail réel81 (Dejours, 2015) des directrices et des directeurs généraux. En cours d’analyse, nous nous sommes interrogés sur

81 En rappel, « Le travail se définit comme ce que le sujet doit ajouter aux prescriptions pour pouvoir atteindre les objectifs qui lui sont assignés ; ou encore ce qu’il doit ajouter de soi-même pour faire face à ce qui ne fonctionne pas lorsqu’il s’en tient scrupuleusement à l’exécution des prescriptions » (Dejours, 2009a, p. 26.)

les habiletés politiques et les habiletés stratégiques en soutien à la gestion des situations professionnelles par les directrices et les directeurs généraux. Pour certains, dont Marguerite, ces deux types d’habiletés sont essentiels pour le travail d’une directrice générale, car elle réalise que les habiletés relationnelles, dont tous les aspects liés à la communication, occupent une place extrêmement élevée dans sa tâche, entre 80 % à 90 %. Comme donnée manifeste, voici une vignette d’explicitation de Marguerite qui exprime la portée des habiletés politiques et stratégiques dans le cadre de cette fonction :

Marguerite (DG, cégep urbain) : « Mon travail de DG se traduit par des activités

relationnelles, puis le 10 % ou 20 % restants sollicitent énormément d’habiletés stratégiques et politiques. Je ne sais pas si les habiletés stratégiques et politiques sont considérées comme des habiletés relationnelles, mais j’en ai énormément besoin. Sérieusement, c’est vraiment un rôle stratégique et politique, bien plus que tout le reste ».

En cours d’analyse, nous nous sommes interrogés à savoir : dans quelle mesure l’IE favorise le développement d’habiletés politiques et d’habiletés stratégiques chez des dirigeants d’établissement. Or, cette recherche ne permet pas de répondre à cette interrogation qui pourrait devenir une prochaine question de recherche.

Outline

Documents relatifs