• Aucun résultat trouvé

3- LE REGIME JURIDIQUE DU PLAN CONVENTIONNEL DE REDRESSEMENT

Dans le document Le traitement du contentieux bancaire (Page 170-175)

252. On étudiera les effets du plan conventionnel de redressement (A), avant d’en déterminer la forme (B).

423 Req. 8 nov. 1875, DP 1876. 1. 438 ; S. 1876. 1. 102.

424 J. Carbonnier, tome IV, n° 136, 9e éd., Théorie juridique (a) in fine, cité par A. GHOZI in La modification de l’obligation par la volonté des parties, LGDJ, 1980, p. 4.

A- LES EFFETS DU PLAN CONVENTIONNEL DE REDRESSEMENT

253. Le plan conventionnel de redressement modifie la convention initiale liant le débiteur à la banque. L’exécution du contrat de prêt se fait désormais conformément aux stipulations du plan. La qualification de contrat sui generis du plan conventionnel de redressement lui confère par ailleurs des effets particuliers à l’égard de la caution. La Cour de cassation décide ainsi, dans l’arrêt Cambus c/ Société générale, que « malgré leur caractère volontaire, les mesures consenties par les créanciers dans le plan conventionnel (…) ne constituent pas eu égard à la finalité d’un tel plan, une remise de dette au sens de l’art. 1287 C. civ. »425. Par conséquent, elles ne bénéficient pas à la caution426. Cette solution, contraire aux conclusions de l’avocat général J. SAINTE-ROSE, a été reprise ultérieurement par la Haute juridiction427. On peut également en déduire que la Cour de cassation ne retient pas la qualification de transaction. En effet, si l’on se réfère à la jurisprudence, un tel acte devrait en principe bénéficier à la caution428, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. De même, en cas de transaction, les cautions devraient être tenues non de la dette initiale, mais de celle issue du plan en raison du caractère accessoire du cautionnement429.

254. Les travaux préparatoires de la législation sur le surendettement semblent indiquer que le législateur n’avait pas entendu faire bénéficier à la caution les mesures contenues dans le plan. En effet, comme le relève un auteur, « lors des débats à l’Assemblée nationale, la question avait été soulevée et, il fut répondu que « les mesures d’aménagement 425 Civ. 1re, 13 nov. 1996, Bull. civ. I, n° 401; D. 1997. 141, concl. Contraires Sainte-Rose et note Moussa ; D. 1997. Somm. 178, obs. D. Mazeaud ; RTD civ. 1997. 190, obs. Crocq ; JCP 1997. I. 4033, n° 7, obs. Simler ; JCP E 1997. II. 903, note D. Legeais ; Gaz. Pal. 1997. 2. Somm. 189, obs. Piedelièvre ; Defrénois 1997. 292, note Aynès ; Petites affiches 31 janv. 1997, p. 15, note Aynès.

426 La Cour de cassation a également jugé qu’une clause du plan conventionnel, stipulant que les modalités

d’apurement consenties au débiteur principal bénéficient également à la caution, est inopposable à un créancier qui n’a pas signé le plan (Civ. 2e, 6 mai 2004 : Bull. civ. II, n° 222 ; RTD com. 2004. 621, obs. Paisant). Cette décision est logique, dans la mesure où le plan, comme toute convention, a un effet relatif (art. 1134 C. civ.). Par conséquent, il n’engage pas les créanciers ne l’ayant pas signé.

427 Civ. 1re, 3 mars 1998, Bull. civ. I, n° 82 ; D. 1998. 421, concl. Sainte-Rose; JCP 1998: II. 10117, note S. Piedelièvre ; RTD civ. 1998. 442, obs. Crocq.

428 En sens contraire, cf. S. Neuville. Cet auteur considère que le plan conventionnel a une nature transactionnelle, et « éteint le droit d’action du créancier contre le débiteur et non pas contre la caution. » S. Neuville, préc. p. 38.

financier du débiteur principal n’ont pas à bénéficier à la caution »430 »431. L’auteur cite également un rapport de la Cour de cassation d’après lequel si l’insolvabilité du débiteur venait à se réaliser, faire bénéficier la caution des allégements obtenus par le débiteur équivaudrait « à priver le créancier de la garantie sans laquelle il n’aurait pas accordé le crédit. »432. Le caractère accessoire du contrat de cautionnement semble remis en cause par cette solution, mais on relève également qu’il faut admettre – pour que soit sauvegardée la raison d’être de ce contrat – que le caractère accessoire du cautionnement ne joue pas « quand la cause d’extinction de la créance principale trouve exclusivement son origine dans l’insolvabilité même du débiteur principal. »433.

255. La solution posée par la jurisprudence présente certes l’avantage d’inciter les créanciers à faire des concessions dans le cadre du plan mais elle présente un inconvénient pour la caution, qui sera tenue de payer la totalité de la dette. On imagine bien qu’une fois la dette payée, la caution se retournera contre le débiteur pour se faire rembourser ce qu’elle a payé, dans le cadre des recours prévus par les art. 2305 et 2306 C. civ. Dans le cas d’espèce, c’est par le recours personnel de l’art. 2305 C. civ. qu’elle essayera d’obtenir le remboursement intégral. A cet effet, la Cour de cassation a précisé que la mesure de réduction prévue à l’égard du débiteur surendetté par l’art. L. 331-7, (4°) C. consom. ne s’applique pas à la créance de la caution qui a payé434. Le recours de la caution peut compromettre le succès du plan, puisque le débiteur devra tenir ses engagements face à la caution, non pour le montant négocié avec le créancier dans le cadre du plan conventionnel, mais pour le montant initial de la dette désormais due à la caution.

De plus, les créanciers munis d’un cautionnement et ayant fait des concessions financières dans le plan récupèreront la totalité de leur créance à la caution. D. MAZEAUD note à ce propos qu’« en termes de politique juridique, il est probable que le déclin de la protection des cautions que cet arrêt emporte, s’accompagnera d’un regain de succès pour les plans conventionnels de redressement car on peut penser que les créanciers seront d’autant

430 JOAN, CR, p. 3939, cité par C. Philippe.

431 C. Philippe, sous Civ. 1re, 15 juill. 1999, D. 2000. 590.

432 Rapport de la Cour de cassation, La Doc. fr. 1997, p. 311 s. Dans le même sens, M. Cabrillac et C. Mouly, Droit des sûretés, Litec, 5e éd., 1999, n° 157 ; P.-L. Chatain, F. Ferrière, obs. D. 1996, somm. p. 77 ; P. Crocq, RTD civ. 1998, p. 422.

433 M. Farge, X. Pin, sous Civ. 1re, 13 nov. 1996, RJ com. 1997, p. 244 s.

434 Civ. 1re, 15 juill. 1999, Bull. civ. I, n° 248 ; D. 2000. 589, note Philippe; JCP 1999. II. 10196, note S. Piedelièvre ; JCP E 1999. 1925, note D. Legeais ; Defrénois 1999. 1336, obs. D. Mazeaud ; RTD civ. 1999. 877, obs. Crocq. Cf. également : Civ 1ere, 28 mars 2000 : Bull. civ. I, n° 107 ; D. 2001. Somm. 699, obs. Aynès. RD imm. 2000. 379, obs. Théry.

plus enclins à faire des cadeaux à leurs débiteurs qu’en définitive il ne leur en coûtera rien. »435. Mais cette hypothèse est atténuée dans la pratique, par le fait qu’« en général, chaque plan comporte une clause stipulant que les créanciers s’engagent à ne pas poursuivre les cautions durant toute la durée d’application du plan dès lors que le débiteur respecte ses obligations définies par le plan. Aucun texte ne prévoit cette clause mais son insertion dans le plan, son acceptation et son respect constituent, à l’évidence, l’une des conditions essentielles de succès du plan… D’ailleurs, l’interdiction de poursuivre la caution en cas d’acceptation du plan a paru tellement évidente au législateur qu’il n’a pas jugé utile de la prévoir expressément. En témoigne le fait, rappelé par l’avocat général dans ses conclusions, qu’au cours des travaux préparatoires de la loi du 31 déc. 1989, un amendement « interdisant au créancier qui participe à la mise en place d’un plan de redressement prévu par la loi de poursuivre, dans le même temps, la caution en justice a été retiré » après que le rapporteur et le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale ont observé « que l’accord donné au plan de redressement emportait déjà naturellement la renonciation à la poursuite judiciaire de la caution » (Rapport n° 1049 de la commission de lois de l’Assemblée nationale, p. 66). »436.

256. Par ailleurs, on sait depuis la loi du 29 juillet 1998 modifiée par la loi Lagarde de juillet 2010 qu’en cas de cautionnement, la Commission informe la caution de l’ouverture de la procédure de surendettement [art. L. 331-3 (II) al. 4]. La caution peut ainsi faire connaître par écrit ses observations à la Commission. L’idéal serait de l’associer au plan comme le note D. LEGEAIS437, si on veut éviter les inconvénients de la solution jurisprudentielle.

Il n’est pas certain qu’une intervention législative irait dans un sens identique à celui pris par le législateur en matière de conciliation ou de sauvegarde dans le cadre des procédures collectives, lequel est contraire à la solution jurisprudentielle en matière de plan de surendettement. Les impératifs de lutte contre l’endettement excessif des particuliers pourraient en effet justifier une solution législative similaire à celle de la jurisprudence, les exigences en matière de procédures collectives n’étant pas exactement les mêmes que dans le cadre du surendettement. Dans un cas, il est question de promouvoir le crédit aux entreprises, et par conséquent de soutenir les cautions ; dans l’autre, il faut éviter l’endettement excessif soutenu par un cautionnement.

435 D. 1997. somm. 179, obs. D. Mazeaud.

436 D. 1997. jur. 145, obs. T. Moussa.

257. S’agissant des sanctions de l’inexécution du plan, l’art. R. 331-17 du code de la consommation prévoit que le plan conventionnel « mentionne qu’il est de plein droit caduc quinze jours après une mise en demeure restée infructueuse, adressée au débiteur d’avoir à exécuter ses obligations (…). ». La mise en demeure doit avoir la forme précisée par le plan. L’absence de réponse du débiteur entraîne la caducité de plein droit de l’accord. Cette caducité peut être invoquée par chacun des créanciers signataires de l’accord. Ces derniers peuvent dès lors poursuivre le débiteur pour la totalité de leurs créances initiales. L’obligation initiale subsiste en effet, du fait de l’absence de novation du plan. La défaillance du débiteur entraîne donc la remise en cause totale du plan obtenu dans le cadre de la procédure de surendettement. Le débiteur peut également être sanctionné d’une déchéance du bénéfice des dispositions du plan conformément à l’art. L. 333-2 C. consom. Ce sera par exemple le cas s’il a aggravé son insolvabilité au cours du plan, en souscrivant de nouveaux emprunts ou en procédant à des actes de disposition de son patrimoine au cours de la procédure.

B- LA FORME DU PLAN CONVENTIONNEL DE REDRESSEMENT

258. Des arguments existent en faveur de l’application du formalisme de l’art. L. 312-14-1 C. consom. aux accords obtenus suite aux négociations avec des débiteurs surendettés. En effet, il est possible de soutenir que le texte de cette disposition ne distinguant pas selon que le débiteur est surendetté ou non, on ne saurait lui donner une interprétation qui n’est pas conforme à sa lettre. Mais l’inconvénient de cette solution est d’alourdir la procédure de surendettement.

C’est pourquoi les spécificités du plan de redressement conventionnel doivent conduire à une application souple du formalisme de l’art. L. 312-1-4 et plus largement des exigences formelles de modification des contrats. Ces spécificités avaient d’ailleurs conduit la Cour de cassation à décider que les dispositions de l’article L. 312-8 C. consom. ne s’appliquent pas en cas de surendettement438. On est en effet dans le cadre d’un droit spécial, qui devrait s’accompagner d’un formalisme particulier faisant la part belle à l’objectif visé par le législateur à travers la procédure de surendettement, qui est de favoriser la conclusion d’un accord devant permettre au débiteur de bonne foi d’apurer sa dette. Par conséquent, le formalisme de l’article L. 312-1-4 C. consom. ne devrait pas connaître une application stricte 438 Civ. 1re, 4 oct. 2000, Mlle Burkhadt c/ Trésor public et a., Bull. civ. I, n° 237.

en cas de surendettement. En effet, les exigences formelles ne doivent pas compromettre l’objectif initial du texte relatif au surendettement. Au plan formel, l’art. R 331-16 du code de la consommation précise simplement que « le plan conventionnel de redressement est signé et daté par les parties ;(…).». On peut en déduire qu’aucune exigence particulière n’est posée quant à la forme que doit prendre l’accord obtenu.

Qu’en est-il lorsque la négociation collective porte sur des dettes dues par des entreprises ?

Dans le document Le traitement du contentieux bancaire (Page 170-175)